Ce jeune écuyer…
– Jeune chevalier, interrompit Catesby.
– Vraiment, Sir William ? s’écria Lord Foxham.
– Je l’ai moi-même, et pour bons services, armé chevalier, dit Gloucester. Il m’a deux fois servi vaillamment, ce n’est pas la vigueur du bras qui lui manque, mais l’esprit de fer d’un homme. Il n’arrivera à rien, Lord Foxham. C’est un garçon qui se battra bravement dans la mêlée, mais il a un cœur de poule. Cependant, s’il doit se marier, mariez-le au nom de la Vierge, et qu’on n’en parle plus.
– Non, c’est un brave garçon… je le sais, dit Lord Foxham. Soyez donc heureux, Sir Richard. J’ai arrangé cette affaire avec maître Hamley, et demain, vous vous marierez.
Là-dessus, Dick jugea prudent de se retirer, mais il n’était pas sorti du réfectoire qu’un homme qui venait de descendre de cheval à la porte arriva, montant quatre marches d’un saut, et, passant à travers les serviteurs de l’abbaye, se jeta sur un genou devant le duc.
– Victoire, Monseigneur ! s’écria-t-il.
Et, avant que Dick eût gagné la chambre qui lui fut réservée comme hôte de Lord Foxham, les troupes criaient de joie autour de leurs feux ; car le même jour, à moins de vingt milles, un second coup écrasant avait été porté à la puissance de Lancastre.
CHAPITRE VII
LA VENGEANCE DE DICK
Le matin suivant, Dick fut debout avant le soleil, se vêtit élégamment, grâce à la garde-robe de Lord Foxham, et, ayant eu de bonnes nouvelles de Joanna, alla faire un tour pour occuper son impatience.
Pendant quelque temps, il circula parmi les soldats, qui préparaient leurs armes à l’aube du pâle jour d’hiver et à la lueur rouge des torches ; mais, peu à peu, il s’éloigna vers les champs, et enfin dépassa tout à fait les avant-postes, et se promena seul dans la forêt gelée, attendant le soleil.
Ses pensées étaient tranquilles et heureuses. Il ne pouvait arriver à regretter la perte de sa courte faveur près du duc. Avec Joanna comme épouse, et Lord Foxham comme fidèle protecteur, l’avenir lui apparaissait très heureux, et dans le passé, il trouvait peu à regretter.
Tandis qu’il se promenait et songeait ainsi, la lumière solennelle du matin s’aviva, le soleil déjà colorait l’orient, et un petit vent aigre faisait voler la neige gelée. Comme il se retournait pour rentrer, son regard tomba sur une forme derrière un arbre.
– Arrêtez, cria-t-il, qui va là ?
Le personnage fit un pas, et agita la main dans un geste muet. Il était vêtu comme un pèlerin, le capuchon baissé sur la figure. Mais Dick, à l’instant, reconnut Sir Daniel.
Il marcha sur lui, tirant son épée, et le chevalier, portant la main à sa poitrine, comme pour saisir une arme cachée, attendit fermement son approche.
– Eh bien, Dickon, qu’allez-vous faire ? Faites-vous la guerre aux vaincus ?
– Je n’en ai jamais voulu à votre vie, répliqua le jeune homme. J’ai été votre ami jusqu’au moment où vous en avez voulu à la mienne, et vous lui en vouliez terriblement.
– Non… légitime défense, répliqua le chevalier. Et à présent, mon garçon, le résultat de la bataille, et la présence de ce diable de bossu dans mes propres bois, m’ont brisé sans espoir. Je vais à Holywood chercher la protection du sanctuaire, puis par-delà les mers, pour recommencer la vie, avec ce que je pourrai emporter, en Bourgogne ou en France.
– Vous pourriez ne pas arriver à Holywood, dit Dick.
– Hein ! Pourquoi pas ? demanda le chevalier.
– Voyez-vous, Sir Daniel, c’est le matin de mon mariage, et le soleil qui va se lever là-bas, éclairera le plus beau jour qui ait brillé pour moi. Vous portez la peine de votre crime, la mort de mon père, et vos pratiques envers moi, votre pupille. Mais j’ai moi-même commis des fautes, j’ai contribué à des morts d’hommes, et, en cet heureux jour, je ne veux être ni juge ni bourreau. Fûssiez-vous le diable, vous pourriez aller où vous voulez, s’il ne tenait qu’à moi. Obtenez le pardon de Dieu ; le mien, je vous l’accorde volontiers. Mais aller à Holywood, c’est une autre affaire. Je porte les armes pour York, et je ne souffrirai pas d’espion dans leurs lignes. Tenez-vous donc pour assuré, si vous faites un pas, que j’élèverai la voix et appellerai le poste le plus voisin pour qu’il s’empare de vous.
– Vous vous moquez de moi, dit Sir Daniel. Je n’ai de sûreté qu’à Holywood.
– Cela m’est égal, répliqua Richard. Je vous laisse aller vers l’est, l’ouest ou le sud, pas au nord. Holywood est fermé pour vous. Allez, et n’essayez pas de revenir. Car, une fois que vous serez parti, j’avertirai tous les postes autour de cette armée, et il y aura une si active surveillance sur tous les pèlerins, que, fûssiez-vous le diable lui-même, vous pâtiriez de le tenter.
– Vous me condamnez, dit Sir Daniel, d’un air sombre.
– Je ne vous condamne pas, répondit Richard. S’il vous plaît de vous mesurer avec moi, venez ; et, bien que ce soit, je le crains, peu loyal envers mon parti, je relèverai le défi ouvertement et pleinement, et je me battrai contre vous, avec ma seule force, sans appeler à l’aide. Ainsi, je vengerai mon père, avec une conscience tranquille.
– Oui, dit Sir Daniel, vous avez une longue épée contre ma dague.
– Je compte seulement sur le ciel, répondit Dick, jetant son épée à quelques pas derrière lui sur la neige. À présent, si votre mauvaise étoile vous conduit, venez, et, par la grâce du Tout-Puissant, je me fais fort d’offrir vos os aux renards.
– Je n’ai voulu que vous éprouver, Dick, repartit le chevalier avec un rire force ; je ne voudrais pas verser votre sang.
– Allez, alors, avant qu’il soit trop tard, répliqua Shelton ; dans cinq minutes, j’appellerai le poste. Je m’aperçois que j’ai déjà été trop indulgent. Si nos positions avaient été contraires, il y a quelques minutes que j’aurais été pris, pieds et poings liés.
– C’est bien, Dick, je pars, répliqua Sir Daniel. Quand nous nous rencontrerons de nouveau, vous vous repentirez d’avoir été si dur.
Et, avec ces mots, le chevalier se retourna et se mit en marche sous les arbres. Dick, avec une étrange confusion de sentiments, le regardait s’en aller, rapide et attentif, jetant de temps en temps en arrière un mauvais regard sur celui qui l’avait épargné, et dont il se méfiait encore.
Sur un des côtés de son chemin, se trouvait un fourré couvert d’un épais tapis de lierre vert, et, même en son état hivernal, impénétrable à l’œil. Là, soudain, un arc résonna comme une note de musique, une flèche vola, et avec un grand cri étranglé, le chevalier de Tunstall leva les bras et tomba en avant sur la neige.
Dick bondit à ses côtés et le releva. Sa figure était contractée, et tout son corps était secoué de spasmes violents.
– La flèche est-elle noire ? demanda-t-il faiblement.
– Elle est noire, répondit gravement Dick.
Et alors, avant qu’il pût ajouter un mot, une suprême douleur secoua de la tête aux pieds le blessé, dont le corps échappa aux bras de Dick, et dans la violence de cette angoisse, il rendit l’âme en silence.
Le jeune homme l’étendit doucement sur la terre, et pria pour cette âme coupable et non préparée à la mort, et tandis qu’il priait, le soleil se leva d’un coup, et les rouges-gorges se mirent à chanter dans le lierre.
Quand il se releva, il vit un homme à genoux, quelques pas derrière lui, et, toujours tête nue, il attendit la fin de cette prière. Ce fut long ; l’homme, la tête baissée, et la figure dans les mains, priait comme quelqu’un en grand désarroi ou détresse d’esprit ; et, à l’arc qui était à côté de lui, Dick jugea que ce devait être l’archer qui avait couché à terre Sir Daniel.
Enfin il se leva à son tour, et montra la figure d’Ellis Duckworth.
– Richard, dit-il très gravement, je vous ai entendu. Vous avez pris le bon parti, et pardonné. J’ai pris le pire, et voici le corps de mon ennemi. Priez pour moi.
Et il lui serra la main.
– Monsieur, dit Richard, je prierai pour vous, certes. Mais réussirai-je ? Je ne sais. Si vous avez si longtemps poursuivi la vengeance, et la trouvez maintenant si amère, ne pensez-vous pas qu’il vaudrait mieux pardonner aux autres ? Hatch… il est mort, pauvre homme. J’aurais donné beaucoup pour l’épargner. Quant à Sir Daniel, voici son corps. Mais le prêtre, si je pouvais obtenir cela, je voudrais que vous le laissiez.
Une flamme traversa les yeux d’Ellis Duckworth.
– Oh ! dit-il, le démon est encore fort en moi, mais soyez en repos, la flèche noire ne volera plus jamais… La compagnie est dissoute. Ceux qui vivent encore, je les laisserai atteindre leur mort tranquille, au temps marqué par le ciel ; et, quant à vous, allez où votre meilleure fortune vous appelle, et ne pensez plus à Ellis.
CHAPITRE VIII
CONCLUSION
Vers neuf heures du matin, Lord Foxham conduisait sa pupille, de nouveau habillée comme il convient à son sexe, et suivie d’Alicia Risingham, à l’église de Holywood, lorsque Richard le Bossu, le front déjà chargé de soucis, les rencontra et s’arrêta.
– C’est la jeune fille ? demanda-t-il ; et, lorsque Lord Foxham eut répondu affirmativement : Mignonne, ajouta-t-il, levez la figure, que j’en voie la grâce.
Il la regarda un moment d’un air chagrin.
– Vous êtes jolie, dit-il enfin, et riche, me dit-on. Que diriez-vous si je vous offrais un beau mariage, qui conviendrait à votre figure et votre noblesse ?
– Seigneur duc, répliqua Joanna, plaise votre grâce, j’aime mieux épouser Sir Richard.
– Comment ? demanda-t-il durement. Épousez l’homme que je vous