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    2. Le Maître de Ballantrae
    3. Chapitre 29
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    ne sait pas, ajouta-t-il ; il est peut-être mort !

    Sa manière de prononcer la phrase me convainquit entièrement de ce que j’osais à peine soupçonner : à savoir que, bien loin de se repentir d’avoir voulu tuer son frère, il regrettait seulement de n’y avoir pas réussi. Je gardai pour moi cette découverte, craignant qu’elle ne lui portât préjudice vis-à-vis de sa femme. Mais j’aurais pu m’épargner l’embarras ; elle avait d’elle-même deviné le sentiment, et l’avait jugé tout à fait naturel. En somme, je peux dire que nous étions tous trois du même avis ; et aucune nouvelle n’eût été mieux venue à Durrisdeer que celle de la mort du Maître.

    Ceci m’entraîne à parler de l’exception, mon vieux lord. Dès que mes inquiétudes au sujet de mon maître furent un peu moins vives, je m’aperçus d’un changement chez le vieux gentilhomme, son père, changement qui devait aboutir à de fatales conséquences.

    Il avait le visage livide et tuméfié ; tout en lisant du latin, assis au coin du feu, il tombait en des somnolences, et son livre roulait dans les cendres ; à certains jours, il traînait le pied ; d’autres fois, il achoppait en parlant. L’aménité de ses allures devint excessive ; il s’excusait sans fin du moindre dérangement, et se préoccupait de chacun, de moi en particulier, avec la plus flatteuse politesse. Un jour qu’il avait envoyé chercher son notaire1, et qu’il était resté enfermé longtemps avec lui, il s’avança péniblement à ma rencontre dans la salle, d’un pas, et me prit cordialement la main.

    – Mr. Mackellar, dit-il, j’ai eu maintes occasions d’estimer vos services à leur juste valeur ; et aujourd’hui, en révisant mon testament, j’ai pris la liberté de vous nommer pour un de ses exécuteurs. Je vous crois suffisamment attaché à notre maison pour me rendre ce service.

    À cette époque, il passait la plus grande partie de ses journées à dormir, et on avait souvent de la peine à l’éveiller ; il perdait toute notion du temps, et il avait plusieurs fois (spécialement à son réveil) demandé sa femme, ainsi qu’un vieux domestique dont la pierre tombale était verdie par la mousse. Si j’avais dû en témoigner sous serment, je l’aurais déclaré incapable de tester ; et cependant jamais volontés dernières ne furent rédigées avec plus de lucidité dans les moindres détails, ou ne décelèrent un jugement plus sûr des personnes et des choses.

    Sa décadence, qui fut très prompte, eut lieu par degrés insensibles. Ses facultés s’affaiblissaient toutes à la fois de manière continue ; la force avait presque abandonné ses membres, sa surdité devint extrême, sa parole était réduite à un marmottement confus, et cependant jusqu’à la fin il réussit à manifester quelque chose de sa politesse et de sa bonté antérieures, serrant la main de quiconque l’aidait, me faisant cadeau d’un de ses livres latins, sur lequel il avait laborieusement tracé mon nom, – et nous rappelant de mille façons la grandeur de cette perte que nous avions pour ainsi dire déjà subie. Vers la fin, la faculté d’articuler lui revint par éclairs ; on eût dit qu’il avait oublié l’art de la parole, comme un enfant oublie sa leçon, et que parfois il s’en rappelait quelque chose. Son dernier soir, il rompit brusquement le silence par ce vers de Virgile :

    Gnatique, patrisque, aima, precor, miserere, 1

    parfaitement prononcé, avec l’accent voulu. Nous tressaillîmes de l’entendre, surpris dans nos diverses occupations ; chacun se tourna vers lui, mais en vain : il était retombé dans son mutisme et son apparente stupeur. Un peu plus tard, nous eûmes beaucoup de peine à le mettre au lit ; et, dans la nuit, sans souffrance physique, il rendit le dernier soupir.

    Je vins par la suite à m’entretenir de ces détails avec un docteur en médecine, homme d’une réputation si éminente que je me fais un scrupule de le nommer. Selon lui, père et fils souffraient de la même affection – née chez le père à la suite de ses chagrins successifs – due peut-être chez le fils à l’excitation de la fièvre. L’un et l’autre s’étaient rompu quelque artère du cerveau ; et il y avait sans doute dans la famille (ajoutait le docteur) une prédisposition aux accidents de cette nature. Le père succomba, le fils recouvra toutes les apparences de la santé ; mais il est à croire qu’il avait subi quelque destruction dans ces tissus délicats où l’âme réside et remplit ses fonctions terrestres ; – car au ciel, je l’espère, elle ne saurait être entravée par des accidents matériels. Et cependant, à plus mûre réflexion, ceci n’importe pas d’un iota ; car Celui qui nous jugera, sur ce que fut notre vie, est le même qui nous créa dans la fragilité.

    La mort de mon vieux lord fut une nouvelle occasion de surprise pour ceux qui observaient la conduite de son successeur. Pour tout esprit réfléchi, les deux fils avaient à eux deux fait mourir leur père, et l’on peut même dire qu’en maniant le sabre, l’un d’eux l’avait tué de sa main, mais il ne parut point que cette considération vînt troubler mon nouveau lord. Il montra la gravité nécessaire ; mais d’affliction, à peine, si ce n’est de l’affliction badine : parlant du défunt avec une légèreté regrettable, citant de vieux traits de son caractère, et souriant alors en tout repos de conscience ; et d’ailleurs, le jour des obsèques arrivé, faisant les honneurs dans toutes les règles. Je m’aperçus, en outre, que son accession au titre lui causa un grand plaisir, et il fut très pointilleux à l’exiger.

    Et voici qu’apparaît sur la scène un nouveau personnage, qui joua également un rôle dans l’histoire ; je parle du présent lord, Alexander, dont la naissance (17 juillet 1757) emplit la coupe du bonheur de mon pauvre maître. Il ne lui resta plus rien à désirer. Il n’en eût pas eu le loisir, d’ailleurs, car jamais père ne montra engouement aussi passionné. L’absence de son fils lui causait des inquiétudes continuelles. L’enfant était-il dehors ? Le père guettait les nuages et redoutait la pluie. De nuit ? il se levait pour aller le regarder dormir. Sa conversation devenait fatigante pour les étrangers, car il ne parlait plus guère que de son fils. Dans les matières concernant le bien, tout était disposé particulièrement en vue d’Alexander. Et c’était : « Mettons-nous-y tout de suite, afin que la futaie soit haute pour la majorité d’Alexander. » Ou bien : « Ceci tombera à point pour le mariage d’Alexander. » Chaque jour, cette préoccupation du père devenait plus visible, à maints détails, les uns touchants, les autres fort blâmables. Bientôt l’enfant put sortir avec lui, d’abord sur la terrasse, et tenu par la main, puis en liberté dans le domaine ; et ces sorties devinrent le principal souci de Mylord. Le son de leurs deux voix (qu’on entendait de loin, car ils parlaient fort) devint familier dans le voisinage ; et pour ma part, je le trouvais plus doux que le gazouillis des oiseaux. C’était un spectacle charmant de les voir revenir tous les deux chargés de bruyères, et le père aussi animé, voire parfois aussi crotté que le fils, car ils aimaient également toutes sortes de jeux enfantins, faire des trous dans le sable, endiguer des ruisseaux, et le reste ; et je les ai vus regarder les bêtes à travers une clôture avec le même ravissement puéril.

    Ces randonnées me font songer à une scène bizarre dont je fus le témoin. Il y avait un chemin que je ne suivais jamais sans trouble, car je l’avais pris fréquemment pour remplir de fâcheuses missions, et il avait été le théâtre d’événements funestes à la maison de Durrisdeer. Mais le sentier était trop commode pour revenir de plus loin que le Muckle Ross ; et j’étais forcé, bien à regret, de m’en servir environ tous les deux mois. Mr. Alexander avait sept ou huit ans ; j’avais eu affaire ce matin-là tout au bout du domaine, et je m’en revenais par la charmille. C’était la saison où les bois revêtent leur livrée printanière, où les épines sont en fleur, où les oiseaux déploient leurs plus beaux chants. Le contraste de cette allégresse rendait pour moi la charmille plus sombre, et les souvenirs m’y oppressaient davantage. En cet état d’esprit, je fus fâché d’entendre, un peu plus haut sur le chemin, des voix que je reconnus pour celles de Mylord et de Mr. Alexander. Je continuai d’avancer, et ne tardai pas à les apercevoir, debout dans l’espace découvert où avait eu lieu le duel. Mylord avait la main sur l’épaule de son fils, et parlait avec une certaine gravité. Mais quand il leva la tête à mon approche, je vis ses traits s’épanouir.

    – Ah ! dit-il, voilà ce bon Mackellar. Je viens justement de raconter à Sandie l’histoire de cet endroit-ci, comment il y eut un homme que le diable essaya de tuer, et comment ce fut lui, au contraire, qui faillit tuer le diable.

    J’avais déjà trouvé singulier qu’il menât l’enfant là ; mais qu’il l’entretînt de son action, dépassait la mesure. Toutefois, le pis était encore à venir ; car il ajouta, se tournant vers l’enfant :

    – Vous pouvez interroger Mackellar ; il était là, et il a tout vu.

    – Est-ce vrai, Mr. Mackellar ? demanda le petit. Avez-vous vu réellement le diable ?

    – Je ne connais pas l’histoire, répliquai-je ; et j’ai des affaires pressantes.

    Ce fut tout ce que je dis, un peu aigrement, pour dissimuler mon embarras, et soudain l’amertume du passé avec cette affreuse scène aux bougies me remontèrent à la mémoire. Je m’avisai que, pour

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