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    2. Le Maître de Ballantrae
    3. Chapitre 10
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    notre succès me tentaient aussi peu que les chances de défaite. Par deux fois, il se trouva des femmes à bord ; et j’ai beau avoir assisté à des sacs de ville, et dernièrement, en France, aux plus affreux excès populaires, il y avait dans le petit nombre des combattants, et dans les dangers de cette immensité de mer à l’entour de nous, un je ne sais quoi qui rendait ces actes de piraterie infiniment plus révoltants. J’avoue franchement qu’il me fut toujours impossible de les exécuter avant d’être aux trois quarts ivre. Il en allait de même pour l’équipage ; Teach en personne n’était bon à rien, s’il n’était gorgé de rhum ; et la fonction de Ballantrae la plus délicate consistait à distribuer les liqueurs en juste quantité. Cela même, il s’en tirait à la perfection, car il était sur toutes choses l’homme le plus capable que j’aie jamais rencontré, et du génie le plus réel. Il ne cherchait pas à capter les bonnes grâces de l’équipage, comme moi, par des bouffonneries continuelles, exécutées d’un cœur anxieux ; mais, dans la plupart des occasions, il demeurait grave et distant ; on eût dit un père au milieu d’une famille de jeunes enfants, ou un maître d’école avec ses élèves.

    Ce qui augmentait les difficultés de son rôle, c’est que les hommes étaient d’invétérés mécontents ; la discipline de Ballantrae, toute minime qu’elle fût, pesait à leur amour de la licence ; et, ce qui était pis, en les empêchant de boire, il leur donnait le loisir de penser. Plusieurs, en conséquence, commencèrent à regretter leurs abominables forfaits ; l’un en particulier, bon catholique, et avec qui je me retirais parfois à l’écart pour dire une prière, surtout par mauvais temps, brouillard, pluie battante, etc., lorsque l’on ne nous remarquait pas ; et je suis sûr que deux criminels sur la charrette n’ont jamais accompli leurs dévotions avec une plus anxieuse sincérité. Mais le reste de l’équipage, n’ayant pas de semblables motifs d’espoir, se livrait à un autre passe-temps, celui des calculs. Tout le long du jour, ils ressassaient leurs parts, ou se dépitaient du résultat. J’ai dit que nos affaires allaient bien. Mais il faut remarquer ceci : que dans ce monde, en aucune entreprise de ma connaissance, les bénéfices ne sont à la hauteur de l’attente. Nous rencontrâmes de nombreux navires, et en prîmes beaucoup ; cependant bien peu contenaient de l’argent, leurs marchandises ne nous étaient à l’ordinaire d’aucun usage, – qu’avions-nous besoin d’une cargaison de charrues, ou même de tabac ? – et il est triste de songer au nombre d’équipages tout entiers auxquels nous avons fait faire la « promenade de la planche » pour guère plus qu’un stock de biscuits ou deux ou trois quartauts d’alcool.

    Cependant, notre navire faisait beaucoup d’eau, et il était grand temps de nous diriger vers notre port de carénage, qui était l’embouchure d’une rivière environnée de marais. Il était bien entendu que nous devions alors nous séparer en emportant chacun sa part du butin, et ceci rendait nos hommes plus avides de l’augmenter encore, de sorte que la résolution était ajournée quotidiennement. Ce qui, pour finir, décida les choses, fut un banal incident, qu’un ignorant pourrait croire familier à notre façon de vivre. Mais je dois donner ici une explication. Sur un seul de tous les navires que nous abordâmes, le premier de ceux où se trouvaient des femmes, on nous opposa une résistance réelle. Dans cette occasion, nous eûmes deux tués et plusieurs blessés et, sans la valeur de Ballantrae, nous aurions été finalement repoussés. En tout cas, la défense (lorsqu’elle se produisait) était de nature à faire rire les plus mauvaises troupes de l’Europe ; en somme, le plus périlleux de notre métier était d’escalader le flanc du navire, et j’ai même vu de pauvres âmes nous jeter du bord une amarre, dans leur empressement à s’engager au lieu de passer sur la planche. Cette impunité constante avait rendu nos gens si mous, que je comprenais sans peine comment Teach avait fait une telle impression sur leurs esprits ; car, en fait, la société de ce lunatique était le plus grand danger de notre existence. Voici l’incident auquel j’ai fait allusion. Nous venions de découvrir fort près de nous dans le brouillard un petit navire toutes voiles dehors. Il marchait presque aussi bien que nous, – il serait plus vrai de dire : presque aussi mal, – et nous dégageâmes la pièce de chasse, pour voir si nous pourrions leur tirer deux ou trois coups aux oreilles. La mer était très forte, le roulis du navire indescriptible ; rien d’étonnant si nos canonniers firent feu à trois reprises sans atteindre, et de loin, leur but. Mais cependant sur l’autre navire on avait apprêté un canon de poupe, que le brouillard épais nous dissimulait ; et comme ils avaient de meilleurs pointeurs, leur premier boulet nous atteignit par l’avant, réduisit nos deux canonniers en bouillie, si bien que nous fûmes tous éclaboussés de sang, et plongea dans le gaillard où nous logions. Ballantrae voulait qu’on mît en panne ; en réalité, il n’y avait rien dans ce contretemps1 qui dût affecter l’esprit d’un soldat ; mais il eut une prompte intuition du désir de l’équipage, et il était clair que ce coup de hasard les avait tous dégoûtés de leur métier. Sur l’instant, nous fûmes d’un commun accord : le navire s’éloignait de nous, il devenait inutile de mettre en panne, la Sarah était trop avariée pour embarquer un verre d’eau de plus ; c’était folie de tenir la mer davantage ; et sous ces prétextes, on vira de bord immédiatement pour se diriger vers la rivière. Je vis avec surprise la joie se répandre parmi l’équipage, et tous se mettre à danser sur le pont en plaisantant, et chacun calculer de combien sa part s’était accrue grâce à la mort des deux canonniers. Il nous fallut neuf jours pour gagner notre port, tant la brise était faible et notre carène avariée ; mais le dixième, avant l’aube, par une légère brume, nous doublâmes la pointe. Peu après, la brume se leva un instant et, avant de retomber, nous laissa voir un croiseur, tout proche. Le coup était désagréable, survenant si près de notre asile. Il y eut grande discussion pour savoir si l’on nous avait aperçus, et s’il était vraisemblable qu’ils eussent reconnu la Sarah. Nous prenions grand soin, en supprimant jusqu’au dernier membre des équipages capturés, de ne laisser subsister aucune preuve contre nous, mais l’aspect de la Sarah ne se pouvait dissimuler aussi aisément ; et surtout vers la fin, une fois avariée, et quand nous eûmes poursuivi sans succès plusieurs navires, sa description avait certainement été publiée. Cette alerte aurait dû nous inciter à une séparation immédiate. Mais ici encore le génie de Ballantrae me réservait une surprise. Teach et lui (et ce fut son succès le plus remarquable) avaient marché la main dans la main depuis le premier jour de son élection. Je l’ai souvent questionné là-dessus, mais sans obtenir de réponse qu’une fois, où il me dit que Teach et lui avaient passé une convention « qui surprendrait beaucoup l’équipage, s’il l’apprenait, et qui le surprendrait lui-même encore plus, si elle se réalisait ». Eh bien, cette fois encore, Teach et lui furent du même avis ; et, de leur commun accord, l’ancre ne fut pas plus tôt mouillée, que tout l’équipage se livra à une scène d’orgie indescriptible. Dans l’après-midi, nous n’étions plus qu’une troupe de déments, jetant les choses par-dessus bord, braillant plusieurs chansons à la fois, nous querellant et nous battant, puis oubliant la querelle pour nous embrasser. Ballantrae m’avait enjoint de ne rien boire et de simuler l’ivresse si je tenais à ma vie ; et je n’ai jamais passé journée plus fastidieuse, couché la plupart du temps sur le gaillard d’avant à considérer les marécages et les buissons qui semblaient enfermer de toutes parts notre petit bassin.

    Peu après le crépuscule, Ballantrae vint trébucher contre moi, feignit de tomber, avec un rire d’ivrogne et, avant de se relever, me chuchota de « descendre dans la cabine et feindre de m’endormir sur une couchette, car on aurait bientôt besoin de moi ». Je fis comme il me le disait et, m’en allant dans la cabine, où il faisait tout à fait obscur, me laissait tomber sur la première couchette venue. Il s’y trouvait déjà un homme ; à la façon dont il me repoussa, je ne pouvais croire qu’il eût beaucoup bu ; et pourtant, lorsque j’eus trouvé une autre place, il parut se rendormir. Mon cœur se mit à battre avec force, car je voyais qu’il se préparait quelque coup désespéré. Alors descendit Ballantrae, qui alluma la lampe, regarda autour de lui dans la cabine, hocha la tête avec satisfaction, et retourna sur le pont sans mot dire. Je risquai un coup d’œil entre mes doigts, et vis que nous étions trois sur les couchettes à sommeiller ou faire semblant : moi, un certain Dutton et Grady, deux hommes résolus. Sur le pont, les autres en arrivaient à un point d’ivresse véritablement inhumain, et nul qualificatif raisonnable ne peut décrire les sons qu’ils émettaient à cette heure. J’ai entendu pas mal de cris d’ivrognes, pour ma part, dont beaucoup à bord de cette même Sarah, mais jamais rien qui ressemblât à ceux-ci, de sorte que j’en vins à croire que la boisson avait été droguée. Il se passa longtemps avant que ces cris et ces hurlements se réduisissent à de lugubres gémissements, puis au silence ; et cela

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