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    2. Le Maître de Ballantrae
    3. Chapitre 46
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    peu avant Engles, – où le torrent coule très encaissé sous un bois de hêtres ? Je me rappelle y avoir été dans ma jeunesse – mon Dieu ! cela me fait l’effet d’une vieille ballade – j’étais à la pêche, et j’avais pris beaucoup de poisson. Oh ! j’étais heureux, alors. Je me demande, Mackellar, pourquoi je ne suis plus heureux, à présent ?

    – Mylord, dis-je, si vous buviez avec plus de modération, vous pourriez le redevenir. C’est un vieux dicton que la bouteille est mauvaise consolatrice.

    – Sans doute, dit-il, sans doute. Eh bien, je crois que je m’en vais.

    – Au revoir, Mylord, dis-je.

    – Au revoir, au revoir, dit-il. Et il sortit enfin de l’appartement.

    J’offre ici comme un bon échantillon de ce qu’était mon maître dans la matinée ; et j’aurai donné de lui une idée bien fausse si le lecteur ne s’aperçoit pas d’une déchéance notable. De voir cet homme ainsi tombé, de le savoir accepté de ses compagnons comme un pauvre biberon hébété, bienvenu (s’il l’était) par simple considération de son titre ; et de me rappeler les vertus qu’il déployait jadis contre d’analogues revers de fortune, – n’était-ce pas irritant et aussi humiliant ?

    Une fois dans les vignes, il était plus excessif. Je ne rapporterai qu’une scène, survenue peu avant la fin, qui est aujourd’hui encore fortement imprimée dans ma mémoire, et qui à l’époque me remplit d’une sorte d’horreur.

    J’étais au lit, tout éveillé, lorsque je l’entendis monter l’escalier en titubant et en chantant. Mylord n’avait pas le don musical : son frère possédait toutes les grâces de la famille ; aussi quand je parle de chanter, il faut entendre une sorte de mélopée élevée, intermédiaire à la diction et au chant. Il sort quelque chose d’analogue de la bouche des enfants qui n’ont pas encore appris à se contraindre ; venant d’un homme mûr, cela produisait un effet bizarre. Il ouvrit la porte avec des précautions bruyantes ; jeta un coup d’œil à l’intérieur, en abritant de la main sa bougie ; crut que je dormais ; entra, déposa son bougeoir sur la table, et ôta son chapeau. Je le voyais en plein ; une vive surexcitation fiévreuse bouillait dans ses veines, et il restait à sourire devant la bougie d’une façon contrainte. Puis il leva le bras, claqua des doigts, et se mit à se déshabiller. Ce faisant, il oublia ma présence, et reprit sa chanson ; et alors je compris les paroles. C’étaient celles d’une vieille complainte, « les deux corbeaux », indéfiniment répétées.

    Et sur ses os dénudés

    Le vent soufflera pour jamais.

    J’ai dit qu’il n’avait pas l’oreille musicale. Il n’observait aucune règle déterminée pour le ton, sauf qu’il montrait plutôt une tendance au mode mineur ; mais ses frustes modulations exerçaient un pouvoir singulier sur la sensibilité, et, d’accord avec les mots, elles exprimaient sur un mode barbare les sentiments du chanteur. Il avait débuté d’une façon vive et déclamatoire ; puis cette verve intempestive tomba, ses notes acquirent plus d’émotion, et elles s’abaissèrent, pour finir, à un diapason plaintif dont le pathétique m’était quasi intolérable. Par degrés correspondants, l’alacrité initiale de ses gestes déclina, et quand son déshabillage en fut arrivé aux culottes, il s’assit au bord du lit et se mit à larmoyer. Je ne sais rien de moins respectable que les pleurs d’un ivrogne, et je me détournai avec irritation de cette triste vue.

    Mais il s’était arrêté de lui-même (il faut croire) sur cette pente glissante d’égoïste complaisance, laquelle n’offre à un homme, démoralisé par les chagrins et les libations répétées, d’autre terme que l’épuisement. Ses larmes ne cessaient de couler, et il restait assis là, aux trois quarts nu, dans l’air froid de la chambre. Je m’accusais tour à tour d’inhumanité et de faiblesse sentimentale, tantôt à demi relevé dans mon lit pour intervenir, tantôt m’exhortant à l’indifférence et invoquant le sommeil. Tout à coup, le quantum mutatus ab illo1 me frappa l’esprit ; et rappelant à ma mémoire sa sagesse, sa constance et sa patience d’autrefois, je fus pris d’une pitié quasi désespérée, moins pour mon maître que pour les fils de l’homme.

    Aussitôt je bondis de ma place, m’approchai de lui et posai ma main sur son épaule nue, qui était froide comme pierre. Il leva vers moi son visage tout gonflé et marqué de larmes comme celui d’un enfant. À cette vue, mon irritation se raviva en partie.

    – Rougissez donc de vous-même, dis-je. Votre conduite est puérile. Je serais moi aussi à renifler, si j’avais voulu m’emplir l’estomac de vin. Mais je me suis couché en homme sobre. Allons, couchez-vous aussi, et terminez cette pitoyable comédie.

    – Oh ! Mackellar, dit-il, j’ai le cœur navré !

    – Navré ? Il y a de quoi, je pense. Quelles paroles chantiez-vous quand vous êtes rentré ? Ayez pitié de votre prochain, il pourra être question de pitié pour vous. Peu importe que vous soyez l’un ou l’autre, mais je ne suis pas partisan des à-moitié. Si vous voulez frapper, faites-le ; et si vous êtes un mouton, bêlez.

    – C’est cela, s’écria-t-il soudain ; c’est cela, frapper ! voilà qui est parler ! Ami, j’ai supporté cela trop longtemps. Mais puisqu’on s’en prend à mon enfant, puisque le petit est menacé, – (sa vigueur passagère retomba) – mon petit Alexander ! – et ses larmes coulèrent de nouveau.

    Je le saisis par les épaules et le secouai.

    – Alexander ! dis-je. Pensez-vous jamais à lui ? Mais non ! Examinez-vous en brave, et vous verrez que vous vous leurrez vous-même. Femme, ami, enfant sont également oubliés, et vous êtes enseveli dans un égoïsme opaque.

    – Mackellar, dit-il, avec un surprenant retour à sa manière et à son aspect d’autrefois, vous pourrez dire ce que vous voudrez de moi, mais il y a une chose que je ne fus jamais… je ne fus jamais égoïste.

    – Je vais vous ouvrir les yeux malgré vous, dis-je. Depuis combien de temps sommes-nous ici ? Et combien de lettres avez-vous écrites à votre famille ? C’est la première fois, je pense, que vous en êtes séparé : avez-vous écrit du tout ? Savent-ils si vous êtes mort ou vivant ?

    Je n’avais mis aucun ménagement à cette attaque : elle le rendit à sa noblesse primitive ; ses larmes s’arrêtèrent ; il me remercia, me dit ses regrets, se coucha, et s’endormit bientôt profondément. À peine levé, le lendemain matin, il s’attabla pour commencer une lettre à Mylady : lettre pleine de tendresse, mais qu’il n’acheva jamais. Car toutes communications avec New York se faisaient par mon entremise, et on a pu voir que c’était là une tâche ingrate. Quoi dire à ma maîtresse, et en quels termes, et jusqu’à quel point pousser le mensonge et la cruauté, – ces problèmes m’empêchaient souvent de dormir.

    Cependant, Mylord attendait avec une impatience croissante les nouvelles de ses complices. Harris, sans doute, lui avait promis de faire diligence ; le temps était déjà plus que passé de recevoir un mot de lui ; et l’attente est mauvaise conseillère chez un homme d’intelligence débilitée. La pensée de Mylord, dans cet intervalle, ne fut occupée qu’à suivre à travers le désert cette expédition dont la réussite lui importait si fort. Il évoquait sans cesse leur campement, leur avance, les aspects de la contrée, la perpétration suivant mille modes divers du même acte affreux, et le spectacle consécutif des os du Maître épars dans le vent. Ces méditations cachées et criminelles, je les voyais continuellement surgir dans sa conversation, comme des lapins hors de leurs trous. Et il n’est guère étonnant que le théâtre de sa méditation exerçât peu à peu sur lui une attraction physique.

    On sait quel prétexte il invoqua. Sir William Johnson avait une mission diplomatique à remplir dans ces parages ; et Mylord et moi (par curiosité, soi-disant) partîmes en sa compagnie. Sir William était bien accompagné et libéralement fourni. Des chasseurs nous apportaient du gibier, chaque jour on pêchait du poisson pour nous dans les rivières, et le brandy coulait comme de l’eau. Nous marchions le jour et dressions notre camp pour la nuit, à la manière militaire ; on plaçait des sentinelles ; chacun avait ses fonctions désignées ; et Sir William était le centre où tout aboutissait. Cette expédition offrait maints détails qui eussent, en autre temps, été susceptibles de m’intéresser ; mais, pour notre malheur, la saison était des plus rudes, le ciel d’abord pur, mais les nuits glacées dès le début. Un vent douloureusement coupant soufflait presque sans arrêt, et nous étions assis dans le bateau avec des ongles bleuis, et la nuit, cependant que nous nous rôtissions la figure au feu, nos habits semblaient de papier sur notre dos. Une effroyable solitude environnait nos pas ; la terre était absolument désertée, nulle fumée de feux, et, à part un unique bateau de marchands le deuxième jour, nulle rencontre de voyageurs. À vrai dire, il était tard en saison, mais cet abandon émut Sir William lui-même ; et je l’ai ouï plus d’une fois exprimer son inquiétude. « Je crains d’arriver trop tard ; ils doivent avoir déterré la hache », disait-il ; et les événements nous prouvèrent qu’il avait raisonné juste.

    Je ne saurais dépeindre l’accablement de mon âme durant ce voyage. Je ne suis pas de ces esprits amoureux du nouveau ; voir l’hiver approcher et me trouver perdu si loin de toute habitation, cela m’oppressait comme un cauchemar ; il me semblait presque braver la puissance divine ; et cette idée, qui, je suppose, me classe parmi les lâches, s’aggravait encore de ma connaissance secrète du but que nous poursuivions. J’étais d’ailleurs accaparé par mes devoirs envers

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