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    2. Le mort vivant
    3. Chapitre 27
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    Gédéon connaissait sa chambre, il savait où se trouvaient les allumettes, dans le coin droit, sur la cheminée. Et il s’avança résolument, et, ce faisant, il se cogna contre un corps lourd, à un endroit où aucun corps de ce genre n’aurait dû exister. Il n’y avait rien dans cet endroit, quand Gédéon était sorti. Il avait fermé la porte à clef, derrière lui ; il l’avait trouvée fermée à clef quand il était revenu ; personne ne pouvait être entré ; et ce n’était guère probable, non plus, que les meubles pussent, d’eux-mêmes, changer leur position. Et cependant, sans l’ombre d’un doute, il y avait quelque chose là ! Gédéon étendit ses mains, dans les ténèbres. Oui, il y avait quelque chose, quelque chose de grand, quelque chose de poli, quelque chose de froid !

    « Que le ciel me pardonne ! songea Gédéon ; on dirait un piano ! »

    Il se rappela qu’il avait des allumettes dans la poche de son gilet, et en alluma une.

    Ce fut effectivement un piano qui s’offrit à son regard stupéfait ; un vaste et solennel instrument, encore tout humide d’avoir été exposé à la pluie. Gédéon laissa brûler l’allumette jusqu’au bout, et puis, de nouveau, les ténèbres se refermèrent autour de son ahurissement. Alors, d’une main tremblante, il alluma sa lampe, et s’approcha. De près ou de loin, le doute n’était pas permis : l’objet était bien un piano. C’était bien un piano qui se tenait là, impudemment, dans un endroit où sa présence était un démenti à toutes les lois naturelles !

    Gédéon ouvrit le clavier et frappa un accord. Aucun son ne troubla le silence de la chambre. « Serais-je malade ? » se dit le jeune homme, pendant que son cœur s’arrêtait de battre. Il s’assit devant le piano, s’obstina rageusement dans ses tentatives pour rompre le silence, tantôt au moyen de brillants arpèges, tantôt au moyen d’une sonate de Beethoven, que jadis (dans des temps plus heureux) il avait connue comme l’une des œuvres les plus sonores de ce puissant compositeur. Et toujours pas un son ! Il donna sur les touches deux grands coups de ses poings fermés. La chambre resta silencieuse comme un tombeau.

    Le jeune avocat se redressa en sursaut.

    – Je suis devenu complètement sourd, s’écria-t-il tout haut, et personne ne le sait que moi ! La pire des malédictions de Dieu s’est abattue sur moi !

    Ses doigts rencontrèrent la chaîne de sa montre. Aussitôt, il tira sa montre, et l’appliqua à son oreille : il en entendait parfaitement le tic-tac.

    – Je ne suis pas sourd ! dit-il. C’est pis encore, je suis fou ! Ma raison m’a abandonné pour toujours !

    Il promena autour de lui, dans la chambre, un regard inquiet, et aperçut notamment le fauteuil dans lequel M. Dickson s’était installé. Un bout de cigare traînait encore au pied du fauteuil.

    « Non, songea-t-il, cela ne peut avoir été un rêve. C’est ma tête qui déménage, évidemment ! Ainsi, par exemple, il me semble que j’ai faim ; ce sera sans doute encore une hallucination ! Mais, tout de même, je vais faire l’expérience. Je vais m’offrir encore un bon dîner ! Je vais aller dîner au Café Royal, d’où il est bien possible que j’aie à être directement transporté dans un asile. »

    Tout le long de son chemin, dans la rue, avec une curiosité morbide, il se demanda comment allait se trahir son terrible mal. Allait-il assommer un garçon ? ou vouloir manger son verre ? Et c’est ainsi qu’il se dirigea en courant vers le Café Royal, avec la crainte angoissante de découvrir que l’existence de cet établissement était, elle aussi, une hallucination.

    Mais la lumière, le mouvement, le bruit joyeux du café eurent vite fait de le réconforter. Il eut en outre la satisfaction de reconnaître le garçon qui le servait d’ordinaire. Le dîner qu’il commanda ne lui fit pas l’effet d’être trop incohérent, et il éprouva, à le manger, une satisfaction où il ne put découvrir rien d’anormal. « Ma parole, se dit-il, je renais à l’espoir. Peut-être me suis-je affolé trop tôt ? En pareille circonstance, qu’aurait fait Robert Skill ? » Ce Robert Skill était, ai-je besoin de vous le dire ? le principal héros du Mystère de l’Omnibus. Gédéon avait incarné en lui son idéal d’intelligence subtile et de ferme décision. Aussi ne pouvait-il pas douter que Robert Skill, dans une circonstance pareille à celle où il se trouvait lui-même, aurait certainement agi de la façon la plus sage et la meilleure possible. Restait seulement à savoir ce qu’il aurait fait. « Quelle qu’eût été sa décision, se dit encore le jeune romancier, Robert Skill l’eût exécutée séance tenante. » Mais lui-même, malheureusement, ne voyait devant lui, pour l’instant qu’une seule chose à faire, qui était de s’en retourner dans sa chambre, son dîner fini. Et c’est donc ce qu’il fit séance tenante, à l’imitation de son noble héros.

    Mais, quand il fut rentré chez lui, il s’aperçut que décidément aucune inspiration ne lui venait en aide. Et il se tint debout, sur le seuil, considérant avec stupeur l’instrument mystérieux. Toucher au clavier, une fois de plus, c’était au-dessus de ses forces : que le piano eût gardé son incompréhensible silence, ou qu’il lui eût répondu par tous les fracas des trompettes du jugement dernier, il sentait que sa frayeur n’aurait pu que s’en accroître. « Ce doit être une farce qu’on m’aura faite ! songea-t-il, encore qu’elle me semble bien laborieuse et bien coûteuse ! Mais si ce n’est pas une farce, qu’est-ce que cela peut être ? En procédant par élimination, comme a procédé Robert Skill pour découvrir l’auteur de l’assassinat de lord Bellew, je suis forcément amené à conclure que ceci ne peut être qu’une farce ! »

    Pendant qu’il raisonnait ainsi, ses yeux tombèrent sur un objet qui lui parut une nouvelle confirmation de son hypothèse : à savoir, la pagode de cigares que Michel avait construite sur le piano. « Qu’est-ce que cela ? » se demanda Gédéon. Et, s’approchant, il démolit la pagode, d’un coup de poing. « Une clef ? se dit-il ensuite. Quelle singulière façon de la déposer là ! »

    Il fit le tour de l’instrument, et aperçut, sur le côté, la serrure du couvercle. « Ah ! ah ! voici à quoi correspond cette clef ! poursuivit-il. Évidemment, ces deux farceurs auront voulu que je regarde à l’intérieur du piano ! Étrange, en vérité, de plus en plus étrange ! » Sur quoi, il tourna la clef dans la serrure, et souleva le couvercle.

    Dans quelles angoisses, dans quels accès de résolution fugitive, dans quels abîmes de désespoir Gédéon passa la nuit qui suivit, je préfère que mes lecteurs ne le sachent jamais.

    La petite chanson des moineaux de Londres, le lendemain matin, le trouva épuisé, harassé, anéanti, et avec un esprit toujours vide du moindre projet. Il se leva, et, misérablement, regarda des fenêtres closes, une rue déserte, la lutte du gris de l’aube avec le jaune des becs de gaz. Il y a des matinées où la ville tout entière semble s’éveiller avec une migraine : c’était une de ces matinées-là, et la migraine tenaillait également la nuque et les tempes du pauvre Gédéon.

    « Déjà le jour ! se dit-il, et je n’ai encore rien trouvé ! Il faut que cela finisse ! » Il referma le piano, mit la clef dans sa poche, et sortit pour aller prendre son café au lait. Pour la centième fois son cerveau tournait comme une roue de moulin, broyant un mélange de terreurs, de dégoûts, et de regrets. Appeler la police, lui livrer le cadavre, couvrir les murs de Londres d’affiches décrivant John Dickson et Ezra Thomas, remplir les journaux de paragraphes intitulés : le Mystère du Temple, le Piano macabre, M. Forsyth admis à fournir caution : c’était là une ligne de conduite possible, facile, et même, en fin de compte, assez sûre ; mais, à bien y réfléchir, elle ne laissait pas d’avoir ses inconvénients. Agir ainsi, n’était-ce pas révéler au monde toute une série de détails sur Gédéon lui-même qui n’avaient rien à gagner à être révélés ? Car, enfin, un enfant se serait méfié de l’histoire des deux aventuriers, et lui, Gédéon, tout de suite il l’avait avalée. Le plus misérable avocaillon aurait refusé d’écouter des clients qui se présentaient à lui dans des conditions aussi irrégulières ; et lui, il les avait complaisamment écoutés. Et si encore il s’était borné à les écouter ! Mais il s’était mis en route pour la commission dont ils l’avaient chargé : lui, un avocat, il avait entrepris une commission bonne tout au plus pour un détective privé ! Et pour comble, hélas ! il avait consenti à prendre l’argent que lui offraient ses visiteurs ! « Non, non, se dit-il. La chose est trop claire, je vais être déshonoré ! J’ai brisé ma carrière pour un billet de cinq livres ! »

    Après trois gorgées de cette chaude, visqueuse, et boueuse tisane qui passe, dans les tavernes de Londres, pour une décoction de la graine du caféier, Gédéon comprit qu’il y avait tout au moins un point sur lequel aucune hésitation n’était possible pour lui. La chose avait à être réglée sans le secours de la police ! Mais encore avait-elle à être réglée d’une façon quelconque et sans retard. De nouveau Gédéon se demanda ce qu’aurait fait Robert Skill : que peut faire un homme d’honneur pour se débarrasser d’un cadavre honorablement acquis ? Aller le déposer au coin de la rue voisine ? c’était soulever dans le cœur des passants une curiosité désastreuse. Le

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