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    2. Gens de Dublin
    3. Chapitre 40
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    grande bonté, est devenue proverbiale pour tous ceux qui la connaissent ; que ce soit sa sœur qui semble douée d’une jeunesse éternelle et dont la voix, certes, a été une surprise et une révélation pour nous tous ce soir, que ce soit encore la dernière, mais non la moindre, c’est-à-dire notre plus jeune hôtesse pleine de talent, d’entrain, dure au travail et par-dessus tout la meilleure des nièces ; j’avoue, mesdames et messieurs, que j’ignore à laquelle des trois je décernerai le prix. »

    Gabriel jeta un coup d’œil sur ses tantes et voyant un large sourire sur le visage de tante Julia et des larmes monter aux yeux de tante Kate, il se hâta de conclure. Il leva galamment son verre de porto et, tandis que chaque membre de la compagnie maniait le sien dans l’expectative, il dit à voix forte :

    « Portons un toast à leur santé à toutes trois, souhaitons-leur longue vie et prospérité et puissent-elles conserver longtemps la fière situation qu’elles ont acquises elles-mêmes dans leur profession, non moins que la place d’honneur et l’affection qu’elles détiennent dans nos cœurs. »

    Le verre à la main, tous les convives se levèrent et, se tournant vers les trois dames assises, chantèrent en chœur, M. Browne en tête :

    Car ce sont de gais et joyeux compagnons,

    Car ce sont de gais et joyeux compagnons,

    Car ce sont de gais et joyeux compagnons.

    Tante Kate se servait ouvertement de son mouchoir et même tante Julia paraissait émue. Freddy Malins battait la mesure avec la fourchette à pudding et les chanteurs se tournèrent l’un vers l’autre comme s’ils conversaient en musique, chantant avec force :

    Sans mentir,

    Sans mentir.

    Puis, se tournant vers leurs hôtesses, ils chantèrent :

    Car ce sont de gais et joyeux compagnons,

    Car ce sont de gais et joyeux compagnons,

    Car ce sont de gais et joyeux compagnons.

    Les acclamations qui s’ensuivirent furent reprises par-delà la porte de la salle du souper par beaucoup d’autres convives coup sur coup. Freddy Malins, figurant le chef d’orchestre, brandissait sa fourchette.

    ***********

    L’air pénétrant du matin s’engouffrait dans l’entrée où ils étaient réunis, ce qui fit dire à tante Kate :

    – Que l’un de vous ferme la porte, Mme Malins va prendre la mort.

    – M. Browne est dehors, tante Kate, dit Mary Jane.

    – Ce Browne est partout, dit tante Kate baissant la voix.

    Mary Jane rit de sa manière de dire.

    – Il faut avouer, dit tante Kate avec malice, qu’il est très attentionné.

    – On le trouve toujours sur son chemin, dit-elle sur le même ton, tant que durent les fêtes de la Noël.

    Cette fois elle rit elle-même avec bonhomie, puis se hâta d’ajouter :

    – Mais dites-lui de rentrer, Mary Jane, et fermez la porte. Plaise à Dieu qu’il ne m’ait pas entendue.

    À ce moment, la porte d’entrée s’ouvrit et M. Browne rentra, riant à se tordre les côtes. Il s’était revêtu d’un long pardessus vert, avec les parements en imitation d’astrakan et portait sur la tête une toque fourrée de forme ovale. Il désigna l’extrémité du quai couvert de neige d’où leur parvenait un sifflement prolongé et aigu.

    – Teddy va faire accourir tous les cabs de Dublin, dit-il.

    Gabriel, aux prises avec son pardessus, émergea d’un petit office derrière le bureau, il inspecta le hall du regard et dit :

    – Gretta n’est pas encore descendue ?

    – Elle se prépare, Gabriel, dit tante Kate.

    – Qui joue là-haut ? demanda Gabriel.

    – Personne. Tout le monde est parti.

    – Oh ! non, tante Kate, dit Mary Jane. M. Bartell d’Arcy et Miss O’Callaghan sont encore là.

    – En tout cas, quelqu’un pianote, dit Gabriel.

    Mary Jane jeta un coup d’œil sur Gabriel et sur M. Browne et dit en frissonnant :

    – Cela me fait froid de vous regarder, messieurs, emmitouflés de la sorte. Je ne voudrais pas avoir à faire ce voyage de retour à cette heure-ci.

    – Rien ne me plairait autant en cet instant, dit M. Browne avec bravoure, qu’une bonne marche dans la campagne ou qu’une promenade en voiture avec un vigoureux trotteur entre les brancards.

    – Nous avions autrefois chez nous un très bon petit cheval, dit tante Julia d’un ton attristé.

    – Le Johnny d’impérissable mémoire, dit Mary Jane en riant.

    Tante Kate et Gabriel rirent aussi.

    – Pourquoi, qu’avait-il d’étonnant ce Johnny ? demanda M. Browne.

    – Feu Patrick Morkan, à savoir notre grand-père tant pleuré, expliqua Gabriel, connu communément sur ses derniers jours comme le vieux monsieur, était un fabricant de colle.

    – Oh ! voyons Gabriel, dit tante Kate en riant, il possédait un moulin d’amidon.

    – Peu importe, colle ou amidon, dit Gabriel, le vieux monsieur possédait un cheval du nom de Johnny ; et Johnny travaillait dans le moulin du vieux monsieur et tournait éternellement en rond dans le but de faire marcher le moulin. Jusque-là, tout va bien, mais voici la partie tragique concernant Johnny. Un beau jour, le vieux monsieur pensa qu’il aimerait sortir en voiture avec les gens huppés voir la revue militaire dans le parc.

    – Que le Seigneur ait pitié de son âme, dit tante Kate avec compassion.

    – Amen, dit Gabriel. Donc, le vieux monsieur, je viens de le dire, attela Johnny et prit son chapeau haut-de-forme le plus neuf, son faux col le plus beau et sortit en grande pompe de sa demeure ancestrale aux alentours de Back Lane, je crois.

    Tout le monde se mit à rire des façons de Gabriel et tante Kate dit :

    – Oh ! voyons Gabriel. Ce n’était pas à Back Lane qu’il habitait. Il n’y avait là que son moulin.

    – Hors de sa demeure ancestrale, poursuivit Gabriel, il sortit avec Johnny. Et tout marcha à ravir jusqu’à ce que Johnny arrivât devant la statue du roi Billy ; là, soit qu’il fût tombé amoureux du cheval monté par le roi Billy, soit qu’il se crût encore au moulin, toujours est-il qu’il se mit à tourner en rond autour de la statue.

    Gabriel fit le tour du vestibule dans ses caoutchoucs au milieu du rire général.

    – Il tourna sans arrêt, dit Gabriel, et le vieux monsieur, qui était un monsieur fort solennel, fut grandement indigné : « Marchez, monsieur. Que signifie cette conduite, monsieur ? Johnny ! Johnny ! C’est inouï, je ne comprends rien à ce cheval. »

    Les éclats de rire qui suivirent la démonstration de Gabriel furent interrompus par un fort coup frappé à la porte. Mary Jane courut l’ouvrir et fit entrer Freddy Malins. Celui-ci, le chapeau repoussé en arrière et les épaules ramassées par le froid arrivait tout essoufflé, l’haleine fumante.

    – Je n’ai trouvé qu’une voiture, dit-il.

    – Oh ! nous en trouverons une autre sur le quai, dit Gabriel.

    – Oui, dit tante Kate, il vaut mieux ne pas laisser Mme Malins attendre au courant d’air.

    Mme Malins, aidée de son fils et de M. Browne, descendit les marches et après bien des manœuvres fut hissée dans la voiture. Freddy Malins y grimpa derrière elle et passa un long moment à l’installer sur la banquette, M. Browne l’assistant de ses conseils. Enfin, on l’avait confortablement assise et Freddy Malins invita M. Browne à entrer dans la voiture.

    Il y eut quelques propos échangés, puis M. Browne se décida. Le cocher s’enveloppa les genoux de sa couverture et se pencha pour connaître l’adresse. La confusion s’accrut encore et le cocher fut instruit différemment par Freddy Malins et M. Browne qui avaient passé chacun la tête hors d’une portière. Il s’agissait de savoir où déposer M. Browne en cours de route, et de la porte d’entrée tante Kate, tante Julia et Mary Jane prenaient part à la discussion avec des instructions contradictoires et force éclats de rire. Freddy Malins, lui, ne pouvait plus parler tant il riait. Il mettait la tête à la portière et la retirait à tout instant au risque de perdre son chapeau et tenait sa mère au courant des progrès de la discussion jusqu’à ce que finalement M. Browne, dominant l’hilarité générale, cria au cocher affolé :

    – Connaissez-vous Trinity Collège ?

    – Oui, monsieur, dit le cocher.

    – Eh bien ! filez droit sur le portail de Trinity Collège, dit M. Browne, puis je vous dirai où aller. Vous comprenez à présent.

    – Oui, monsieur, dit le cocher.

    – Partez comme une flèche vers Trinity Collège.

    – Bien, monsieur, dit le cocher.

    Il cingla son cheval et la voiture bringuebala le long des quais suivie d’un chœur d’éclats de rire et d’adieux.

    Gabriel n’avait pas suivi jusqu’à la porte les autres. Il se tenait dans une partie sombre de l’entrée regardant en haut de l’escalier. Une femme se tenait sur le premier palier, dans l’ombre aussi. Il n’apercevait pas son visage, mais il voyait les panneaux brique et saumon de sa jupe que l’ombre faisait paraître noirs et blancs. C’était sa femme. Elle s’appuyait à la rampe écoutant quelque chose. Gabriel, surpris de son immobilité, prêtait l’oreille également. Mais il n’entendait guère que le bruit des rires et des disputes sur les marches de la porte d’entrée, quelques accords frappés sur le piano et quelques notes émises par une voix d’homme.

    Il se tint coi dans l’obscurité du hall s’efforçant de reconnaître l’air que chantait la voix, levant les yeux sur sa femme. Il y avait de la grâce et du mystère dans son attitude, comme si elle symbolisait quelque chose. Il se demanda de quoi une femme qui se tient dans l’ombre de l’escalier, écoutant une musique lointaine, pouvait bien être le symbole. S’il était peintre, il la peindrait dans cette attitude. Son chapeau de feutre bleu mettrait en valeur le reflet bronzé de ses cheveux sur le fond noir, et les panneaux foncés de sa jupe feraient ressortir les panneaux clairs. « Musique lointaine » serait le nom qu’il donnerait au tableau, s’il était peintre.

    La porte cochère fut refermée et tante Kate, tante

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