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    2. Le Maître de Ballantrae
    3. Chapitre 37
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    airs rustiques, celui qui fait pleurer les gens dans les tavernes, « Willie-le-Vagabond1 ». Les paroles qu’il y appliqua, je ne les ai jamais entendues ailleurs, ni ne les ai vues imprimées ; quelques vers seulement, mieux appropriés à notre exode, me sont restés à la mémoire. Un couplet commençait :

    Le home était le home, alors, ô mon ami,

    / tout plein de chers visages ;

    Le home était le home, alors, ô mon ami,

    / heureux pour les enfants,

    et finissait à peu près ainsi :

    Aujourd’hui quand l’aurore se lève au front

    / de la lande,

    Déserte est la maison, et la pierre du

    / foyer est froide ;

    Qu’elle reste déserte, aujourd’hui que

    / ses habitants s’en sont tous allés,

    Les chers cœurs, les cœurs fidèles, qui

    / aimaient le lieu d’autrefois.

    J’ai toujours été incapable d’apprécier le mérite de ces vers, car ils furent auréolés pour moi par la mélancolie de l’air, et ils m’étaient alors chantés (ou plutôt modulés) par un maître chanteur, et en un temps si propice. Il me regarda quand il eut terminé, et vit mes yeux humides.

    – Ah ! Mackellar, dit-il, croyez-vous donc que je n’ai jamais un regret ?

    – Je ne crois pas que vous seriez un aussi méchant homme, si vous n’aviez toute l’étoffe voulue pour être bon.

    – Non, pas toute, dit-il, pas toute. Vous vous trompez là-dessus, mon évangéliste. La manie de ne pas vouloir de lacunes ! – Mais je crus l’entendre soupirer en remontant dans la chaise.

    Tout au long du jour nous voyageâmes par ce même temps déplorable : le brouillard nous enserrait étroitement, les cieux ne cessaient de pleurer sur ma tête. La route parcourait des ondulations marécageuses, où l’on n’entendait d’autre bruit que le cri des oiseaux sauvages dans la bruyère mouillée et le déversement des torrents gonflés. Parfois, je me laissais aller au sommeil, et me trouvais plongé presque aussitôt dans quelque sinistre cauchemar, dont je m’éveillais strangulé d’horreur. Parfois, quand la côte était dure et que les roues tournaient lentement, je surprenais les voix de l’intérieur, parlant dans cet idiome tropical, pour moi aussi peu articulé que le gazouillis des oiseaux. Parfois, lors des montées plus longues, le Maître mettait pied à terre et marchait à mon côté, presque sans rien dire. Et tout le temps, éveillé comme endormi, je voyais la même perspective funèbre de catastrophe imminente ; et les mêmes tableaux se déroulaient à mes yeux, mais ils se peignaient alors sur un flanc de colline embrumé. L’un de ces tableaux, il m’en souvient, m’apparut avec les couleurs d’une hallucination authentique. Il représentait Mylord assis à une table dans une petite chambre ; sa tête, d’abord cachée entre ses mains, se releva lentement, et il tourna vers moi un visage que toute espérance avait déserté. J’avais vu cette scène d’abord sur le noir de la fenêtre, ma dernière nuit de Durrisdeer ; elle revint me hanter durant la moitié du voyage ; mais il ne s’agissait pas là d’un symptôme de démence, car je suis arrivé à la maturité et à la vieillesse sans que ma raison ait décliné ; il ne faut y voir non plus (comme je fus alors tenté de le croire) un avertissement céleste, car tous les malheurs survinrent, sauf ce malheur, – et j’ai vu maints spectacles navrants, mais pas celui-là.

    On avait décidé de voyager toute la nuit ; et, fait singulier, une fois le crépuscule tombé, je repris courage. Les lanternes allumées éclairant devant nous le brouillard, les croupes fumantes des chevaux et le postillon au trot, me faisaient voir intérieurement les choses sous un aspect plus aimable que durant le jour ; ou peut-être mon esprit était-il las de sa mélancolie. Du moins, je passai plusieurs heures éveillé, l’esprit assez dispos, quoique mouillé et mal à l’aise de corps ; après quoi je tombai dans un sommeil sans rêves. Cependant il est à croire que je conservai un reste d’activité, même au plus profond de mon sommeil, activité au moins en partie intelligente. Car je me réveillai tout à coup en plein, juste comme je déclamais :

    Le home était le home, alors, ô mon ami,

    heureux pour les enfants.

    frappé d’y voir une adaptation, que je n’avais pas remarquée la veille, au but détestable que le Maître se proposait dans le voyage actuel.

    Nous étions alors près de la ville de Glasgow, où nous fûmes bientôt pour déjeuner ensemble à l’auberge, et où (comme si le diable s’en mêlait) nous trouvâmes un navire prêt à mettre à la voile. Nous retînmes nos places dans la cabine, et deux jours plus tard, nous apportions nos effets à bord. Ce navire, qui s’appelait le Nonesuch1, était très vieux et trop bien nommé. Au dire de chacun, ce voyage devait être son dernier ; les gens hochaient la tête sur les quais, et plusieurs étrangers m’arrêtèrent dans la rue pour m’avertir que ce bateau était pourri comme un fromage, beaucoup trop chargé, et qu’il sombrerait infailliblement à la première tempête. Nous fûmes en conséquence les seuls passagers. Le capitaine Mac Murtrie était un homme taciturne et méditatif, avec l’accent gaélique de Glasgow ; les matelots, des hommes de mer grossiers et ignorants ; aussi le Maître et moi en fûmes-nous réduits à notre compagnie réciproque.

    Le Nonesuch sortit de la Clyde par un bon vent. La première semaine, le beau temps nous favorisa, et nous progressâmes heureusement. Je me découvris (et cela m’étonna) les qualités d’un marin né, en ce sens que je n’avais pas le mal de mer ; toutefois, j’étais loin de jouir de ma santé habituelle. Grâce au balancement du navire sur les lames, ou bien à l’air confiné, ou aux salaisons, ou au tout réuni, je me sentais l’âme assombrie et l’humeur péniblement irritée. La nature de la mission que je remplissais sur ce navire devait y contribuer ; mais pas plus ; car le mal (quel qu’il fût) provenait de mon entourage ; et si le navire n’en était pas responsable, c’était donc le Maître. La haine et la crainte sont de mauvais compagnons de lit ; mais (soit dit à ma honte) je les ai savourées en d’autres lieux, je me suis couché et levé, j’ai mangé et bu avec elles, mais jamais, auparavant ni plus tard, je n’ai été si complètement empoisonné, corps et âme, que je le fus à bord du Nonesuch. J’avoue sans fard que je reçus de mon ennemi l’exemple de la longanimité ; dans nos pires jours il déploya la patience la plus allègre, entretenant la conversation avec moi aussi longtemps que je le supportais et, lorsque je rebutais ses avances, allant se coucher sur le pont pour lire. Le volume qu’il avait apporté à bord était la fameuse Clarissa de Mr. Richardson, et, entre autres petites attentions, il m’en lisait tout haut des passages ; et aucun diseur n’eût su donner plus de force aux parties pathétiques de l’œuvre. Je lui répliquais par des extraits de la Bible, qui constituait toute la bibliothèque – et qui était toute nouvelle pour moi, car mes devoirs religieux (je l’avoue à regret) ont toujours été et sont encore aujourd’hui des plus négligés. Il goûta les mérites du livre en connaisseur qu’il était ; et parfois il me le prenait des mains, le feuilletant en homme familiarisé avec le texte, et l’habile déclamateur me donnait un Roland pour mon Olivier. Mais il était curieux de voir combien peu il se faisait à lui-même l’application de sa lecture ; elle passait loin au-dessus de sa tête comme le tonnerre d’été : Lovelace et Clarissa, les récits de la générosité de David, les psaumes de la Pénitence, les solennelles questions du Livre de Job, la poésie touchante d’Isaïe n’étaient pour lui qu’une source de divertissement, comme un raclement de crincrin dans un cabaret. Cette sensibilité superficielle et cette obnubilation intime m’indisposèrent contre lui ; elles s’accordaient trop bien avec cette impudente callosité que je savais cachée sous le vernis de ses belles manières ; et tantôt il m’inspirait le même dégoût que s’il eût été difforme – et d’autres fois la même répulsion qu’un être à demi spectral. À certains moments je me le figurais tel qu’un fantoche de carton – comme si un coup sec frappé dans ce modelage superficiel n’eût rencontré par-dessous que le vide. Cette appréhension (pas uniquement imaginaire, je crois) me fit détester encore plus son voisinage ; il m’arrivait à présent de me sentir parcouru d’un frisson à son approche ; j’ai failli plusieurs fois pousser un cri ; d’autres jours, j’avais envie de le battre. À cette disposition d’esprit contribuait sans doute le remords de m’être laissé aller, durant nos derniers jours à Durrisdeer, à une certaine tolérance à son égard, et si quelqu’un était venu me dire alors que j’y retomberais de nouveau, je lui aurais ri au nez. Il se peut qu’il n’eût pas conscience de cette ardeur extrême de mon ressentiment ; je crois néanmoins qu’il était trop subtil pour cela ; il en était arrivé plutôt, après une longue vie d’oisiveté, à un impérieux besoin de compagnie, qui l’obligeait à tolérer mon aversion non dissimulée. Il est certain, en tout cas, qu’il aimait s’écouter parler, comme d’ailleurs il aimait toutes les facultés et les parties de son individu : – genre de faiblesse qui s’attache presque fatalement aux méchants. Je l’ai vu, lorsque je me montrais récalcitrant, s’embarquer en de longs discours avec le capitaine ; et ce, nonobstant que l’autre ne dissimulât point son ennui, tambourinant des doigts et battant du pied, et répliquant par de simples grognements.

    La première semaine écoulée, nous trouvâmes des vents contraires et du mauvais temps. La mer était grosse. Le Nonesuch,

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