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    2. Le Maître de Ballantrae
    3. Chapitre 5
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    de même. Tout son amour allait au fils défunt. Non qu’il y fît guère allusion ; en ma présence, du moins, une seule fois. Mylord m’avait demandé en quels termes j’étais avec Mr. Henry, et je lui avais répondu la vérité.

    – Oui, dit-il, en regardant brûler le feu, Henry est un bon garçon, un très bon garçon. Vous savez sans doute, Mr. Mackellar, que j’avais un autre fils ? Il n’était pas, je le crains, aussi vertueux que Mr. Henry ; mais, mon Dieu, il est mort, Mr. Mackellar ! et tant qu’il vivait, nous étions tous fiers de lui, très fiers. S’il ne fut pas tout ce qu’il eût dû être, sous certains rapports, ma foi, peut-être ne l’en aimions-nous que davantage !

    Ces derniers mots, il les prononça en regardant pensivement le feu ; puis s’adressant à moi, avec une grande vivacité :

    – Mais je suis enchanté que vous vous accordiez si bien avec Mr. Henry. Vous trouverez en lui un bon maître.

    Là-dessus, il ouvrit son livre, ce qui était sa manière habituelle de congédier. Mais il ne dut guère lire, et moins encore comprendre : le champ de bataille de Culloden, et le Maître, voilà sans doute ce qui occupait son esprit ; et ce qui occupait le mien, c’était une jalousie mauvaise contre le défunt, à la pensée de Mr. Henry, jalousie qui dès alors avait commencé de m’envahir.

    J’ai réservé Mme Henry pour la fin ; c’est pourquoi l’expression de mes sentiments paraîtra naturellement plus forte : le lecteur en jugera. Mais je dois parler d’abord d’une autre affaire qui rendit plus étroite mon intimité avec mon maître. Je n’étais pas encore de six mois à Durrisdeer, que John-Paul tomba malade, et qu’il dut s’aliter. À mon humble avis, la boisson était l’origine de son mal ; mais il fut soigné, et se comporta lui-même, comme un saint dans le malheur ; et le ministre qui vint le voir se déclara fort édifié en se retirant. Le troisième matin de sa maladie, Mr. Henry vint me trouver avec une mine quasi patibulaire.

    – Mackellar, dit-il, je vais vous demander un petit service. Nous payons une pension ; c’est John qui est chargé de la porter et, à présent qu’il est malade, je ne vois personne autre que vous à qui m’adresser. Il s’agit d’une commission très délicate : je ne l’exécute pas moi-même, et pour cause ; je n’ose envoyer Macconochie, car c’est un bavard, et je suis… j’ai… je suis désireux que cela n’aille pas aux oreilles de Mme Henry, ajouta-t-il, en rougissant jusqu’au cou.

    À vrai dire, quand je sus qu’il me fallait porter de l’argent à une Jessie Broun, qui ne valait pas mieux qu’il ne fallait, j’imaginai que Mr. Henry avait là quelque farce de jeunesse à dissimuler. Je fus d’autant plus impressionné quand la vérité se fit jour.

    C’était au haut d’une allée, donnant sur une petite rue de Saint-Bride, que Jessie avait son logement. L’endroit était fort mal peuplé, surtout de contrebandiers. Il y avait à l’entrée un homme au crâne fendu ; un peu plus haut, dans une taverne, des gens criaient et chantaient, bien qu’il ne fût pas neuf heures du matin. Bref, je n’ai jamais vu pire voisinage, même dans la grande ville d’Édimbourg, et je fus à deux doigts de m’en retourner. L’appartement de Jessie comprenait une pièce avec ses dépendances, et elle-même ne valait guère mieux. Elle refusa de me donner un reçu (que Mr. Henry m’avait dit de réclamer, car il était fort méthodique) avant d’avoir envoyé chercher des alcools, et sans que j’eusse trinqué avec elle ; et tout le temps elle ne cessa de se comporter d’une manière folâtre et détachée, – singeant parfois les manières d’une dame, parfois éclatant d’une gaieté sans cause, ou bien me faisant des agaceries et des avances qui me remplissaient de dégoût. Sur le chapitre de l’argent, elle fut tragique.

    – C’est le prix du sang, dit-elle ; c’est ainsi que je le reçois ; le prix du sang de celui qui fut trahi ! Voyez à quoi j’en suis réduite ! Ah ! si le bon petit gars était de retour, cela marcherait autrement. Mais il est mort, – il est couché mort dans les montagnes du Highland, – le bon petit gars ! le bon petit gars !

    Elle avait une telle façon inspirée de larmoyer sur le bon petit gars, mains jointes et yeux au ciel, qu’elle devait, je pense, l’avoir apprise des comédiens ambulants. Je crus voir que son chagrin était pure affectation et qu’elle insistait sur sa dégradation uniquement parce que c’était alors la seule chose dont elle pût se glorifier. Il serait faux de dire que je ne la plaignais pas, mais c’était avec un mélange de dégoût, et sa dernière façon d’agir balaya entièrement cette pitié. Lorsqu’elle en eut assez de me donner audience, elle apposa son nom au bas du reçu. « Voilà ! » dit-elle, et, lâchant une bordée de blasphèmes les moins féminins, elle m’enjoignit de partir et de porter cela au Judas qui m’avait envoyé. C’était la première fois que j’entendais qualifier de la sorte Mr. Henry ; je fus en outre déconcerté par la soudaine brutalité de sa voix et de ses allures, et sortis de la chambre sous une grêle de malédictions, comme un chien battu. Même dehors, je n’en fus pas quitte : la mégère ouvrit la fenêtre et, se penchant, continua de me vitupérer, tandis que je descendais l’allée. Les contrebandiers, sortant sur le seuil de la taverne, joignirent leurs sarcasmes aux siens, et l’un d’eux eut la cruauté de lancer à mes trousses un petit roquet féroce, qui me mordit à la cheville. C’était là un bon avertissement, au cas où j’en aurais eu besoin, d’éviter les mauvaises fréquentations ; et je tournai la bride vers le château, souffrant beaucoup de la morsure, et considérablement indigné.

    Mr. Henry m’attendait dans le bureau du régisseur, simulant d’être occupé ; mais je vis bien qu’il était uniquement impatient de savoir les nouvelles de mon expédition.

    – Eh bien ? dit-il, dès mon entrée.

    Je lui racontai une partie de ce qui s’était passé, ajoutant que Jessie me paraissait loin de mériter ses bontés, et incapable de reconnaissance.

    – Elle n’est pas mon amie, dit-il. En fait, je n’ai guère d’amis, et Jessie a quelque raison d’être injuste. Je ne dissimulerai pas ce que tout le pays connaît : elle fut assez mal traitée par un membre de la famille.

    C’était la première fois que je l’entendais faire une allusion, même lointaine, au Maître ; et il me parut que sa langue se refusait presque à en dire autant. Mais il reprit :

    – Voilà pourquoi je voulais qu’on n’en sût rien. Cela ferait de la peine à Mme Henry… et à mon père, ajouta-t-il, en rougissant de nouveau.

    – Mr. Henry, dis-je, si vous m’en laissez prendre la liberté, je vous conseille de ne plus vous occuper de cette femme. De quelle utilité peut être votre argent à quelqu’un de son espèce ? Elle n’a ni sobriété, ni épargne, – et pour la reconnaissance, vous tireriez plutôt du lait d’une meule de rémouleur ; et si vous voulez mettre un terme à vos bontés, cela n’y changera rien, si ce n’est d’épargner les chevilles de vos messagers.

    Mr. Henry eut un sourire.

    – Mais je suis désolé pour votre cheville, dit-il l’instant d’après, avec le sérieux voulu.

    – Et remarquez, continuai-je, que je vous donne cet avis après réflexion, et bien que mon cœur fût ému par cette femme, tout d’abord.

    – N’est-ce pas ? vous voyez bien ! dit Mr. Henry. Et il faut vous souvenir que je l’ai connue jadis très convenable. Outre cela, bien que je ne parle guère de ma famille, sa réputation me tient à cœur.

    Là-dessus, il coupa court à cet entretien, le premier que nous eûmes ensemble sur ce genre de sujet. Mais l’après-midi même, j’acquis la preuve que son père était parfaitement au courant de l’histoire, et que c’était seulement pour sa femme que Mr. Henry désirait le secret.

    – J’ai bien peur que vous n’ayez fait aujourd’hui une commission pénible, me dit Mylord. Et, comme elle ne relève en aucune façon de vos attributions, je tiens à vous en remercier, et à vous rappeler en même temps (au cas où Mr. Henry l’aurait oublié) qu’il est fort à désirer que pas un mot n’en soit prononcé devant ma fille. Les réflexions sur les défunts, Mr. Mackellar, sont doublement pénibles.

    La colère me remplit le cœur, et je faillis dire en face, à Mylord, combien peu c’était son rôle, de grandir l’image du défunt aux yeux de Mme Henry, et qu’il aurait beaucoup mieux fait de détrôner cette fausse idole ; car dès cette époque, je voyais très bien sur quel pied se trouvait mon maître vis-à-vis de sa femme.

    Ma plume possède la clarté nécessaire pour raconter simplement une histoire ; mais rendre l’effet d’une multitude de petits détails, dont pas un seul ne mérite d’être rapporté ; traduire le langage des coups d’œil, et l’intonation de voix qui ne disent pas grand-chose, et condenser en une demi-page l’essentiel de presque dix-huit mois, – je désespère d’y arriver. La faute, pour parler net, fut toute à Mme Henry. Elle s’estimait fort méritante d’avoir consenti à ce mariage qu’elle supportait comme un martyre ; à quoi Mylord, à son insu ou non, l’excitait encore. Elle se faisait aussi un mérite de sa constance envers le défunt, quoique le simple prononcé de son nom fût apparu à une conscience plus droite comme une déloyauté envers le vivant. Là-dessus, également, Mylord lui donnait l’approbation de son attitude.

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