Pour la traduction française :

© Éditions Albin Michel, 2015

ISBN : 978-2-226-34229-4

Du même auteur chez Albin Michel Wiz :

PERCY JACKSON

Le Voleur de foudre

La Mer des Monstres

Le Sort du Titan

La Bataille du Labyrinthe

Le Dernier Olympien

Percy Jackson et les dieux grecs

HÉROS DE L’OLYMPE

Le Héros perdu

Le Fils de Neptune

La Marque d’Athéna

La Maison d’Hadès

KANE CHRONICLES

La Pyramide rouge

Le Trône de feu

L’Ombre du serpent

À mes merveilleux lecteurs.

Excusez-moi de vous demander pardon

pour cette dernière aventure à suspense.

Je vais essayer d’éviter le suspense dans ce livre.

Enfin, sauf peut-être à certains moments…

Parce que je vous aime, les gars.

Sept Sang-Mêlé obéiront à leur sort,

Sous les flammes ou la tempête le monde doit tomber.

Serment sera tenu en un souffle dernier,

Des ennemis viendront en armes devant les Portes de la Mort.

1 Jason

* * *

La vieillesse, Jason trouvait ça carrément horrible.

Il avait mal aux articulations ; ses jambes tremblaient. Il peinait pour grimper la colline et ses poumons tintinnabulaient comme des sacs pleins de cailloux.

Grâce aux dieux, il ne pouvait pas voir son visage, mais ses doigts noueux et les veines saillantes et bleues qui couvraient le dessus de ses mains suffisaient à lui donner une idée de son look.

Il dégageait même une odeur caractéristique de petit vieux, mélange de naphtaline et de soupe de poireaux. Comment était-ce possible ? Il avait mis quelques secondes à passer de l’âge de seize ans à celui de soixante-quinze, mais l’odeur, elle, lui était tombée dessus d’un coup : boum, comme ça. Félicitations, tu fouettes !

– On est presque arrivés, dit Piper en souriant. Tu te débrouilles super bien.

Facile à dire, pour elle. Annabeth et Piper étaient déguisées en charmantes servantes grecques. Même dans leurs robes-tuniques blanches et leurs sandales lacées, elles n’avaient aucun mal à grimper le sentier caillouteux.

Les cheveux acajou de Piper étaient tressés en couronne sur sa tête. Elle portait des anneaux d’argent aux deux bras. Ça la faisait ressembler aux statues antiques de sa mère, Aphrodite, et Jason trouvait ça plutôt intimidant.

Déjà que sortir avec une fille ravissante était éprouvant pour les nerfs. Mais alors sortir avec la fille de la déesse de l’amour… Jason avait tout le temps peur de commettre un acte contraire aux codes du romantisme et de s’attirer la colère d’Aphrodite qui, du haut du mont Olympe, le transformerait en cochon sauvage.

Il leva les yeux vers le sommet de la colline. Encore une centaine de mètres à gravir.

– On n’aurait pas pu imaginer pire comme idée, maugréa-t-il. La magie d’Hazel est bien trop puissante. Si jamais on doit se battre, je serai bon à rien.

– On n’en arrivera pas là, le rassura Annabeth.

Elle n’avait pas l’air à l’aise dans sa tenue de servante. Elle rejetait sans cesse les épaules en arrière pour empêcher sa robe de glisser ; son chignon s’était défait et ses cheveux blonds pendaient dans son dos comme de longues pattes d’araignée. Connaissant la phobie d’Annabeth pour ces bestioles, Jason censura son commentaire.

– On s’introduit dans le palais, reprit-elle. On dégote l’info dont on a besoin et on repart.

Piper posa son amphore, une grande jarre à vin en terre cuite dans laquelle elle avait dissimulé son épée.

– Reposons-nous un instant, dit-elle. Reprends ton souffle, Jason.

À sa taille pendait sa corne d’abondance magique et quelque part dans les plis de sa robe se cachait son poignard, Katoptris. Piper n’avait pas l’air dangereuse, il n’empêche qu’en cas de besoin elle pouvait manier deux lames de bronze céleste à la fois ou cribler ses ennemis de mangues mûres.

À son tour, Annabeth posa à terre l’amphore qu’elle portait à l’épaule. Elle aussi y avait glissé une épée secrète, mais même sans arme à la main, Annabeth avait l’air redoutable. De ses yeux gris d’orage, elle balaya les environs, à l’affût d’un danger. Jason était prêt à parier que si un garçon se hasardait à lui proposer un verre, elle lui répondrait par un coup de pied dans le bifurcum.

Il s’efforça de calmer sa respiration.

En contrebas, la baie d’Afalès scintillait ; la mer y était d’un bleu si vif qu’on l’aurait crue teintée au colorant alimentaire. L’Argo II mouillait à quelques centaines de mètres du rivage. Ses voiles blanches ne paraissaient pas plus grandes que des timbres-poste, vues du flanc de la colline, et ses quatre-vingt-dix rames avaient l’air d’autant de cure-dents. Jason imagina ses amis se relayant devant la lorgnette de Léo pour regarder Papy Jason grimper cahin-caha, en se retenant de rire.

– Saleté d’Ithaque, marmonna-t-il.

Il voyait bien que l’île était plutôt jolie, bien sûr. Avec sa crête de collines boisées qui la divisait en serpentant sur toute la longueur, ses falaises de calcaire blanc qui plongeaient dans la mer, ses innombrables baies abritant des plages de galets et des ports où se serraient des maisons aux tuiles rouges et des chapelles chaulées, d’une blancheur éclatante…

Les flancs des collines étaient parsemés de coquelicots, de crocus et de merisiers. La brise embaumait le myrte sauvage. Tout ça c’était très joli, sauf que la température frisait les quarante degrés et que l’air était moite comme dans des thermes romains.

Jason n’aurait eu aucun mal à contrôler les vents pour se transporter au sommet de la colline, mais non… ils ne voulaient surtout pas attirer l’attention. Du coup il se retrouvait obligé de crapahuter dans la peau d’un petit vieux aux genoux usés, qui empestait la soupe aux poireaux.

Il repensa à sa dernière escalade. Elle remontait à quinze jours, quand Hazel et lui s’étaient mesurés au bandit Sciron, sur les falaises de la côte croate. Là, au moins, Jason disposait de toutes ses forces. Or, maintenant, ils allaient au-devant d’un danger autrement redoutable.

– Vous êtes sûrs qu’on s’est pas trompés de colline ? demanda-t-il. Ça me paraît… je sais pas, étrangement calme, non ?

Piper balaya le rivage du regard. Une plume de harpie bleu vif était tressée dans ses cheveux, souvenir de l’assaut de la veille. On ne pouvait pas dire que la plume allait avec son déguisement, mais c’était un trophée qu’elle avait bien mérité : à elle seule, pendant son tour de garde, elle avait terrassé une horde de ces femmes-poules démoniaques qui avaient attaqué par surprise. Elle minimisait son exploit mais Jason sentait bien qu’elle en était fière. La plume dans ses cheveux, c’était une façon de rappeler qu’elle n’était plus la même qu’à leur arrivée à la Colonie des Sang-Mêlé, l’hiver précédent.

– Les ruines sont là-haut, je te jure, dit-elle. Je les ai vues sur la lame de Katoptris. Et tu as entendu ce qu’a dit Hazel. Le plus grand…

– … le plus grand rassemblement d’esprits maléfiques dont j’aie jamais perçu la présence, compléta Jason. Ouais, ça fait rêver.

Après avoir combattu dans le temple souterrain d’Hadès, s’il y avait bien une chose que Jason ne souhaitait pas, c’était frayer de nouveau avec des esprits maléfiques. Mais il en allait de l’issue de leur quête. L’équipage de l’Argo II avait une grande décision à prendre. S’ils se trompaient, ils échoueraient, et le monde entier serait livré à la destruction.

La lame du poignard de Piper, les pouvoirs magiques d’Hazel, l’intuition d’Annabeth, tous s’accordaient pour dire que la réponse se trouvait à Ithaque, dans l’ancien palais d’Ulysse où une horde d’esprits maléfiques s’étaient rassemblés pour attendre les ordres de Gaïa. Le plan, c’était de s’infiltrer parmi eux, d’apprendre ce qui se tramait et de décider de la stratégie à adopter. Ensuite de s’esquiver, vivants de préférence.

Annabeth rajusta sa ceinture dorée.

– J’espère que nos déguisements vont tenir la route, dit-elle. De leur vivant, les prétendants n’étaient pas des tendres. S’ils découvrent qu’on est des demi-dieux…

– La magie d’Hazel va fonctionner, affirma Annabeth.

Jason s’efforça d’y croire.

Les prétendants : une centaine d’assassins parmi les plus cupides, les plus sournois que la terre ait jamais portés. Lorsque Ulysse, le roi d’Ithaque, avait été déclaré disparu après la guerre de Troie, cette bande de princes de bas étage avait envahi son palais et refusé de partir, chacun espérant épouser la reine Pénélope et s’emparer du royaume. Ulysse était parvenu à rentrer en secret et il les avait massacrés jusqu’au dernier – ce qui s’appelle un retour paisible à la maison. Mais si les visions de Piper reflétaient bien la réalité, les prétendants étaient revenus hanter le lieu de leur mort.

Jason avait du mal à croire qu’il allait bel et bien visiter le palais d’Ulysse, un des héros grecs les plus célèbres de tous les temps. Mais il faut dire que depuis le début, cette quête n’était qu’une succession de coups de théâtre. Annabeth elle-même revenait tout juste de l’abîme éternel du Tartare. En pensant à cela, Jason estima qu’il ne devait peut-être pas se plaindre d’être changé en vieillard.

– Ben… (Il prit appui sur sa canne.) Si j’ai l’air aussi vieux que je me sens, mon déguisement doit être parfait. Allons-y.

Ils se remirent en chemin. Jason sentait la transpiration couler dans son cou ; ses mollets lui faisaient mal et, malgré la chaleur, il fut pris de tremblements. Pire, malgré tous ses efforts, il ne pouvait s’empêcher de penser à ses rêves les plus récents.

Depuis la Maison d’Hadès, ils étaient encore plus pénétrants.

Parfois Jason se voyait debout dans