▶ Lire le livre gratuitement en ligne | Entièrement gratuit | Oui c'est vrai!
  • Home
  • Tous les livres
    • Livres populaires
    • Livres tendance
  • BLOG
Recherche avancée
Sign in Sign up
  • Home
  • Tous les livres
    • Livres populaires
    • Livres tendance
  • BLOG
    Sign in Sign up
    1. Home
    2. Gens de Dublin
    3. Chapitre 32
    Prev
    Next

    orthodoxe.

    – Ah !… C’était un homme extraordinaire, dit M. M’Coy.

    – Je l’ai entendu une fois, continua M. Kernan. J’oublie en ce moment le sujet de son discours. Crofton et moi étions dans le fond au parterre… tu sais, la…

    – La nef, dit M. Cunningham.

    – Oui, dans le fond près de la porte. J’oublie en ce moment sur quoi… Ah ! oui, ah ! oui, sur le pape. Le dernier pape. Je me souviens parfaitement. Ma parole, quelle belle éloquence ! Et sa voix. Nom de Dieu, quelle voix ! Le Prisonnier du Vatican, qu’il l’appelait. Je me souviens que Crofton disait en sortant…

    – Mais c’est un orangiste{8}, Crofton, pas vrai ? dit M. Power.

    – Pour sûr que c’en est un, dit M. Kernan, et de plus un sacré honnête homme. Nous sommes entrés ensemble chez Butler dans Moore Street. Ma foi, j’étais profondément remué à te dire vrai, et je me rappelle textuellement ses paroles : « Kernan, qu’il me dit, nous sacrifions à des autels différents, mais, notre croyance est la même. » Cela m’a paru bien dit.

    – Il y a pas mal de vrai là-dedans, dit M. Power. Les protestants venaient toujours en masse dans la chapelle lorsque le père Tom était en chaire.

    – Les différences ne sont pas grandes entre nous, dit M. M’Coy, nous croyons tous deux au…

    Il hésita un moment :

    – … au Rédempteur. Seulement eux ne croient ni au pape ni à la Mère de Dieu.

    – Notre religion, dit tranquillement M. Cunningham, est, cela va sans dire, la seule bonne et vraie croyance.

    – Il n’y a pas de doute, dit M. Kernan avec feu. Mme Kernan se montra à la porte et annonça :

    – Voici une visite pour vous.

    – Qui est-ce ?

    – M. Fogarty.

    – Oh ! Entrez, entrez donc.

    Un visage pâle, ovale, s’avança sous la lumière. La courbe de ses moustaches blondes se répétait sur ses sourcils blonds, arqués au-dessus d’une paire d’yeux agréablement étonnés. M. Fogarty était un modeste épicier. Il tenait dans la ville un commerce de spiritueux, mais ses affaires n’avaient pas prospéré, ses conditions financières l’ayant contraint à ne se lier qu’à des brasseurs et à des distillateurs de second rang.

    Il avait ouvert un petit magasin sur Glasnevin Road où il se flattait que ses manières le feraient entrer dans les bonnes grâces des ménagères du quartier. Il se comportait avec une certaine aisance, complimentait les petits enfants et s’exprimait avec une grande netteté. Il ne manquait pas d’instruction.

    M. Fogarty apportait un cadeau : un demi-litre d’un whisky spécial. Il s’enquit poliment de la santé de M. Kernan, posa son offrande sur la table et s’assit avec la compagnie sur un pied d’égalité. M. Kernan apprécia d’autant plus le cadeau qu’il réfléchissait à une petite facture en souffrance qu’il devait à M. Fogarty.

    – Ah ! ça, de vous, je ne pouvais que m’y attendre ! Ouvrez-nous ça, Jack, n’est-ce pas ?

    M. Power officia de nouveau. Les verres rincés, cinq petites mesures de whisky y furent versées. Cette nouvelle influence ranima la conversation.

    M. Fogarty, assis sur le bord de sa chaise, se montrait particulièrement intéressé.

    – Le pape Léon XIII, dit M. Cunningham, était une des lumières de son temps. Sa grande idée, vous savez, fut l’union de l’Église romaine et orthodoxe. Ce fut le but de sa vie.

    – J’ai souvent entendu dire qu’il était un des hommes les plus intellectuels de l’Europe, dit M. Power. Je veux dire sans tenir compte qu’il était pape.

    – En effet, dit M. Cunningham, sinon le plus intellectuel. Sa devise papale était : Lux sur lux, Lumière sur lumière.

    – Non, non, dit M. Fogarty vivement, je crois que vous faites erreur. C’était Lux in tenebris, je crois, Lumière dans les ténèbres.

    – Ah oui, dit M. M’Coy, tenebræ.

    – Permettez, affirma M. Cunningham, c’était Lux sur lux. Et la devise de son prédécesseur était Crux sur crux, c’est-à-dire Croix sur croix. Pour montrer la différence de leurs deux pontificats.

    L’affirmation fut admise. M. Cunningham continua :

    – Le pape Léon XIII, vous savez, fut grand clerc et poète.

    – Oui. Il avait un visage énergique.

    – Oui, dit M. Cunningham. Il écrivait en vers latins.

    – Vraiment ? dit M. Fogarty.

    M. M’Coy sirotait son whisky avec satisfaction et remua la tête à double fin, disant :

    – Ce n’est pas une plaisanterie, je puis vous l’affirmer.

    – On ne nous apprenait pas ça, hein, Tom ? dit M. Power, suivant l’exemple de M. M’Coy, quand nous suivions l’école primaire.

    – Il y a eu plus d’un honnête homme qui allait à l’école avec un carré de tourbe{9} sous le bras, dit M. Kernan d’un ton sentencieux. Le vieux système était le meilleur ; une éducation simple et honnête. Ne me parlez pas de la pacotille moderne.

    – C’est juste, dit M. Power.

    – Rien de superflu, dit M. Fogarty.

    Il articula nettement le mot, puis gravement se mit à boire.

    – Je me souviens d’avoir lu, dit M. Cunningham, qu’un des poèmes du pape Léon XIII traitait de l’invention de la photographie. En latin, naturellement.

    – De la photographie ! s’exclama M. Kernan.

    – Oui, dit M. Cunningham.

    Lui aussi se mit à boire.

    – Ne trouvez-vous pas que la photographie est une chose inouïe quand on y pense ? dit M. M’Coy.

    – Oh ! oui, dit M. Power, les grands esprits savent regarder.

    – Comme dit le poète, les grands esprits sont proches de la folie, dit M. Fogarty.

    M. Kernan paraissait préoccupé. Il faisait effort pour se remettre en mémoire la doctrine de la théologie protestante sur quelques points épineux, et finit par s’adresser à M. Cunningham :

    – Dis-moi, Martin, fit-il, certains papes, pas l’actuel bien entendu, ni son prédécesseur, mais certains de ceux de jadis n’étaient pas… tout à fait… à la hauteur ?

    Il y eut un silence.

    – Oh ! ça va sans dire, il y en avait qui ne valaient pas grand-chose ; mais l’étonnant, c’est que pas un d’entre eux, même l’ivrogne le plus invétéré, même la plus grande des brutes, ne professa jamais la moindre fausse doctrine ex cathedra. Renversant, n’est-ce pas ?

    – En effet, dit M. Kernan.

    – Oui, parce que lorsque le pape parle ex cathedra, il est infaillible.

    – Oui, dit M. Cunningham.

    – Oh ! je sais ce qui en est de l’infaillibilité du pape. Je me souviens, j’étais plus jeune alors… ou était-ce que… ?

    M. Fogarty intervint. Il prit la bouteille et versa encore un peu de whisky à la compagnie. M. M’Coy, voyant qu’il n’en restait pas pour faire le tour, prétexta qu’il n’avait pas encore fini son premier verre.

    Les autres acceptèrent en protestant. La musique légère du whisky qui coulait dans les verres créait une agréable diversion.

    – Que disiez-vous, Tom ? demanda M. M’Coy.

    – L’infaillibilité papale, dit M. Cunningham, ce fut certes la plus grande scène qui se vit dans toute l’histoire de l’Église.

    – Comment cela ? demanda M. Power.

    M. Cunningham leva deux doigts épais :

    – Dans le Sacré Collège de cardinaux, archevêques et évêques, il y eut deux hommes qui prirent position contre l’infaillibilité, que soutenaient tous les autres. Le conclave, sauf ces deux, était unanime. Non ! eux ne voulaient pas en entendre parler !

    – Ha ! dit M. M’Coy.

    – Et il y avait un cardinal allemand du nom de Dolling… ou Dowling…

    – Dowling n’était pas allemand.

    – Eh bien ! ce grand cardinal allemand, quel que ce soit son nom, en était un… et John MacHale l’autre.

    – Quoi ! s’écria M. Kernan, c’était Jean de Tuam ?

    – Vous êtes certain de ce que vous avancez ? demanda M. Fogarty, je croyais que c’était quelque Italien ou Américain.

    – Jean de Tuam, répéta M. Cunningham, c’était lui en personne.

    Il but et les autres suivirent son exemple.

    – Les voilà, tous se chicanant, cardinaux, archevêques, évêques venus des quatre coins du globe et ces deux chiens du diable jusqu’à ce que le pape lui-même se levât et déclarât que l’infaillibilité constituait dorénavant un dogme de l’Église ex cathedra. À ce moment précis, Jean MacHale, qui avait été en train de discuter, se leva et cria d’une voix de stentor :

    – Credo !

    – Je crois ! dit M. Fogarty.

    – Credo ! dit M. Cunningham, et, montrant ainsi sa foi, il se soumettait dès que le pape parlait.

    – Et Dowling ? demanda M. M’Coy.

    – Le cardinal allemand refusa de se soumettre. Il quitta l’Église.

    Les paroles de M. Cunningham avaient édifié la vaste image de l’Église dans l’esprit de ses auditeurs. Sa voix rauque, profonde, les avait fait frissonner comme elle émettait les mots de croyance et de soumission. Aussi lorsque Mme Kernan entra dans la salle en s’essuyant les mains, elle se trouva en compagnie solennelle. Sans troubler le silence, elle alla s’appuyer contre les barreaux au pied du lit.

    – Jean MacHale, je l’ai vu une fois, dit M. Kernan, et je ne l’oublierai de ma vie.

    Il se tourna vers sa femme pour chercher auprès d’elle une confirmation :

    – Je vous en ai parlé souvent, n’est-ce pas ?

    Mme Kernan acquiesça de la tête.

    – C’était à l’inauguration de Sir John Grey. Edmund Dwyer Grey discourait, palabrait, et voilà ce vieux bonhomme qui me regardait de dessous ses sourcils touffus.

    M. Kernan fronça les siens, baissa la tête comme un taureau furieux et dévisagea sa femme, le regard enflammé.

    – Dieu ! s’écria-t-il, reprenant sa physionomie normale, je n’ai jamais vu un œil semblable dans une tête d’homme. Autant dire : « Moi, je vous tiens, mon vieux ! » Il avait un œil de faucon.

    – Tous les Grey ont été des bons à rien, dit M. Power.

    Il se fit un nouveau silence. M. Power se tourna vers M. Kernan et dit avec une jovialité bourrue :

    – Eh bien, madame Kernan, nous allons faire de votre époux ici présent un honnête, pieux, saint et

    Prev
    Next

    YOU MAY ALSO LIKE

    Brouillons d’un baiser – James Joyce
    Brouillons d’un baiser
    August 17, 2020
    Molly Bloom – James Joyce
    Molly Bloom
    August 17, 2020
    Portrait de l’artiste en jeune homme – James Joyce
    Portrait de l’artiste en jeune homme
    August 17, 2020
    Ulysses – James Joyce
    Ulysses
    August 17, 2020
    Tags:
    Classique, Fiction, Historique, Littérature
    • Privacy Policy
    • ABOUT US
    • Contact Us
    • Copyright
    • DMCA Notice

    © 2020 Copyright par l'auteur des livres. Tous les droits sont réservés.

    Sign in

    Lost your password?

    ← Back to ▶ Lire le livre gratuitement en ligne | Entièrement gratuit | Oui c'est vrai!

    Sign Up

    Register For This Site.

    Log in | Lost your password?

    ← Back to ▶ Lire le livre gratuitement en ligne | Entièrement gratuit | Oui c'est vrai!

    Lost your password?

    Please enter your username or email address. You will receive a link to create a new password via email.

    ← Back to ▶ Lire le livre gratuitement en ligne | Entièrement gratuit | Oui c'est vrai!