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    2. Le Maître de Ballantrae
    3. Chapitre 19
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    j’avais souvent pris la liberté de lui faire des remontrances, je fus englobé dans son diabolique amusement. Lorsque j’étais seul avec lui, il me harcelait de sarcasmes ; devant les autres, il était tout à fait aimable et familier. Ce contraste était d’abord pénible en soi ; puis il m’induisait sans cesse en erreur ; mais surtout, il comportait un élément d’injures inexprimable. Qu’il voulût ainsi me tenir en dehors de sa dissimulation, comme si mon témoignage même était trop vil pour compter, me blessait jusqu’à l’âme… Mais ce que j’en pensais n’a pas d’importance. Je le note simplement pour mémoire, et surtout parce que cette persécution me fit deviner plus tôt le martyre de Mr. Henry.

    Ce fut sur lui que tomba le plus lourd. Comment répondre en public aux avances de celui qui ne perdait jamais une occasion de le mortifier en particulier ? Comment sourire à qui le trompait et l’insultait ? Il était condamné à paraître malgracieux. Il était condamné au silence. S’il eût été moins fier, s’il eût parlé, qui aurait cru la vérité ? La calomnie en action avait donc réussi. Mylord et Mme Henry étaient les témoins journaliers de ce qui se passait : ils auraient pu affirmer sous serment que le Maître était un modèle de douceur et de longanimité, et Mr. Henry la jalousie et l’ingratitude incarnées. Et ces défauts, si vilains en quiconque, semblaient dix fois plus laids chez Mr. Henry ; car personne ne pouvait oublier que la vie du Maître était en danger, et qu’il avait déjà perdu sa fiancée, son titre et sa fortune.

    – Henry, sortez-vous à cheval avec moi ? demanda un jour le Maître.

    Et Mr. Henry, qui avait été mortifié par l’homme toute la matinée, de répondre sèchement :

    – Non.

    – Je souhaiterais parfois vous voir plus aimable, Henry, dit l’autre d’un air peiné.

    Je cite cet exemple ; mais des scènes analogues avaient lieu sans cesse. Rien d’étonnant si Mr. Henry était blâmé ; rien d’étonnant si je me tourmentais, presque à en avoir la jaunisse ; et le simple souvenir de cette période me fait bouillir le sang dans les veines.

    À coup sûr, jamais en ce monde il n’y eut plus diabolique machination : si perfide, si simple, si impossible à combattre. Et pourtant, je crois, et croirai encore et toujours, que Mme Henry était à même de lire entre les lignes ; elle aurait dû mieux connaître le caractère de son mari ; après tant d’années de mariage, elle aurait dû posséder ou capter sa confiance. Et mon vieux lord aussi, – ce gentleman si avisé, où était sa faculté d’observation ? Mais il est vrai, la ruse était pratiquée de main de maître, et aurait déçu un ange. D’autre part (en ce qui concerne Mme Henry) j’ai remarqué que deux individus ne sont jamais plus étrangers l’un à l’autre qu’en étant à la fois mariés et brouillés : on les croirait alors sourds ou parlant une autre langue. En troisième lieu (dans le cas de nos deux spectateurs) ils étaient aveuglés par une prédilection invétérée. Et quatrièmement, le risque supposé du Maître (supposé, dis-je, – on saura bientôt pourquoi) rendait toute critique des moins généreuses ; et, en leur inspirant une continuelle et tendre sollicitude au sujet de sa vie, les aveuglait encore plus sur ses défauts.

    Ce fut à cette époque que je commençai à mieux comprendre le prestige des bonnes manières, et à déplorer profondément la vulgarité des miennes. Mr. Henry avait l’essentiel du gentleman : une fois ému, ou si la circonstance l’exigeait, il jouait son rôle avec esprit et dignité ; mais dans le commerce de tous les jours (il serait vain de le nier) il manquait d’élégance. Le Maître, au contraire, ne faisait pas un geste qui ne fût réfléchi et voulu. Et, par conséquent, lorsque l’un se montrait aimable et l’autre malgracieux, le moindre trait de leurs personnes venait confirmer leur attitude. Il y avait pis : car plus Mr. Henry s’empêtrait dans les pièges de son frère, plus gauche il devenait ; et plus le Maître jouissait de son odieux plaisir, plus il apparaissait aimable et souriant. De sorte que la trame, en s’allongeant et progressant, se développait et se renforçait d’elle-même.

    Entre autres astuces, cet homme mettait à profit le danger (comme je l’ai dit) qu’il était censé courir. Il en parlait à ceux qui l’aimaient, sous forme d’agréable badinage, ce qui le rendait plus intéressant. Il en faisait contre Mr. Henry une arme offensive cruelle. Je le vois encore poser son doigt sur le losange incolore de la verrière, un jour que nous étions seuls à trois dans la salle.

    – C’est par là qu’a passé votre bienheureuse guinée, Jacob, dit-il. – Et, comme Mr. Henry le regardait sombrement :

    – Oh, ajouta-t-il, ne prenez donc pas inutilement cet air féroce, ma bonne mouche. Vous serez débarrassé de votre araignée dès qu’il vous plaira. Jusques à quand, ô Seigneur ? Quand serez-vous mûr pour me dénoncer, frère scrupuleux ? C’est une de mes distractions dans ce trou lugubre. J’ai toujours aimé les expériences.

    De nouveau, Mr. Henry se contenta de fixer sur lui un regard sombre, et il changea de couleur. Mais le Maître, avec un éclat de rire, lui frappa sur l’épaule, en l’appelant balourd. Sur quoi mon maître fit un bond en arrière avec un geste qui me sembla fort menaçant ; et je suppose que l’autre pensa de même, car il parut un rien décontenancé, et jamais plus, à ma connaissance, il ne porta la main sur Mr. Henry.

    Mais bien qu’il eût sans cesse à la bouche son danger, sous une forme ou l’autre, je trouvais sa conduite singulièrement imprudente, et commençais à me dire que le Gouvernement, – lequel avait mis sa tête à prix, – avait le sommeil bien dur. Je ne nierai pas quelle tentation m’effleura de le dénoncer ; mais deux considérations me retinrent. D’abord, s’il finissait honorablement sur l’échafaud, le personnage serait canonisé pour de bon dans les esprits de son père et de sa belle-sœur ; d’autre part, si j’étais le moins du monde mêlé à l’affaire, Mr. Henry n’échapperait pas aux soupçons. Et cependant, notre ennemi allait et venait au-dehors plus que je ne l’aurais cru possible, la nouvelle de son retour s’était répandue sur toute la côte, et jamais il ne fut inquiété. Parmi toutes les personnes au courant de sa présence, pas une qui fût cupide, – comme je songeais avec tristesse, – ni attachée au gouvernement ; et l’homme courait le pays à cheval, – beaucoup mieux reçu, en dépit d’un reste de l’impopularité passée, que Mr. Henry, – et, au regard des contrebandiers, bien plus en sûreté que moi.

    Il n’était pas néanmoins sans avoir sa tablature ; et, comme il en résulta les plus graves conséquences, je dois relater l’affaire. Le lecteur n’a sans doute pas oublié Jessie Broun. Sa façon de vivre la mettait en contact fréquent avec les contrebandiers ; le capitaine Crail lui-même était de ses intimes ; et elle fut des premières à savoir la présence de Mr. Bally au château. À mon idée, elle n’avait cure depuis longtemps de la personne du Maître ; mais elle avait pris l’habitude de s’associer perpétuellement au nom du Maître : c’était le fond de toute sa comédie ; en conséquence, puisqu’il était revenu elle crut de son devoir à elle de hanter le voisinage de Durrisdeer. Le Maître ne pouvait sortir qu’il ne trouvât à l’attendre cette femme de scandale, presque toujours ivre. Elle hélait à grands cris « son bon petit gars », lui débitait des vers de mirliton, et même, paraît-il, fit semblant de pleurer sur son épaule. Je l’avoue, je me frottai les mains de cette persécution ; mais le Maître, si rude à autrui, était, pour soi-même, le moins patient des hommes. Il se passa d’étranges scènes en leur particulier. Certains disent qu’il leva sa canne sur elle, et que Jessie recourut à ses armes de jadis, – les pierres. Il est certain que pour finir il demanda au capitaine Crail d’attirer la femme dans un guet-apens, et que le capitaine repoussa la proposition, avec une chaleur inusitée. À la fin du compte, Jessie l’emporta. On réunit de l’argent, il y eut une entrevue, au cours de laquelle mon fier gentilhomme dut consentir à recevoir des baisers et des larmes ; et la femme fut installée dans un cabaret à elle, situé quelque part sur le Solway (mais où, je l’ai oublié) et, d’après le peu que j’en sais, des plus mal fréquentés.

    Mais nous anticipons. Il y avait quelque temps que Jessie s’attachait à ses pas, lorsque le Maître vint un jour me trouver dans le bureau du régisseur, et me dit, avec plus de politesse qu’à l’ordinaire :

    – Mackellar, il y a une maudite folle de traînée qui rôde aux alentours. Il ne m’est guère possible de m’en occuper moi-même, aussi j’ai recours à vous. Ayez l’obligeance de voir à ce que nos gens aient l’ordre strict de chasser cette traînée.

    – Monsieur, dis-je, en tremblant un peu, vous pouvez faire vous-même vos sales commissions.

    Sans dire un mot, il quitta la chambre.

    Peu après arriva Mr. Henry.

    – Voici du nouveau ! s’écria-t-il. Il paraît que tout ne suffit pas encore, et que vous voulez ajouter à mes maux. Il paraît que vous avez offensé Mr. Bally.

    – Avec votre permission, Mr. Henry, répliquai-je, c’est lui qui m’a offensé ; et, à mon avis, grossièrement. Mais je n’ai peut-être pas assez considéré votre situation, en parlant ; et si vous le croyez aussi, lorsque vous saurez tout, mon cher maître, vous n’avez qu’un

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