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    2. L'Alchimiste
    3. Chapitre 2
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    d’un moment à l’autre, je me transformais en monstre et me mettais à les tuer un à un, ils ne commenceraient à comprendre qu’une fois le troupeau déjà presque tout entier exterminé, pensa-t-il. Parce qu’ils ont confiance en moi, et qu’ils ont cessé de se fier à leurs propres instincts. Tout cela parce que c’est moi qui les mène au pâturage. »

    Le jeune homme commença à se surprendre de ses propres pensées, à les trouver bizarres. L’église, avec ce sycomore qui poussait à l’intérieur, était peut-être hantée. Etait-ce pour cette raison qu’il avait encore refait ce même rêve, et qu’il éprouvait maintenant une sorte de colère à l’encontre des brebis, ses amies toujours fidèles ? Il but un peu du vin qui lui restait du souper de la veille et serra son manteau contre son corps. Il savait que, dans quelques heures, avec le soleil à pic, il allait faire si chaud qu’il ne pourrait plus mener son troupeau à travers la campagne. À cette heure-là, en été, toute l’Espagne dormait. La chaleur durait jusqu’à la nuit, et pendant tout ce temps il lui faudrait transporter son manteau avec lui. Malgré tout, quand il avait envie de se plaindre de cette charge, il se souvenait que, grâce à cette charge, précisément, il n’avait pas ressenti le froid du petit matin.

    « Nous devons toujours être prêts à affronter les surprises du temps », songeait-il alors ; et il acceptait avec gratitude le poids de son manteau.

    Celui-ci avait donc sa raison d’être, comme le jeune homme lui-même. Au bout de deux années passées à parcourir les plaines de l’Andalousie, il connaissait par cœur toutes les villes de la région, et c’était là ce qui donnait un sens à sa vie : voyager.

    Il avait l’intention, cette fois-ci, d’expliquer à la jeune fille pourquoi un simple berger peut savoir lire : jusqu’à l’âge de seize ans, il avait fréquenté le séminaire. Ses parents auraient voulu faire de lui un prêtre, motif de fierté pour une humble famille paysanne qui travaillait tout juste pour la nourriture et l’eau, comme ses moutons. Il avait étudié le latin, l’espagnol, la théologie. Mais, depuis sa petite enfance, il rêvait de connaître le monde, et c’était là quelque chose de bien plus important que de connaître Dieu ou les péchés des hommes. Un beau soir, en allant voir sa famille, il s’était armé de courage et avait dit à son père qu’il ne voulait pas être curé. Il voulait voyager.

    « Des hommes venus du monde entier sont déjà passés par ce village, mon fils. Ils viennent ici chercher des choses nouvelles, mais ils restent toujours les mêmes hommes. Ils vont jusqu’à la colline pour visiter le château, et trouvent que le passé valait mieux que le présent. Ils ont les cheveux clairs, ou le teint foncé, mais sont semblables aux hommes de notre village.

    — Mais moi, je ne connais pas les châteaux des pays d’où viennent ces hommes, répliqua le jeune homme.

    — Ces hommes, quand ils voient nos champs et nos femmes, disent qu’ils aimeraient vivre ici pour toujours, poursuivit le père.

    — Je veux connaître les femmes et les terres d’où ils viennent, dit alors le fils. Car eux ne restent jamais parmi nous.

    — Mais ces hommes ont de l’argent plein leurs poches, dit encore le père. Chez nous, seuls les bergers peuvent voir du pays.

    — Alors, je serai berger.

    Le père n’ajouta rien de plus. Le lendemain, il donna à son fils une bourse qui contenait trois vieilles pièces d’or espagnoles.

    — Je les ai trouvées un jour dans un champ. Dans mon idée, elles devaient aller à l’Eglise, à l’occasion de ton ordination. Achète-toi un troupeau et va courir le monde, jusqu’au jour où tu apprendras que notre château est le plus digne d’intérêt et nos femmes les plus belles.

    Et il lui donna sa bénédiction. Le garçon, dans les yeux de son père, lut aussi l’envie de courir le monde. Une envie qui vivait toujours, en dépit des dizaines d’années au cours desquelles il avait essayé de la faire passer en demeurant dans le même lieu pour y dormir chaque nuit, y boire et y manger.

    L’horizon se teinta de rouge, puis le soleil apparut. Le jeune homme se souvint de la conversation avec son père et se sentit heureux ; il avait déjà connu bien des châteaux et bien des femmes (mais aucune ne pouvait égaler celle qui l’attendait à deux jours de là). Il possédait un manteau, un livre qu’il pourrait échanger contre un autre, un troupeau de moutons. Le plus important, toutefois, c’était que, chaque jour, il réalisait le grand rêve de sa vie : voyager. Quand il se serait fatigué des campagnes d’Andalousie, il pourrait vendre ses moutons et devenir marin. Quand il en aurait assez de la mer, il aurait connu des quantités de villes, des quantités de femmes, des quantités d’occasions d’être heureux.

    « Comment peut-on aller chercher Dieu au séminaire ? » se demanda-t-il, tout en regardant naître le soleil. Chaque fois que c’était possible, il tâchait de trouver un nouvel itinéraire. Il n’était jamais venu jusqu’à cette église, alors qu’il était pourtant passé par là tant de fois. Le monde était grand, inépuisable ; et s’il laissait ses moutons le guider, ne serait-ce qu’un peu de temps, il finirait par découvrir encore bien des choses pleines d’intérêt. « Le problème, c’est qu’ils ne se rendent pas compte qu’ils parcourent de nouveaux chemins tous les jours. Ils ne s’aperçoivent pas que les pâturages ont changé, que les saisons sont différentes. Car ils n’ont d’autre préoccupation que la nourriture et l’eau. »

    « Peut-être en est-il ainsi pour tout le monde, pensa le berger. Même pour moi, qui n’ai plus d’autres femmes en tête depuis que j’ai rencontré la fille de ce commerçant. »

    Il regarda le ciel. D’après ses calculs, il serait à Tarifa avant l’heure du déjeuner. Là, il pourrait échanger son livre contre un plus gros volume, remplir sa bouteille de vin, se faire raser et couper les cheveux ; il devait être fin prêt pour retrouver la jeune fille, et il ne voulait même pas envisager l’éventualité qu’un autre berger fût arrivé avant lui, avec davantage de moutons, pour demander sa main.

    « C’est justement la possibilité de réaliser un rêve qui rend la vie intéressante » songea-t-il en levant à nouveau son regard vers le ciel, tout en pressant le pas. Il venait de se rappeler qu’il y avait à Tarifa une vieille femme qui savait interpréter les rêves. Et, cette nuit-là, il avait eu le même rêve qu’il avait déjà fait une fois.

    La vieille conduisit le jeune homme au fond de la maison, dans une pièce séparée de la salle par un rideau en plastique multicolore. Il y avait là une table, une image du Sacré-Cœur de Jésus, et deux chaises.

    La vieille s’assit et le pria d’en faire autant. Puis elle prit entre les siennes les deux mains du garçon et se mit à prier tout bas.

    Cela ressemblait à une prière gitane. Il avait déjà croisé bien des gitans sur son chemin. Ces gens-là voyageaient, eux aussi, mais ils ne s’occupaient pas de moutons. Le bruit courait qu’un gitan, c’était quelqu’un qui passait son temps à tromper le monde. On disait aussi qu’ils avaient un pacte avec le démon, qu’ils enlevaient des enfants pour faire d’eux leurs esclaves dans leurs mystérieux campements. Quand il était tout petit, le jeune berger avait toujours été terrifié à l’idée d’être enlevé par les gitans, et cette peur d’autrefois lui revint tandis que la vieille lui tenait les mains.

    « Mais il y a ici une image du Sacré-cœur de Jésus », pensa-t-il, en essayant de se rassurer. Il ne voulait pas que sa main se mît à trembler et que la vieille s’aperçût de sa frayeur. En silence, il récita un Notre Père.

    — Intéressant…, dit la vieille, sans quitter des yeux la main du garçon. Et, à nouveau, elle se tut.

    Celui-ci se sentait de plus en plus nerveux. Ses mains se mirent à trembler malgré lui, et la vieille le remarqua. Il les retira très vite.

    — Je ne suis pas venu ici pour les lignes de la main dit-il, regrettant maintenant d’être entré dans cette maison. Un instant, il pensa qu’il ferait mieux de payer la consultation et de s’en aller sans rien savoir. Il accordait sans doute bien trop d’importance à un rêve qui s’était répété.

    — Tu es venu m’interroger sur les songes, dit alors la vieille. Et les songes sont le langage de Dieu. Quand Dieu parle le langage du monde, je peux en faire l’interprétation. Mais s’il parle le langage de ton âme, alors il n’y a que toi qui puisses comprendre. De toute façon, il va falloir me payer la consultation.

    « Encore une astuce », pensa le jeune homme. Malgré tout, il décida de prendre le risque. Un berger est toujours exposé au danger des loups ou de la sécheresse, et c’est bien ce qui rend plus excitant le métier de berger.

    — J’ai fait deux fois de suite le même rêve, dit-il.

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    Tags:
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