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    2. Le Maître de Ballantrae
    3. Chapitre 14
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    impossible d’avoir le moindre indice sur la direction suivie.

    Un peu avant le coucher du soleil, dans une clairière au bord d’un cours d’eau et environnée de montagnes farouches, Ballantrae jeta son chargement par terre.

    – Je ne vais pas plus loin, dit-il.

    Puis, il m’ordonna d’allumer du feu, maudissant ma race, en termes peu propres à un homme bien élevé.

    Je le priai d’oublier qu’il eût jamais été un pirate, et de se souvenir qu’il avait été un gentilhomme.

    – Êtes-vous fou ? s’écria-t-il. Ne me contrariez pas aujourd’hui !

    Puis, montrant le poing aux montagnes :

    – Quand je songe, s’écria-t-il, que je vais laisser mes os dans ce misérable désert ! Plût à Dieu que je sois mort sur l’échafaud en bon gentilhomme !

    Il déclama cette phrase comme un acteur, et puis il s’assit, mordant ses poings, les yeux fixés sur le sol, l’air aussi peu chrétien que possible.

    Il m’inspira une véritable horreur, car je pensais qu’un soldat et un gentilhomme aurait dû envisager sa fin avec plus de philosophie. Je ne lui répliquai pas, néanmoins ; et comme la nuit tombait, glacée, je fus bien aise d’allumer du feu pour mon propre compte. Dieu sait cependant que, dans un lieu aussi découvert, et avec le pays plein de sauvages, c’était là presque un acte de folie. Ballantrae ne semblait pas me voir ; mais à la fin, comme je faisais griller un peu de blé, il leva les yeux.

    – Avez-vous jamais eu un frère ? demanda-t-il.

    – Par la permission du ciel, dis-je, pas moins de cinq.

    – Je n’en ai qu’un, reprit-il, d’une voix bizarre ; et, aussitôt : – Il me paiera tout ceci, ajouta-t-il. – Et quand je lui eus demandé quel rôle jouait son frère dans notre malheur ? – Comment ! s’écria-t-il, il a pris ma place, il porte mon nom, il courtise ma femme ; et me voilà seul ici avec un damné Irlandais, à claquer les dents au fond de ce désert ! Oh ! quelle vulgaire dupe je fais !

    Cette sortie était de tous points si opposée au caractère de mon ami, que la stupéfaction émoussa mon juste ressentiment. Et puis, une expression injurieuse, même vive, apparaît une bien petite affaire en des conjonctures aussi angoissantes. Mais il faut noter un point singulier. Une seule fois auparavant, il avait fait allusion à la dame sa fiancée : nous arrivions alors devant New York, et il me dit que, s’il avait joui de ses droits, il était alors en vue de sa propriété, car Miss Alison Graeme possédait dans cette province des biens considérables. L’occasion était sans doute naturelle, ce jour-là ; mais aujourd’hui qu’il nommait la dame pour la seconde fois, se produisait une coïncidence bien digne de remarque : en ce même mois de novembre 1747 et, je crois ce même jour où nous étions perdus au milieu de ces montagnes farouches, son frère épousait Miss Graeme1. Je suis le moins superstitieux des hommes ; mais le doigt de la Providence est ici trop visible pour n’en point faire l’observation.

    Le jour suivant, puis l’autre, se passèrent en travaux analogues. Ballantrae décidait à pile ou face de notre direction ; et une fois, comme je lui reprochais cet enfantillage, il me fit une réponse que je n’ai jamais oubliée :

    – C’est le meilleur moyen que je connaisse d’exprimer mon dédain de la raison humaine.

    Ce fut, je crois, le troisième jour, que nous découvrîmes le cadavre d’un chrétien, scalpé et affreusement mutilé, gisant dans une mare de son sang ; les oiseaux du désert s’acharnaient sur lui à grands cris, aussi nombreux que des mouches. Je ne saurais dire à quel point ce spectacle nous fut odieux ; en tout cas, il me fit perdre mes dernières forces et tout espoir de ce monde. Le même jour, et peu après, nous traversions péniblement une partie de la forêt qui avait brûlé, quand je vis soudain Ballantrae, qui me précédait, se baisser derrière un tronc abattu. Je le rejoignis dans sa cachette, d’où l’on voyait aux alentours, sans être vu ; et, au fond du ravin proche, je découvris une forte troupe de sauvages armés en guerre, dont la marche allait couper notre chemin. Il y avait là peut-être l’équivalent d’un bataillon ; leurs torses étaient nus, enduits de graisse et de noir de fumée, et peinturlurés de céruse et de vermillon, suivant leur coutume barbare. Ils s’avançaient l’un derrière l’autre, à la file, comme des oies, et à un petit trot assez rapide, en sorte qu’ils mirent peu de temps à passer et à disparaître de nouveau parmi les bois. Pourtant, je crois bien que nous souffrîmes une plus forte torture d’hésitation et de suspens au cours de ces quelques minutes qu’il n’en tient d’ordinaire en toute la vie d’un homme. Ces Indiens étaient-ils Français ou Anglais ? voulaient-ils des scalps ou des prisonniers ? Devions-nous à tout hasard nous montrer, ou rester cachés pour continuer ensuite notre démoralisant voyage ? Ces questions auraient mis en échec le cerveau d’Aristote lui-même. Ballantrae se tourna vers moi. Un rictus affreux lui tordait la bouche et laissait voir ses dents, comme j’ai lu que cela se produit chez ceux qui meurent de faim. Il ne dit rien, mais toute sa personne semblait poser une question redoutable.

    – Ils sont peut-être du parti anglais, chuchotai-je, et songez, alors ! ce que nous aurions de mieux à espérer, ce serait de recommencer pareille évasion !

    – Je sais… je sais… dit-il. Cependant, il faut en finir.

    Et soudain il tira son éternelle pièce de monnaie, l’agita dans le creux de ses mains, regarda, puis se coucha la face dans la poussière.

    Addition de Mr. Mackellar

    J’abandonne le récit du chevalier, parce que tous deux se querellèrent et se séparèrent le même jour ; et la façon dont le chevalier rapporte les querelles me semble (je dois l’avouer) tout à fait incompatible avec le caractère des deux personnages. Par la suite, ils errèrent isolément, et connurent des souffrances indicibles. À la fin, l’un, puis l’autre furent recueillis par une patrouille du fort Saint-Frédéric. Il n’y a plus à ajouter que deux choses. Primo (et c’est ce qui importe surtout à mon récit) le Maître, au cours de ces tribulations, enterra ses richesses, en un point qui n’a pas été retrouvé, mais dont il leva la topographie, à l’aide de son propre sang, sur la doublure de son chapeau. Et secundo, en arrivant ainsi sans le sou au fort, il fut accueilli comme un frère par le chevalier, qui plus tard lui paya son retour en France. La simplicité de caractère de Mr. Burke l’induit à cet excès de louer le Maître. À des yeux plus mondainement sages, il semblerait que le chevalier seul fût digne d’éloges. J’ai d’autant plus de plaisir à citer ce noble trait de mon honorable correspondant, que je crains de l’avoir blessé, quelques lignes plus haut. Je me dispense de tous commentaires sur aucune de ses opinions si extraordinaires et (à mon sens) immorales, car je le sais fort pointilleux en matière de respect. Mais sa version de la querelle dépasse vraiment ce que je puis reproduire ; car j’ai moi-même connu le Maître, et on ne peut imaginer homme moins susceptible de crainte. Je déplore cette négligence du chevalier, et d’autant plus que l’allure de son récit (à part quelques fioritures) me frappe par sa haute ingénuité.

    IV

    Persécutions que subit Mr. Henry

    On devine sur quelle partie de ses aventures le colonel s’étendit principalement. À coup sûr, si nous les avions ouïes au complet, il est à croire que le cours des événements eût été modifié de beaucoup ; l’épisode du bateau pirate fut très expurgé. Et je n’entendis même pas jusqu’à la fin ce que le colonel voulut bien en révéler, car Mr. Henry, qui depuis un moment paraissait plongé en de sombres réflexions, se leva de son siège et (s’excusant auprès du colonel sur ce que des affaires le réclamaient) m’ordonna de le suivre au bureau.

    Une fois là, il ne chercha plus à dissimuler son souci, et se mit à marcher de long en large avec un visage bouleversé, et se passant la main sur le front à diverses reprises.

    – Nous avons à faire, commença-t-il enfin.

    Mais il s’interrompit, déclara qu’il nous fallait boire un coup de vin et envoya chercher un magnum du meilleur. Ceci était tout à fait en dehors de ses habitudes et, davantage, quand le vin fut apporté, il avala coup sur coup deux verres, comme insoucieux de tout décorum. Mais de boire le remonta.

    – Vous ne serez pas étonné, Mackellar, dit-il, d’apprendre que mon frère – que nous sommes tous heureux de savoir en sûreté – se trouve dans un certain besoin d’argent.

    Je lui répondis que je m’en doutais, mais que le moment était mal choisi, car les fonds étaient bas.

    – Pas les miens, dit-il. Il y a l’argent pour l’hypothèque.

    Je lui rappelai que cette somme appartenait à Mme Henry.

    – J’en répondrai auprès de ma femme, répliqua-t-il violemment.

    – Et, puis, ajoutai-je, il y a l’hypothèque elle-même.

    – Je sais, dit-il, et c’est là-dessus que je voulais vous consulter.

    Je lui fis voir que ce n’était pas du tout le moment de détourner ces fonds de leur destination ; et aussi que, ce faisant, nous perdions le bénéfice de nos économies passées, pour replonger le domaine dans le bourbier. Je pris même la liberté de lui faire des remontrances ; et comme il persistait à m’opposer le même hochement de tête et un sourire d’amère résolution, mon zèle m’emporta tout à fait hors de mon rôle.

    – Mais c’est de la folie en plein, m’écriai-je ; et quant à moi, je n’y prendrai

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