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    2. Gens de Dublin
    3. Chapitre 6
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    huit heures passées et elle n’aimait pas être dehors trop tard, l’air du soir étant mauvais pour elle. Quand elle fut partie, je commençai à arpenter la pièce de long en large, en serrant les poings. Ma tante dit :

    – J’ai peur qu’il ne te faille renoncer à cette foire, en cette nuit de Notre-Seigneur.

    À neuf heures, je perçus le bruit de la clef de mon oncle dans la serrure à la porte d’entrée. Il parlait tout seul, et j’entendis le portemanteau basculer sous le poids de son pardessus. Je pouvais interpréter ces signes. Quand il fut au milieu de son repas, je lui demandai de me donner l’argent pour aller à l’Exposition. Il avait oublié.

    – Les gens sont au lit, et leur premier sommeil est passé, dit-il.

    Je ne souriais pas. Ma tante lui dit avec énergie :

    – Ne peux-tu pas lui donner l’argent et le laisser filer ? Voilà assez longtemps qu’il t’attend.

    Mon oncle répondit qu’il était très fâché d’avoir oublié. Il dit qu’il croyait au vieil adage : « Rien que du travail et point de plaisir fait de Jack un ennuyeux garçon. »

    Il me demanda où je comptais aller, et, quand je l’eus dit pour la seconde fois, il me demanda si je connaissais l’Adieu de l’Arabe à son coursier. Quand je quittai la cuisine, il commençait à en réciter les premières lignes à ma tante.

    Je tenais un florin serré dans ma main, comme je déambulais le long de la rue Buckingham vers la gare. La vue des rues remplies d’acheteurs et brillantes de lumières me rappela le but de mon voyage. Je pris une place de troisième dans un train vide. Après une intolérable attente, le train démarra lentement. Il grimpait le long de maisons en ruine et par-dessus la rivière scintillante. À la gare de Westland Row, une foule de gens se pressaient aux portes des compartiments ; mais les porteurs les refoulèrent, disant que ce train-là était un spécial pour la foire, et je restai seul dans mon wagon vide. Quelques minutes plus tard le train s’arrêta devant une plate-forme en bois improvisée pour la circonstance. En arrivant dans la rue, je vis au cadran lumineux d’une horloge qu’il était dix heures moins dix ; et devant moi il y avait un grand bâtiment sur lequel s’étalaient les lettres magiques.

    Je ne trouvai aucune entrée à six pence ; aussi de peur que la foire ne fermât, je passai rapidement par un tourniquet et tendis un shilling à un homme qui avait l’air fatigué. Je me trouvai dans un grand hall, ceinturé à la moitié de sa hauteur par une galerie. Presque toutes les boutiques étaient fermées et la plus grande partie du hall était dans l’obscurité. Le silence qui y régnait me paraissait semblable à celui d’une église après les offices. Je marchai timidement jusqu’au milieu du bâtiment. Quelques personnes étaient réunies autour des boutiques encore ouvertes. Devant un rideau, au-dessus duquel les mots CAFÉ CHANTANT étaient écrits en lampes de couleur, deux hommes comptaient de l’argent sur un plateau. J’écoutai le tintement de la monnaie qui tombait.

    Me rappelant avec difficulté pourquoi j’étais venu, je m’approchai d’une des boutiques, et j’examinai des vases en porcelaine et des services à thé à rieurs. À la porte de la boutique, une jeune fille causait et riait avec deux jeunes gens. Je remarquai leur accent anglais et j’écoutai vaguement leur conversation :

    – Oh ! je n’ai jamais dit chose pareille !

    – Oh ! mais vous l’avez dit !

    – Oh ! mais jamais de la vie !

    – N’a-t-elle pas dit cela ?

    – Oui. Je l’ai entendu.

    – Oh !… quel… blagueur !

    M’apercevant, la jeune fille vint vers moi et me demanda si je désirais acheter quelque chose. Le ton de sa voix n’était pas encourageant ; elle semblait ne m’avoir parlé que par acquit de conscience. Je regardai humblement les grandes jarres qui, comme des sentinelles orientales, s’élançaient de chaque côté de l’entrée sombre de la boutique et murmurai :

    – Non, merci.

    La jeune fille changea la position de l’un des vases et retourna vers les deux jeunes gens. Ils recommencèrent à parler du même sujet. Une ou deux fois, la jeune fille me regarda par-dessus son épaule.

    Je m’attardai devant sa boutique, tout en sachant combien c’était inutile, afin de faire croire que je prenais un intérêt réel aux objets.

    Puis, lentement, je m’en allai et marchai jusqu’au milieu du bâtiment. Je faisais sonner les deux pence avec les six pence dans ma poche. J’entendis une voix crier de l’autre côté de la galerie que la lumière était éteinte. La partie supérieure du hall était maintenant tout à fait noire.

    Levant la tête pour regarder dans cette obscurité, il me sembla me voir moi-même, petite épave que la vanité chassait et tournait en dérision ; et mes yeux brûlaient d’angoisse et de rage.

    ÉVELINE

    Elle était assise à la fenêtre et regardait le soir qui envahissait l’avenue. Sa tête s’appuyait contre les rideaux de la croisée, et dans ses narines montait l’odeur de la cretonne poussiéreuse. Elle était lasse.

    Peu de gens passaient. L’habitant de la dernière maison regagnait son logis ; elle entendit ses pas qui claquaient le long des lourds pavés, et, plus loin, écrasaient les cendres du sentier, devant les nouvelles maisons rouges. Autrefois il y avait là un champ, dans lequel, chaque soir, elle jouait avec d’autres enfants. Et puis un homme de Belfast avait acheté le champ ; il y avait bâti ces maisons, – non pas de petites maisons brunes comme les leurs, mais des maisons en briques, brillantes, avec des toits luisants. Les enfants de l’avenue avaient l’habitude de jouer ensemble dans ce champ. Les Devines, les Waters, les Dinns, le petit Keogh l’infirme, elle, et ses frères et sœurs. Ernest, pourtant, ne jouait jamais : il était trop grand. Souvent son père les poursuivait et les chassait du champ avec sa canne en épine noire ; mais d’habitude, le petit Keogh montait la garde et criait, quand il voyait le père approcher. Toutefois il lui semblait qu’ils étaient plutôt heureux alors. Son père n’était pas encore aussi méchant ; et de plus, sa mère vivait. Il y avait longtemps de cela. Elle, ses frères et ses sœurs, étaient tous de grandes personnes à présent, et sa mère était morte. Tizzie Dun était morte aussi, et les Waters étaient repartis pour l’Angleterre. Tout change, et maintenant, elle allait partir comme les autres, quitter sa maison.

    Sa maison ! Ses yeux firent le tour de la pièce, passant en revue les objets familiers qu’elle avait époussetés chaque semaine pendant tant d’années, se demandant toujours d’où pouvait bien venir toute cette poussière. Peut-être qu’elle ne reverrait plus ces objets familiers dont elle n’avait jamais rêvé qu’elle pût être séparée. Et cependant, tout au long de ces années, elle n’avait jamais appris le nom de ce prêtre, dont la photographie jaunie pendait au mur au-dessus de l’harmonium cassé, à côté de la gravure coloriée qui représentait les promesses faites à la bienheureuse Marguerite-Marie Alacoque. C’était un camarade d’école de son père. Chaque fois que son père montrait la photographie à un visiteur, il avait coutume d’ajouter négligemment :

    – Il est à Melbourne, à présent.

    Elle avait consenti à partir, à quitter son foyer. Était-ce sage ? Elle essaya de peser le pour et le contre. Ici, tout au moins, elle avait l’abri et le couvert ; et ceux qu’elle avait vus autour d’elle toute sa vie. Certes, à la maison, le travail était dur, – et non moins comme vendeuse. Que dirait-on, au magasin, quand on découvrirait qu’elle s’était sauvée avec un homme ? Qu’elle était une sotte, peut-être ; une annonce dans le journal suffirait pour qu’elle soit remplacée. Miss Gavan serait contente. Elle l’avait toujours surveillée de près, surtout lorsqu’il y avait des gens à portée pour entendre ses réprimandes.

    – Miss Hill, ne voyez-vous pas que ces dames attendent ?

    – L’air aimable, je vous prie, Miss Hill ?

    Elle ne verserait pas beaucoup de larmes en quittant le magasin.

    Mais dans sa nouvelle demeure, dans ce pays inconnu et lointain, ce ne serait pas la même chose. Alors, elle serait aimée, elle, Éveline, et les gens la traiteraient avec respect. Pas comme sa mère avait été traitée. Même maintenant qu’elle avait plus de dix-neuf ans, elle se sentait parfois en danger devant la violence de son père. Elle le savait, c’était ça qui lui avait donné ses palpitations. Durant leur enfance, il ne l’avait jamais malmenée comme il avait coutume de le faire avec Henri et Ernest, parce qu’elle était une fille ; mais, ces derniers temps, il s’était mis à la menacer, à lui dire que, n’était sa mère morte, il ne se gênerait pas pour lui faire son affaire. Et maintenant elle n’avait personne pour la protéger. Ernest était mort et Henri, qui travaillait à la décoration des églises, était presque toujours parti quelque part dans la campagne. De plus, les invariables disputes d’argent du samedi soir commençaient à la fatiguer d’une manière indicible. Elle donnait toujours ses gages en entier, sept shillings, et Henri envoyait toujours ce qu’il pouvait, mais la difficulté était d’obtenir quelque argent du père. Il prétendait qu’elle le gaspillait, qu’elle n’avait pas de tête, qu’il n’allait pas lui donner l’argent qu’il avait si péniblement gagné pour qu’elle le jetât à la rue, et bien d’autres choses encore, car d’habitude il était très mauvais le samedi soir. À la fin il lui donnait l’argent, et demandait si elle avait l’intention d’acheter le dîner du dimanche. Alors il lui fallait se précipiter dehors et faire son marché comme elle pouvait ; elle tenait serrée dans sa main la

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