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    2. Gens de Dublin
    3. Chapitre 35
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    Au bout d’un instant, elle demanda :

    – Et qu’est-ce que c’est que des caoutchoucs, Gabriel ?

    – Des caoutchoucs, Julia ! s’écria sa sœur, bonté divine, vous ne savez pas ce que c’est que des caoutchoucs ? Vous les portez par-dessus… par-dessus vos bottines, n’est-ce pas, Gretta ?

    – Oui, dit Mme Conroy, c’est une sorte de gutta-percha. Nous en possédons chacun une paire à présent. Gabriel dit que tout le monde en porte à l’étranger.

    – Oh ! à l’étranger, murmura, tante Julia, hochant la tête.

    Gabriel fronça les sourcils et dit avec une nuance de déplaisir :

    – Il n’y a là rien d’extraordinaire ; mais Gretta trouve cela drôle ; cela lui rappelle les pitres nègres.

    – Mais, dites-moi, Gabriel, dit tante Kate avec tact, bien entendu vous vous êtes occupés de votre chambre. Gretta disait…

    – Oh ! la chambre est très bien, répondit Gabriel, j’en ai retenu une au Gresham.

    – Certes, dit tante Kate, on ne saurait mieux faire. Et les enfants, Gretta, vous n’êtes pas inquiets pour eux ?

    – Oh ! pour une nuit, dit Mme Conroy ; d’ailleurs Bessie s’en chargera.

    – Certes, reprit tante Kate. Quel repos d’avoir une fille pareille, sur laquelle on puisse compter ! Cette Lily par exemple, je ne sais vraiment pas ce qu’elle a depuis quelque temps. Elle n’est plus la même.

    Gabriel allait interroger sa tante à ce sujet, mais elle s’interrompit brusquement pour suivre des yeux sa sœur qui s’égarait dans l’escalier et tendait le cou par-dessus la rampe.

    – Je vous demande un peu, dit-elle sur un ton presque bourru, où va cette Julia ! Julia, Julia, où allez-vous ?

    Julia qui n’avait descendu que quelques marches remonta et annonça avec calme :

    – Voilà Freddy.

    Au même instant des applaudissements, un accord final du pianiste annoncèrent la fin de la valse, la porte s’ouvrit sur le salon et quelques couples en sortirent. Tante Kate tira vivement Gabriel à l’écart et lui murmura à l’oreille :

    – Ayez donc l’obligeance de faire un saut jusqu’en bas, et voyez s’il est d’aplomb, et, s’il titube un peu, ne le laissez pas monter. Je suis sûre qu’il est gris, j’en suis sûre.

    Gabriel se dirigea vers la rampe de l’escalier pour écouter. Il entendit parler deux personnes dans l’office, puis il reconnut le rire de Freddy Malins. Il descendit l’escalier avec fracas.

    – C’est un tel soulagement, dit tante Kate à Mme Conroy, d’avoir Gabriel. Je me sens toujours l’esprit plus tranquille lorsqu’il est là… Julia, voici Miss Daly et Miss Power qui prendront quelques rafraîchissements. Merci pour cette belle valse, Miss Daly. Elle rythmait à merveille.

    Un homme de haute taille, le visage ratatiné et bistré, à la moustache raide et grisonnante, qui passait avec sa danseuse dit :

    – Pouvons-nous aussi nous rafraîchir, Miss Morkan ?

    – Julia, dit tante Kate sans autre commentaire, voici également M. Browne et Miss Furlong. Emmenez-les avec Miss Daly et Miss Power.

    – Je suis le chevalier servant de ces dames, dit M. Browne en pinçant les lèvres sous sa moustache hirsute et souriant de toutes ses rides ; vous savez, Miss Morkan, si je leurs plais tant, c’est parce que…

    Il n’acheva pas voyant que tante Kate ne pouvait plus l’entendre et escorta aussitôt les trois jeunes dames jusqu’à la chambre du fond.

    Le milieu de la pièce était occupé par deux tables carrées mises bout à bout et sur lesquelles tante Julia et le gardien étalaient et lissaient une grande nappe. Sur le buffet étaient dressés des plats, des assiettes, des verres, des paquets de couteaux, de fourchettes et de cuillères. Le haut carré du piano qu’on avait fermé tenait lieu de dressoir pour les viandes et les friandises. Devant un buffet de moindre dimension, dans un coin, deux jeunes gens debout buvaient des hop bitters{10}. M. Browne y conduisit sa suite et les convia tous par badinage à boire un punch pour dames, fort, bouillant et sucré. Comme celles-ci répondaient qu’elles ne prenaient jamais rien de fort, il leur déboucha trois bouteilles d’eau gazeuse, puis il pria un des jeunes gens de s’écarter et, saisissant un carafon, se versa une bonne mesure de whisky. Les jeunes gens le contemplaient avec respect pendant qu’il en lampait une gorgée.

    – Dieu m’assiste ! dit-il en souriant. J’obéis à la prescription du médecin.

    Sa figure ratatinée s’épanouit en un sourire, les trois jeunes filles répondirent à sa facétie par un rire musical qui imprimait à leur buste un balancement et secouait leurs épaules. La plus hardie déclara :

    – Allons, monsieur Browne, je suis sûre que le docteur ne vous a rien prescrit de semblable.

    M. Browne reprit une nouvelle gorgée de son whisky et dit avec une mimique empruntée :

    – Mon Dieu, vous comprenez, je suis comme l’illustre Mme Cassidy, connue pour avoir dit : « Allons Mary Grimes, si je ne le prends pas, faites-le-moi prendre, car je sens qu’il me le faut. » Sa figure échauffée s’était rapprochée d’une façon un peu trop intime et il parlait avec un fort accent de Dublin, en sorte que les jeunes filles, d’un commun accord, accueillirent son discours par un silence. Miss Furlong, une des élèves de Mary Jane, demanda à Miss Daly le nom de la jolie valse qu’elle venait de jouer, et M. Browne, voyant qu’elles ne s’occupaient pas de lui, eut vite fait de se retourner vers les deux jeunes gens qui savaient mieux l’apprécier.

    Une jeune femme au visage rubicond, vêtue de violet, entra dans la pièce, battant des mains avec frénésie et criant :

    – Aux quadrilles ! En place pour les quadrilles !

    Sur ses talons venait tante Kate qui criait :

    – Deux messieurs et trois dames, Mary Jane !

    – Oh ! voilà M. Bergin et M. Kerrigan, dit Mary Jane ; monsieur Kerrigan, voulez-vous prendre Miss Power ? Miss Furlong, puis-je vous trouver un cavalier ? Monsieur Bergin. Allons, nous y voilà enfin !

    – Trois dames, Mary Jane, dit tante Kate.

    Ces deux messieurs demandèrent à ces dames si elles voulaient leur accorder cette danse et Mary Jane se tourna vers Miss Daly :

    – Oh ! Miss Daly, vous êtes vraiment trop bonne ! Après avoir joué ces deux dernières danses. Mais vraiment nous sommes tellement à court de dames ce soir.

    – Cela ne me fait rien du tout, Miss Morkan.

    – Mais j’ai un charmant cavalier pour vous, M. Bartell d’Arcy, le ténor, je tâcherai de le faire chanter tout à l’heure. Tout Dublin en raffole.

    – Une voix superbe, superbe, dit tante Kate.

    Comme le piano avait repris deux fois le prélude pour la première figure, Mary Jane emmena rapidement sa recrue. Ceux-ci étaient à peine partis que tante Julia avançait à pas précipités dans la pièce en regardant derrière elle.

    – Qu’est-ce qu’il y a, Julia ? demanda tante Kate avec anxiété. Qui est-ce ?

    Julia qui portait un édifice de napperons se tourna vers sa sœur, surprise par la question, et se borna à dire :

    – Ce n’est que Freddy, Kate, et Gabriel est avec lui.

    En effet, juste derrière elle, on apercevait Gabriel conduisant Freddy Malins le long du palier. Ce dernier, un jeune homme d’une quarantaine d’années, de même taille et de même carrure que Gabriel, avait les épaules très voûtées. Sa figure était bien en chair et blafarde, la couleur n’y apparaissait qu’aux lobes épais des oreilles et sur ses larges narines. Les traits étaient vulgaires, le nez rond, le front convexe et fuyant, les lèvres boursouflées et saillantes ; ses paupières lourdes et le désordre de ses cheveux clairsemés lui donnaient un air endormi. Il riait aux éclats sur un ton aigu, d’une histoire qu’il venait de raconter à Gabriel dans l’escalier, et en même temps il se frottait l’œil de son poing gauche.

    – Bonsoir, Freddy, dit tante Julia.

    Freddy Malins dit bonsoir aux demoiselles Morkan d’une façon qui aurait pu sembler cavalière et ceci à cause d’un hoquet chronique, puis voyant que du buffet M. Browne lui grimaçait un sourire, il traversa la chambre à pas plutôt chancelants et se mit à lui répéter à voix basse l’histoire qu’il venait de raconter à Gabriel.

    – Il n’a pas l’air mal, n’est-ce pas ? dit tante Kate à Gabriel.

    Gabriel avait froncé les sourcils, mais il les détendit aussitôt et répondit :

    – Oh ! non, c’est à peine perceptible.

    – N’est-ce pas qu’il est terrible ? dit-elle. Et dire que sa pauvre mère lui avait fait jurer d’être tempérant la veille du jour de l’an ! Mais venez, Gabriel, allons au salon.

    Avant de quitter la pièce avec Gabriel, elle fit signe à M. Browne en fronçant les sourcils et en remuant son index de droite à gauche. M. Browne, en manière de réponse, hocha la tête et, quand elle fut partie, il dit à Freddy Malins :

    – À présent, Teddy, je vais vous verser un bon verre d’eau gazeuse, histoire de vous remonter.

    Freddy Malins, qui atteignait l’apogée de son récit, repoussa l’offre impatiemment ; mais M. Browne, après avoir détourné l’attention du jeune homme sur un léger désordre de sa toilette, lui remplit un verre d’eau gazeuse et le lui tendit. La main gauche de Freddy Malins reçut le verre machinalement, sa main droite étant occupée à rétablir le désordre de sa toilette. M. Browne, dont la figure une fois de plus se plissait en une gaieté contenue, se versa un verre de whisky, tandis que Freddy Malins, avant même d’avoir atteint le point culminant de son récit, s’esclaffait et, ayant déposé son verre débordant encore intact, se mit à frotter son œil gauche de son poing gauche, répétant sa dernière phrase autant que son accès d’hilarité le lui permettait.

    Gabriel n’arrivait pas à écouter Mary Jane tandis qu’elle jouait son morceau de concert rempli de traits et de passages difficiles, dans le salon

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