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    2. La Servante écarlate (La Servante écarlate 1)
    3. Chapitre 1
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    Margaret Atwood

    La servante écarlate

    traduit de l’anglais (Canada) par Sylviane Rué

    Titre original : the handmaid’s tale

    Illustration : 14 juillet, tableau à géométrie variable,

    1965, de Martial Raysse

    © O.W. Toad Limited, 1985

    Traduction française : Éditions Robert Laffont, 1987, 2005

    Pour Mary Webster et Perry Miller

    Rachel, voyant qu’elle-même ne donnait pas d’enfants à Jacob, devint jalouse de sa sœur et elle dit à Jacob : « Fais-moi avoir aussi des fils, ou je meurs. »

    Jacob s’emporta contre Rachel, et dit : « Est-ce que je tiens la place de Dieu, qui t’a refusé la maternité ? » Elle reprit : « Voici ma servante Bilha. Va vers elle et qu’elle enfante sur mes genoux : par elle j’aurai moi aussi des fils. »

    Genèse, 30 : 1-3.

    Quant à moi, m’étant inutilement fatigué pendant plusieurs années en donnant des avis frivoles, vains et visionnaires, et désespérant à la fin d’y pouvoir réussir, heureusement j’ai conçu ce projet…

    Jonathan Swift,

    Une modeste proposition.

    Il n’y a pas dans le désert de panneau qui dise : Tu ne mangeras point de pierres.

    Proverbe soufi.

    I. Nuit

    1.

    Nous dormions dans ce qui fut autrefois le gymnase. Le sol était en bois verni, avec des lignes et des cercles tracés à la peinture, pour les jeux qui s’y jouaient naguère ; les cerceaux des paniers de basket-ball étaient encore en place, mais les filets avaient disparu. Un balcon courait autour de la pièce, pour recevoir le public, et je croyais sentir, ténue comme une image persistante, une odeur âcre de sueur transpercée par les effluves sucrés de chewing-gum et de parfum que dégageaient les jeunes spectatrices, que les photographies me montraient en jupes de feutrine, plus tard en minijupes, ensuite en pantalons, puis parées d’une unique boucle d’oreille, les cheveux en épi, striés de vert. On avait dû y organiser des bals ; leur musique y traînait encore, palimpseste de sons non entendus, un style succédant à l’autre, courant souterrain de batterie, plainte désespérée, guirlandes de fleurs en papier mousseline, diables en carton, boule de miroirs pivotante, poudrant les danseurs d’une neige de lumière.

    Cette salle sentait les vieilles étreintes, et la solitude, et une attente de quelque chose sans forme ni nom. Je me rappelle cette nostalgie de quelque chose qui était toujours sur le point d’arriver et qui n’était jamais comme ces mains alors posées sur nous, au creux des reins, ou comme ce qui se passait sur le siège arrière, dans le parking, ou dans le salon de télévision, le son coupé, avec seules les images à clignoter sur la chair émue. Nous soupirions après le futur. Comment l’avions-nous acquis, ce don de l’insatiabilité ? Il était dans l’air ; et il y demeurait, comme une pensée à retardement, tandis que nous essayions de dormir dans les lits de camp qui avaient été disposés en rangées, espacées pour que nous ne puissions pas nous parler. Nous avions des draps de molleton, comme ceux des enfants, et des couvertures de l’armée, des vieilles, encore marquées U.S. Nous pliions soigneusement nos vêtements et les déposions sur les tabourets placés au pied des lits. La lumière était en veilleuse, mais pas éteinte. Tante Sarah et Tante Élisabeth patrouillaient ; un aiguillon électrique à bétail était suspendu par une lanière à leur ceinture de cuir.

    Pas de pistolet, pourtant, même à elles on n’aurait pas confié une arme. Les revolvers étaient réservés aux gardes, triés spécialement parmi les Anges. Les gardes n’étaient pas autorisés à entrer dans le bâtiment, sauf sur appel, et nous n’étions pas autorisées à en sortir sauf pour nos promenades, deux fois par jour, à faire deux par deux le tour du terrain de football, qui était maintenant entouré d’une clôture en maillons de chaîne, surmontée de fil de fer barbelé. Les Anges se tenaient à l’extérieur, le dos vers nous. Ils étaient pour nous des objets de peur, mais d’autre chose aussi. Si seulement ils voulaient bien regarder. Si seulement nous pouvions leur parler. Quelque chose pourrait être échangé, pensions-nous, quelque arrangement conclu, quelque marché, nous avions encore nos corps. Tel était notre fantasme.

    Nous apprîmes à murmurer presque sans bruit. Dans la demi-obscurité nous pouvions étendre le bras, quand les Tantes ne regardaient pas, et nous toucher la main à travers l’espace. Nous apprîmes à lire sur les lèvres, la tête à plat sur le lit, tournée sur le côté, à nous entre-observer la bouche. C’est ainsi que nous avons échangé nos prénoms, d’un lit à l’autre.

    Alma. Janine. Dolorès. Moira. June.

    II. Commissions

    2.

    Une chaise, une table, une lampe. Au-dessus, sur le plafond blanc, un ornement en relief en forme de couronne, et en son centre un espace vide, replâtré, comme l’endroit d’un visage d’où un œil a été extrait. Il a dû y avoir un lustre, un jour. Ils ont retiré tout ce à quoi on pourrait attacher une corde.

    Une fenêtre, deux rideaux blancs. Sous la fenêtre, une banquette avec un petit coussin. Quand la fenêtre est en partie ouverte (elle ne s’ouvre qu’en partie), l’air peut entrer et faire bouger les rideaux. Je peux m’asseoir sur la chaise, ou sur la banquette, les mains jointes, et contempler cela. Des rayons de soleil entrent aussi par la fenêtre et tombent sur le sol qui est fait de bois, en lattes étroites, d’un beau poli. Je sens l’odeur de la cire. Il y a un tapis par terre, ovale, fait de chiffons tressés. C’est le genre de style qui leur plaît : art folklorique, archaïque, fait par des femmes, pendant leurs loisirs, à partir de choses qui ne sont plus utilisables. Un retour aux valeurs traditionnelles. Qui ne gaspille pas ne connaîtra pas le besoin. On ne me gaspille pas. Pourquoi suis-je dans le besoin ?

    Au mur au-dessus de la chaise, un tableau, encadré mais sans verre : une reproduction de fleurs, des iris bleus, à l’aquarelle. Les fleurs sont encore autorisées. Avons-nous toutes la même reproduction, la même chaise, les mêmes rideaux blancs, je me le demande ? Matériel militaire réglementaire ?

    Dites-vous que c’est comme si vous étiez dans l’armée, disait Tante Lydia.

    Un lit. À une place, matelas semi-dur recouvert d’une courtepointe floquée blanche. Il ne se passe rien dans le lit sauf dormir. Ou ne pas dormir. J’essaie de ne pas trop penser. Comme d’autres choses maintenant, la pensée doit être rationnée. Il y a beaucoup de choses auxquelles il n’est pas supportable de penser. Penser peut nuire à nos chances, et j’ai l’intention de durer. Je sais pourquoi il n’y a pas de verre sur l’aquarelle aux iris bleus, pourquoi la fenêtre ne s’ouvre qu’en partie, et pourquoi la vitre est en verre incassable. Ce n’est pas fuite qu’ils craignent. Nous n’irions pas loin. Ce sont ces autres évasions, celles que l’on peut ouvrir en soi-même, si l’on dispose d’un objet tranchant.

    Voyons. Hormis ces détails, ce pourrait être une chambre d’hôte d’université, destinée aux visiteurs les moins distingués ; ou une chambre dans une pension de famille d’autrefois pour dames aux moyens restreints. C’est ce que nous sommes maintenant : nos moyens ont été restreints ; pour celles de nous qui ont encore des moyens. Mais une chaise, du soleil, des fleurs : tout cela n’est pas à dédaigner. Je suis vivante, je vis, je respire, j’étends la main, ouverte, dans le soleil. Ce lieu où je suis n’est pas une prison, mais un privilège, comme disait Tante Lydia qui adorait les solutions extrêmes.

    La cloche qui mesure le temps sonne. Le temps est mesuré ici par des sonneries, comme jadis dans les couvents. Et comme dans un couvent, il y a peu de miroirs.

    Je me lève de la chaise, j’avance les pieds au soleil, dans leurs souliers rouges, à talons plats pour ménager la colonne vertébrale, et pas pour aller danser. Les gants rouges sont posés sur le lit. Je les ramasse, les enfile à mes mains, un doigt après l’autre. Tout, sauf les ailes qui m’encadrent le visage, est rouge : la couleur du sang, qui nous définit. La jupe descend jusqu’aux chevilles ; elle est ample, reprise dans un empiècement plat qui couvre les seins, les manches sont larges. Les ailes blanches aussi sont réglementaires ; elles nous empêchent de voir, mais aussi d’être vues. Je n’ai jamais été à mon avantage en rouge, ce n’est pas ma couleur. Je ramasse le panier à commissions, le passe à mon bras.

    La porte de la chambre (pas de ma chambre, je refuse de dire ma chambre) n’est pas verrouillée. En fait, elle ne ferme pas bien. Je sors dans le couloir ciré, qui est recouvert au milieu d’une bande de tapis, vieux rose. Comme un sentier à travers la forêt, comme un tapis pour des personnages royaux, il me montre la route.

    Le tapis tourne et descend l’escalier principal et je le suis, une main sur la rampe, qui jadis fut un arbre, tournée en un autre siècle, frottée à en avoir acquis un lustre chaud. De fin d’époque victorienne, cette maison, une maison familiale, construite pour une famille nombreuse riche. Il y a une vieille horloge dans le vestibule, à égrener les heures, puis la porte qui donne dans le grand salon maternel avec ses tons chair et ses allusions. Un salon où je ne m’assieds jamais, j’y reste debout ou je m’agenouille. Au bout du vestibule, au-dessus de la porte d’entrée, il y a une imposte de verre coloré : des fleurs, rouges et bleues.

    Il reste un miroir, au mur du vestibule. Si je tourne la tête pour que les ailes blanches qui m’encadrent le visage dirigent mon regard vers lui, je le vois quand je descends l’escalier, rond, convexe, en trumeau, pareil à un œil de poisson, et moi dedans, ombre déformée,

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