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    2. Le Maître de Ballantrae
    3. Chapitre 38
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    bateau de construction ancienne, et mal arrimé, roulait au-delà de toute expression. Nous ne faisions aucun progrès sur notre route. Une insupportable mauvaise humeur s’abattit sur le navire : hommes, quartiers-maîtres et officiers se querellaient tout le long du jour. Un gros mot d’une part, et un coup de l’autre, était pain quotidien. À certains moments, tout l’équipage à la fois refusait l’obéissance ; et nous autres de l’arrière prîmes deux fois les armes – c’était la première fois de ma vie que j’en portais – crainte d’une mutinerie.

    Au pis de cette fâcheuse période survint une bourrasque de vent telle que nous nous attendions à sombrer. Je fus enfermé dans la cabine depuis un certain midi jusqu’au lendemain soir ; le Maître s’était amarré quelque part sur le pont ; Secundra Dass avait absorbé quelque drogue et gisait inerte ; et l’on peut dire que je passai toutes ces heures dans une entière solitude. Tout d’abord je fus paralysé par l’effroi, presque incapable de penser, et mon cerveau me semblait être congelé. Puis j’entrevis un rayon d’espérance. Si le Nonesuch sombrait, il entraînerait avec lui dans les abîmes de cette mer insondable l’être que nous craignions et haïssions tous, il n’y aurait plus de Maître de Ballantrae, les poissons joueraient à la poursuite au travers de ses côtes ; ses plans réduits à néant, ses innocents ennemis seraient en paix. Au début, comme je l’ai dit, ce n’était qu’un simple rayon d’espérance ; mais il ne tarda pas à s’épanouir en jour éblouissant. La mort de cet homme, sa suppression d’un monde qu’il rendait si cruel à beaucoup, – ces idées s’emparèrent de mon esprit. Je les dorlotais, je les savourais. J’imaginais le plongeon suprême du navire, les flots se refermant de toutes parts sur la cabine, ma brève lutte contre la mort, là, tout seul dans cet espace clos ; je dénombrais ces épouvantements, j’allais dire avec joie ; je sentais que je les supporterais tous, et davantage encore, si le Nonesuch abîmait avec lui sous les flots, dans la même catastrophe, l’ennemi de la famille de mon maître infortuné. Le second jour, vers midi, les hurlements du vent diminuèrent ; le navire donna une bande moins inquiétante, et je compris que le plus fort de la tempête était passé. J’ose espérer que je fus simplement déçu. Absorbé dans le vil égoïsme de ma passion haineuse, j’oubliais mes innocents compagnons de bord, et ne pensais qu’à moi et à mon ennemi. Pour moi, j’étais déjà vieux ; je n’avais pas eu de jeunesse, je n’étais pas fait pour les plaisirs du monde, j’avais peu d’attaches ; il n’importait pas le pile ou face d’un teston d’argent si j’étais noyé sur-le-champ dans l’Atlantique, ou si je survivais quelques années, pour mourir, peut-être de façon non moins affreuse, de maladie, sans personne à mon chevet. Je tombai à genoux – me retenant à un anneau, sans quoi j’eusse été précipité à l’instant par le roulis de la cabine – et, élevant la voix parmi les bruits de la tempête déclinante, je fis une prière impie afin d’obtenir ma propre mort. – « Ô Dieu ! m’écriai-je, je ressemblerais davantage à un homme, si je me levais pour abattre cette créature ; mais Tu m’as fait lâche dès le sein de ma mère. Ô Seigneur, Tu m’as fait tel, Tu connais ma faiblesse, Tu sais que tout visage de la mort me fait trembler. Mais voici que Ton serviteur est prêt, il dépouille sa cruelle faiblesse. Ô ! Que je donne ma vie pour celle de cette créature ; prends-les toutes deux, Seigneur ! prends les deux, et aie pitié de l’innocent ! » Telles furent à peu près les paroles, plus irrévérencieuses toutefois, et accompagnées de plus sacrilèges supplications, où je continuai à déverser mes sentiments. Dieu ne m’écouta pas, il me fit cette grâce : mais j’étais encore perdu dans ma détresse suppliante lorsque, soulevant la bâche goudronnée, quelqu’un fit entrer dans la cabine la lumière du couchant. Je me relevai plein de confusion, et fut tout surpris de m’apercevoir que je titubais et que j’avais les membres brisés comme si l’on m’eût roué. Secundra Dass, ayant cuvé sa drogue, se tenait dans un coin, à me considérer avec des yeux hagards, et par le vasistas ouvert, le capitaine me remerciait pour mes prières.

    – Vous avez sauvé le navire, Mr. Mackellar, dit-il. Toute l’habileté nautique du monde n’eût pu le maintenir à flot ; nous pouvons bien le dire : La cité que le Seigneur ne garde pas, les sentinelles la gardent en vain.

    J’étais abasourdi de l’erreur du capitaine, et aussi de la surprise craintive que l’Indien me manifesta d’abord, et des obséquieuses politesses dont il ne tarda pas à m’accabler. Je sais aujourd’hui qu’il dut m’entendre et saisir mon singulier genre de prières. En tout cas, il les avait certainement révélées aussitôt à son patron ; et, sachant tout ce que je sais aujourd’hui, je comprends aussi un mot qui lui échappa au cours de la conversation, ce soir-là, lorsque, levant la main et souriant, il dit : « Ah ! Mackellar ! chacun n’est pas un aussi grand lâche qu’il ne croit, – ni un aussi bon chrétien. » Il ne se doutait pas à quel point il disait vrai ! Car les pensées qui m’avaient envahi au fort de la tempête gardaient leur emprise sur moi ; et les paroles involontaires qui m’étaient montées aux lèvres sous forme de prière continuaient à me tinter aux oreilles : – avec les humiliants résultats dont il convient de faire l’aveu loyal ; car je n’admettrais pas de jouer le rôle perfide qui consiste à dévoiler les péchés d’autrui en dissimulant les siens propres.

    Le vent tomba, mais la mer restait grosse. Toute la nuit, le Nonesuch roula outrageusement ; le lendemain se leva, puis le surlendemain, sans apporter aucun changement. Traverser la cabine était quasi impossible ; de vieux matelots pleins d’expérience furent renversés sur le pont, et l’un d’eux cruellement meurtri dans sa chute ; on entendait gémir chaque membrure, chaque poulie du vieux bateau, et la grosse cloche des bossoirs d’ancre ne cessait de sonner lugubrement. Un de ces jours-là, le Maître et moi étions assis tout seuls à la coupée de l’arrière. Je dois dire que le Nonesuch avait une poupe surélevée. Tout autour de celle-ci couraient de hauts bastingages, qui donnaient prise au vent et alourdissaient le navire. Or, ces bastingages, vers les deux extrémités latérales, s’abaissaient en une belle volute sculptée à la vieille mode qui rejoignait la lisse de coursive. De cette disposition, mieux faite pour l’ornement que pour la commodité, il s’ensuivait que le garde-fou était interrompu ; et ce, précisément au bord extrême de la partie haute où (lors de certains mouvements du navire) elle eût été plus nécessaire. Ce fut là que nous nous assîmes, les jambes pendantes, le Maître situé entre moi et le bordage, et moi me retenant des deux mains à la grille du vasistas de cabine ; car je voyais le danger de notre position, d’autant que j’avais sans cesse sous les yeux un moyen d’apprécier l’amplitude de nos oscillations, en la personne du Maître, qui se détachait à contre-soleil dans la coupée des bastingages. Tantôt son front touchait au zénith et son ombre s’allongeait bien en dehors du Nonesuch, du côté opposé ; tantôt il redescendait jusqu’au-dessous de mes pieds, et la ligne d’horizon surgissait bien au-dessus de lui comme le plafond d’une chambre. Je considérais ce jeu, qui me fascinait de plus en plus, comme les oiseaux regardent, dit-on, les serpents. J’avais d’ailleurs l’esprit confondu par une étourdissante multiplicité de bruits : car on avait déployé toutes les voiles dans le vain espoir de tenir tête à la mer, et le navire retentissait de leurs claquements, comme une manufacture. Nous parlâmes d’abord de la révolte dont nous avions été menacés ; sujet qui nous conduisit à celui de l’assassinat ; et ce dernier offrit au Maître une tentation à laquelle il ne put résister. Il lui fallut me raconter une histoire, et me montrer par la même occasion toute l’étendue de sa méchanceté. C’était un exercice auquel il ne manquait pas de se livrer avec un grand déploiement d’affectation ; et d’ordinaire avec succès. Mais cette histoire-ci, racontée sur un diapason élevé au milieu d’un fracas aussi intense, et par un narrateur qui un instant me regardait du haut des cieux et l’instant d’après levait les yeux vers moi de plus bas que les semelles de mes souliers, – cette histoire-ci, dis-je, m’impressionna singulièrement.

    – Mon ami le comte (ce fut ainsi qu’il débuta) avait pour ennemi un certain baron allemand, nouveau venu dans Rome. Peu importe sur quoi reposait l’inimitié du comte ; mais, comme il avait la ferme intention de se venger, et cela sans nuire à sa sûreté, il n’en laissait rien voir, même au baron. Car c’est le premier principe de la vengeance qu’une haine avouée est une haine impuissante. Le comte était un homme de goût délicat et scrupuleux ; il y avait de l’artiste en lui ; tout ce qu’il exécutait, il voulait que ce fût fait avec une exacte perfection, non seulement de résultat, mais de moyens et d’instruments. Sinon, il jugeait la chose manquée. Un jour qu’il errait à cheval en dehors des faubourgs, il rencontra un chemin de traverse peu fréquenté qui s’enfonçait dans les maremmes avoisinant Rome. D’un côté, il y avait un vieux tombeau romain ; de l’autre, une maison abandonnée dans un clos de chênes verts. Ce chemin le conduisit bientôt parmi les ruines.

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