▶ Lire le livre gratuitement en ligne | Entièrement gratuit | Oui c'est vrai!
  • Home
  • Tous les livres
    • Livres populaires
    • Livres tendance
  • BLOG
Recherche avancée
Sign in Sign up
  • Home
  • Tous les livres
    • Livres populaires
    • Livres tendance
  • BLOG
    Sign in Sign up
    1. Home
    2. Le mort vivant
    3. Chapitre 17
    Prev
    Next

    reste), quelques fleurs incolores dans des pots, et deux ou trois statues d’après l’antique, représentant des satyres et des nymphes d’une exécution plus médiocre que tout ce que mon lecteur pourra imaginer. D’un côté, ce jardin était ombragé par deux petits ateliers, sous-loués par Pitman aux plus obscurs et maladroits représentants de notre art national. De l’autre côté s’élevait un bâtiment un peu moins lugubre, avec une porte de derrière donnant sur une ruelle ; c’était là que M. Pitman se livrait, chaque soir, aux joies de la création artistique. Toute la journée, il enseignait l’art à des jeunes filles, dans un pensionnat de Kensington ; mais ses soirées du moins lui appartenaient, et il les prolongeait fort avant dans la nuit. Tantôt il peignait un Paysage avec cascade, à l’huile ; tantôt il sculptait, gratuitement et de son plein gré (mais « en marbre », comme il aimait à le faire remarquer), le buste de quelque personnage public ; tantôt encore il modelait en plâtre une nymphe (« pouvant servir de lampadaire pour le gaz dans un escalier, monsieur ! ») ou bien un Samuel enfant, grandeur trois quarts de nature, qu’on aurait pu lui acheter pour le salon d’un bureau de nourrices.

    M. Pitman avait étudié autrefois à Paris, et même à Rome, aux frais d’un marchand de corsets, son cousin, qui malheureusement n’avait pas tardé à faire faillite ; et bien que personne jamais n’eût poussé l’incompétence artistique jusqu’à lui soupçonner le moindre talent, on avait pu supposer qu’il avait un peu appris son métier. Mais dix-huit ans d’enseignement l’avaient dépouillé du maigre bagage de ses connaissances. Parfois les artistes à qui il sous-louait des ateliers ne pouvaient s’empêcher de le raisonner ; ils lui remontraient, par exemple, combien c’était chose impossible de peindre de bons tableaux à la lumière du gaz, ou des nymphes grandeur nature sans le secours d’un modèle. « Oui, je sais cela ! répondait-il. Personne ne le sait mieux que moi dans tout Norfolk-Street. Et je vous assure que, si j’étais riche, je n’hésiterais pas à employer les meilleurs modèles de Londres. Mais, étant pauvre, j’ai dû apprendre à me passer d’eux ! Un modèle qui viendrait de temps à autre, voyez-vous ? ne servirait qu’à troubler ma conception idéale de la figure humaine ; loin d’être un avantage, ce serait un réel danger pour ma carrière d’artiste. Et quant à mon habitude de peindre à la lumière artificielle du gaz, je reconnais qu’elle n’est pas sans inconvénients ; mais j’ai bien été forcé de l’adopter, puisque toutes mes journées se trouvent consacrées à des travaux d’enseignement ! »

    Dans l’instant précis où je dois le présenter à mes lecteurs, Pitman se trouvait seul dans son atelier, sous la lueur mourante d’un morne jour d’octobre. Il était assis dans un fauteuil Windsor (avec une « simplicité pleine de naturel », certes), la tête coiffée de son chapeau de feutre noir. C’était un pauvre petit homme brun, maigre, inoffensif, touchant, avec ses habits de deuil, avec sa redingote trop longue, son faux-col droit et bas, avec son aspect vaguement ecclésiastique, – qui l’aurait été plus nettement encore sans une longue barbe se terminant en pointe. Et il y avait bien des fils d’argent dans ses cheveux et sa barbe. Il n’était plus tout jeune, le pauvre homme : et le veuvage, et la pauvreté, et une humble ambition toujours contrariée, tout cela n’était point fait pour le rajeunir !

    En face de lui, dans un coin près de la porte, se dressait un solide baril. Et Pitman avait beau se retourner dans son fauteuil : c’était toujours ce baril qui s’offrait à ses yeux comme à ses pensées.

    « Dois-je l’ouvrir ? Dois-je le renvoyer ? Dois-je prévenir de suite M. Semitopolis ! » se demandait-il. « Non ! décida-t-il enfin. Ne faisons rien sans avoir l’avis de M. Finsbury ! » Après quoi il se leva et alla prendre, dans un tiroir, un buvard de cuir, tout usé. Il le posa sur la table, devant la fenêtre, en tira une feuille de ce papier à lettres couleur café au lait qui lui servait pour ses relations écrites avec la directrice du pensionnat où il donnait des leçons, et, laborieusement, il parvint à rédiger la lettre suivante :

    « Cher monsieur Finsbury, serait-ce trop présumer de votre obligeance que de vous prier de venir me voir un moment, ce soir même ? Le sujet qui me préoccupe, et sur lequel j’ai à vous demander conseil, est des plus importants : car il s’agit de la statue d’Hercule, appartenant à M. Semitopolis, dont j’ai déjà eu l’occasion de vous parler. Je vous écris dans un grand état d’agitation et d’inquiétude : je crains, en vérité, que ce chef-d’œuvre de l’art antique ne se soit égaré. Et j’ai en outre pour m’affoler une autre perplexité qui, d’ailleurs, se rattache à celle-là. Veuillez, je vous en prie, excuser l’inélégance de ce griffonnage, et croyez-moi votre tout dévoué

    « WILLIAM D. PITMAN. »

    Muni de cette lettre, il se mit en route, et alla sonner à la porte du numéro 233, dans King’s Road, la rue voisine : c’est à cette adresse que l’avoué Michel Finsbury avait son domicile particulier. Pitman avait rencontré l’avoué, quatre ans auparavant, à Chelsea, dans une réunion d’artistes ; ils étaient revenus ensemble, étant voisins ; et Michel, qui était, au fond, un excellent garçon, n’avait point cessé, depuis lors, d’accorder à son petit voisin une amitié un peu dédaigneuse, mais secourable et sûre.

    – Non ! dit la vieille femme de ménage des Finsbury, qui était venue ouvrir la porte, M. Michel n’est pas encore rentré ! Mais vous paraissez tout mal à l’aise, monsieur Pitman ! Venez prendre un verre de sherry, monsieur, pour vous remonter !

    – Merci, madame ! pas aujourd’hui ! répondit l’artiste. Vous êtes bien bonne, mais je me sens trop déprimé pour boire du sherry. Veuillez seulement, sans faute, remettre ce billet à M. Michel, et priez-le de passer un instant chez moi ! Qu’il vienne par la porte de derrière, donnant sur la ruelle : je resterai toute la soirée dans mon atelier !

    Et il s’en retourna dans sa rue, et, lentement, rentra chez lui. Au coin de King’s Road, la vitrine d’un coiffeur attira son attention. Longtemps il considéra la fière, noble, superbe dame en cire qui évoluait au centre de cette vitrine. Et, à ce spectacle, l’artiste se réveilla en Pitman, malgré les angoisses de l’homme privé.

    « On a beau jeu à se moquer de ceux qui font ces choses-là ! se dit-il ; mais il y a tout de même quelque chose, là-dedans ! Il y a, dans cette figure, un je ne sais quoi d’altier, de grand, de vraiment distingué ! C’est précisément le même je ne sais quoi que j’ai essayé d’exprimer dans mon Impératrice Eugénie ! » soupira-t-il.

    Et, tout le long de son chemin, jusqu’à son atelier, il songea à ce « je ne sais quoi ».

    « Ce contact immédiat de la réalité, se dit-il, voilà ce qu’on ne vous apprend pas à Paris ! C’est un art anglais, purement anglais ! Allons mon pauvre vieux, tu t’es laissé encroûter ! secoue-toi ! Vise plus haut, Pitman, vise plus haut ! »

    Tout le temps de son thé, et, plus tard, pendant qu’il donnait à son fils sa leçon de violon, l’âme de Pitman oublia ses soucis pour s’envoler au pays de l’idéal. Et, dès qu’il eut achevé la leçon, il courut s’enfermer dans son atelier.

    La vue même du baril ne parvint pas à abattre son élan. Il se donna tout entier à son œuvre – un buste de M. Gladstone, d’après une photographie. Avec un succès extraordinaire, il vainquit la difficulté que lui offrait, en l’absence de tout document, le derrière de la tête de son illustre modèle ; et il allait attaquer les mémorables pointes du col de chemise, lorsque l’entrée de Michel Finsbury vint brusquement le rappeler à la réalité.

    – Eh bien ! qu’est-ce qu’il y a qui ne va pas ? demanda Michel, en s’avançant vers la cheminée, où Pitman, à son intention, avait préparé un excellent feu.

    – Aucun mot ne suffirait à vous exprimer mon embarras ! dit l’artiste. La statue de M. Semitopolis n’est pas arrivée, et je crains qu’on ne me rende responsable de sa perte. Encore n’est-ce pas la question d’argent qui m’inquiète ! Ce qui m’inquiète, monsieur Finsbury, c’est la perspective du scandale ! Cet Hercule, comme vous savez, a quitté l’Italie en contrebande. Les princes romains qui le possédaient n’avaient pas le droit de s’en dessaisir, et c’est pour détourner les soupçons que M. Semitopolis m’a demandé, moyennant une petite commission, de permettre que le colis me fût adressé. Si la statue est restée en route, tout va se découvrir, et je vais être forcé d’avouer ma participation à cette illégalité !

    – Voilà qui me paraît une affaire des plus graves ! déclara l’avoué. Je prévois qu’elle va exiger beaucoup de boisson, Pitman !

    – J’ai pris la liberté de… de tout préparer pour vous à cette intention ! répondit l’artiste, en désignant, sur la table, une lampe à esprit de vin, une bouteille de gin, un citron, et des verres.

    Michel se confectionna un grog et offrit un cigare à son ami.

    – Non, merci ! dit Pitman. J’avais la faiblesse d’aimer beaucoup le tabac, autrefois ; mais, vous savez, l’odeur est si tenace, sur les habits !

    – Parfait ! dit l’avoué. Maintenant, je suis en état de vous écouter. Allez-y de votre histoire !

    Et le pauvre Pitman, complaisamment, étala ses angoisses. Il était allé tout à l’heure à la

    Prev
    Next
    SHARE THIS MANGA
    Share on Facebook Share
    0
    Share on TwitterTweet
    Share on Pinterest Share
    0
    Share on LinkedIn Share
    Share on Digg Share
    0
    Total Shares

    YOU MAY ALSO LIKE

    Une apologie des oisifs – Robert Louis Stevenson
    Une apologie des oisifs
    August 17, 2020
    L’Etrange Cas du Dr Jekyll et de Mr Hyde – Robert Louis Stevenson
    L’Étrange Cas du Dr Jekyll et de Mr Hyde
    August 17, 2020
    Catriona – Robert Louis Stevenson
    Catriona (Les Aventures de David Balfour 2)
    August 17, 2020
    Dans les mers du sud – Robert Louis Stevenson
    Dans les mers du sud
    August 17, 2020
    Tags:
    Classique, Fiction, Humour
    • Privacy Policy
    • ABOUT US
    • Contact Us
    • Copyright
    • DMCA Notice

    © 2020 Copyright par l'auteur des livres. Tous les droits sont réservés.

    Sign in

    Lost your password?

    ← Back to ▶ Lire le livre gratuitement en ligne | Entièrement gratuit | Oui c'est vrai!

    Sign Up

    Register For This Site.

    Log in | Lost your password?

    ← Back to ▶ Lire le livre gratuitement en ligne | Entièrement gratuit | Oui c'est vrai!

    Lost your password?

    Please enter your username or email address. You will receive a link to create a new password via email.

    ← Back to ▶ Lire le livre gratuitement en ligne | Entièrement gratuit | Oui c'est vrai!