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    2. Le Maître de Ballantrae
    3. Chapitre 52
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    cessé tout le jour de nous rapprocher en ligne plus ou moins directe. Dès la première lueur de l’aube, leurs pics d’argent avaient été notre point de direction dans une forêt enchevêtrée et marécageuse, coupée de torrents farouches, et parsemée de rocs énormes ; – j’ai dit les pics d’argent, car déjà, sur les hauteurs, la neige tombait chaque nuit ; mais la forêt et les terrains bas ne subissaient que l’haleine du givre. Tout le jour, le ciel avait été chargé de sinistres vapeurs à travers lesquelles le soleil blafard luisait comme une pièce d’un shilling ; tout le jour, le vent nous souffla sur la joue gauche, sauvagement froid, mais très pur à respirer. Vers la fin de l’après-midi, toutefois, le vent tomba ; les nuages, faute de recevoir de nouveaux renforts, se dissipèrent ou se résorbèrent ; le soleil se coucha derrière nous avec une splendeur hivernale, et la blanche crête des montagnes se teignit de son mourant éclat.

    Il faisait déjà noir quand nous eûmes à souper. On mangea en silence, et, le repas à peine terminé, Mylord s’esquiva d’auprès du feu et gagna les abords du camp, où je me hâtai de le suivre. Le camp était un lieu élevé, dominant un lac gelé de peut-être un mille dans sa plus grande dimension ; tout autour de nous, la forêt tapissait les creux et les hauteurs ; dans le ciel se dressaient les blanches montagnes ; et, au-dessus d’elles, la lune planait dans l’azur sombre. Il n’y avait pas un souffle d’air ; pas une feuille ne remuait ; et les bruits de notre camp étaient silenciés et absorbés par la paix environnante. À cette heure où le soleil et le vent avaient l’un et l’autre disparu, il semblait presque faire chaud comme un soir de juillet ; – singulière illusion des sens, alors que l’air, la terre et l’eau étaient pris et contractés par l’intensité du gel.

    Mylord (ou l’être que je continuais à appeler de ce nom bien-aimé) se tenait debout, le coude dans une main, le menton dans l’autre, considérant devant lui l’étendue de la forêt. Mon regard suivit le sien, et se reposa presque avec plaisir sur les pins chargés de givre, qui se dressaient sur les monticules illunés, ou s’enfonçaient dans l’ombre des ravines. Tout proche, me disais-je, était la tombe de notre ennemi, enfin parti là où les méchants cessent de nuire, et la terre recouvrait pour toujours ses membres autrefois si actifs. J’enviais presque, en songeant à lui, son bonheur d’en avoir fini avec les inquiétudes et les fatigues humaines, ce quotidien gaspillage d’énergies, ce fleuve quotidien des contingences qu’il nous faut passer à la nage, à tout risque, sous peine de honte ou de mort. Je réfléchissais à la douceur d’en être quitte avec ce voyage ; et cette idée m’entraîna par la tangente vers Mylord. Pourquoi Mylord n’était-il pas mort aussi ? Mylord, soldat mutilé, attendant en vain son congé, dérisoirement resté sur le front de bataille ? Je le revoyais doux et sage, avec son honnête fierté, fils peut-être trop respectueux, mari trop aimant, sachant souffrir et se taire, celui dont j’aimais à serrer la main. Tout à coup la pitié me monta à la gorge dans un sanglot ; j’aurais volontiers pleuré tout haut de me le rappeler et de le voir là ; et, debout auprès de lui, sous la lune éclatante, je priai avec ferveur, demandant ou bien la délivrance pour lui, ou bien pour moi la force de persévérer dans mon affection.

    « Oh ! mon Dieu, dis-je, cet homme était tout, à mes yeux comme aux siens, et voilà qu’à présent j’ai horreur de lui. Il n’a pas fait le mal, du moins avant d’être brisé par le chagrin. Ce sont ses blessures honorables qui nous font horreur. Oh ! cache-les, mon Dieu, ou reprends-le, avant que nous le haïssions ! »

    J’étais ainsi replié sur moi-même, lorsqu’un bruit s’éleva soudain dans la nuit. Il n’était ni très fort ni très proche ; mais, rompant ce silence profond et prolongé, il émut le camp telle une fanfare de trompettes. Je n’avais pas repris mon souffle, que Sir William était auprès de moi, suivi de près par la plupart des voyageurs, tous prêtant l’oreille attentivement. Je crus, en jetant un coup d’œil par-dessus mon épaule, voir sur leurs joues une pâleur autre que celle de la lune : les rais de l’astre mettaient un reflet brillant sur les yeux de certains et l’ombre noire emplissait les orbites des autres (selon qu’ils levaient ou baissaient la tête pour écouter), de telle sorte que tout le groupe offrait un aspect étrange d’animation et d’inquiétude. Mylord était au-devant d’eux, à demi penché, la main levée comme pour imposer silence, – changé en statue. Et toujours les sons s’élevaient, renouvelés à perdre haleine sur un rythme précipité.

    Soudain, Mountain parla, d’une voix haut-chuchotante et entrecoupée, comme celle d’un homme délivré.

    – Je comprends tout, maintenant, dit-il ; et, chacun se tournant pour l’écouter, – l’Indien devait connaître la cache. C’est lui, lui en train de déterrer le trésor !

    – Oui, c’est évident, s’écria Sir William. Quelles oies nous étions de ne l’avoir pas deviné !

    – Pourtant, reprit Mountain, le bruit est tout proche de notre camp. Et, vrai, je ne vois pas de quelle façon il a pu y être avant nous, à moins qu’il n’ait des ailes !

    – La cupidité et la peur sont des ailes, fit observer Sir William. Mais ce bandit nous a donné une alerte, et j’ai bonne envie de lui rendre la pareille. Que dites-vous, gentlemen, d’une chasse au clair de lune ?

    La chose fut agréée ; on se disposa à prendre Secundra sur le fait ; quelques Indiens de Sir William partirent en avant ; et une forte garde étant laissée à notre quartier général, on se mit en marche sur le sol accidenté de la forêt. Le givre craquait, la glace éclatait parfois bruyamment sous le pied ; et nous avions sur nos têtes la noirceur de la pinède, et la clarté intermittente de la lune. Notre chemin descendit dans un creux, et à mesure que nous nous y enfoncions, le bruit diminuait, et il s’évanouit presque. L’autre versant était plus découvert, parsemé simplement de quelques pins et de gros rochers espacés, qui faisaient des ombres d’encre parmi le clair de lune. Là, le bruit recommença, plus distinct ; on discernait à présent la sonorité du fer, et on pouvait mieux apprécier la hâte frénétique que le piocheur apportait à manier son outil. Quand nous atteignîmes le haut de la montée, deux ou trois oiseaux s’envolèrent et se mirent à tournoyer, ombres noires dans le clair de lune. Un instant après, notre regard plongeait, à travers un rideau d’arbres, sur un spectacle singulier.

    Un étroit plateau, dominé par les blanches montagnes, et enserré de plus près par les bois, étalait sa nudité sous l’irradiation de la pleine lune. Des équipements grossiers, de ceux qui constituent la richesse des forestiers, étaient épars çà et là sur le sol dans un désordre sans nom. Au milieu se dressait une tente roide de givre, dont la porte béait sur un intérieur noir. Vers une extrémité de cette scène minuscule, gisaient les restes défigurés d’un homme. Sans nul doute, nous avions atteint le campement de Harris ; c’étaient là les effets abandonnés dans la panique de la fuite ; sous cette tente, le Maître avait rendu le dernier soupir ; et ce cadavre gelé que nous voyions était le corps du savetier ivrogne. On est toujours ému d’arriver sur le théâtre d’un événement tragique : le fait d’y arriver après des jours écoulés, et de le trouver (grâce à l’isolement du désert) toujours dans l’état primitif, eût ému les plus insouciants. Et néanmoins ce ne fut pas ce fait qui nous pétrifia sur place, mais la vue (à laquelle nous nous attendions pourtant) de Secundra enfoncé jusqu’à la cheville dans la tombe de son défunt maître. Bien qu’il eût rejeté la plupart de ses vêtements, une sueur abondante reluisait au clair de la lune sur ses bras et ses épaules grêles ; ses traits étaient contractés par l’inquiétude et l’attente, ses coups résonnaient sur la tombe, lourds comme des sanglots ; et derrière lui, étrangement difforme et d’un noir d’encre sur le sol givré, son ombre répétait en la parodiant sa gesticulation précipitée. À notre arrivée, des oiseaux de nuit s’élevèrent des branches pour s’y reposer bientôt, mais Secundra, l’attention tout absorbée dans sa besogne, ne s’aperçut de rien.

    J’entendis Mountain chuchoter à Sir William : « Bon Dieu ! c’est la tombe ! Il est en train de le déterrer ! » C’était ce que nous avions tous deviné ; mais je frémis de l’entendre formuler en paroles. Sir William sursauta violemment, et s’écria :

    – Holà ! damné chien sacrilège ! Qu’est ceci ?

    Secundra sauta en l’air, avec un léger cri étouffé, l’outil s’échappa de ses mains, et il resta ébahi devant son interpellateur. L’instant d’après, vif comme une flèche, il s’élança vers la forêt, mais presque aussitôt, levant les bras dans un geste de résolution véhémente, il retournait sur ses pas.

    – Eh bien, alors, vous venir, vous aider… dit-il. Mais Mylord s’était avancé jusqu’auprès de Sir William ; la lune éclairait en plein ses traits ; et Secundra, avant même d’avoir fini sa phrase, distingua et reconnut l’ennemi de son maître. « Lui ! » hurla-t-il en se tordant les mains et se ramassant sur lui-même.

    – Allons, allons, dit Sir William. Personne ici ne vous fera de mal, si vous êtes innocent ; et si vous êtes coupable,

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