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    2. Gens de Dublin
    3. Chapitre 23
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    autre en mâchonnant de façon mécanique lorsqu’elle se refermait. Après que le feu eut pris, il replaça le morceau de carton contre le mur, soupira et dit :

    – Voilà qui est mieux, monsieur O’Connor.

    M. O’Connor, un jeune homme à cheveux gris, défiguré par des verrues et des boutons, venait justement de rouler une cigarette ; mais lorsqu’il s’entendit interpeller, il défit son œuvre pensivement, puis toujours pensivement se remit à rouler son tabac et, après un moment de réflexion, se décida à humecter le papier.

    – M. Tierney a-t-il dit quand il allait revenir ? fit-il d’une voix de fausset enroué.

    – Il ne l’a pas dit.

    M. O’Connor mit sa cigarette à la bouche et commença à fouiller ses poches. Il en sortit un paquet de minces cartons.

    – Je vais vous chercher une allumette, dit le vieil homme.

    – Pas la peine, ceci fera l’affaire, dit M. O’Connor.

    Il choisit une des cartes et lut ce qui y était imprimé.

    ÉLECTIONS MUNICIPALES

    ARRONDISSEMENT DE LA BOURSE

    M. Richard Tierney P.L.G. vous prie respectueusement de favoriser de votre vote et de votre influence les prochaines élections de la Bourse.

    M. O’Connor avait été engagé par un agent de Tierney pour solliciter les votes dans une partie de l’arrondissement ; mais le temps étant peu clément et ses souliers faisant eau, il passa une grande partie de la journée assis au coin du feu dans la salle du comité de Wicklow Street, avec le vieux concierge. Ils étaient demeurés ainsi depuis le crépuscule de cette journée si brève. On était au 6 octobre ; dehors, il faisait un temps froid, morne. M. O’Connor déchira une des cartes et après en avoir enflammé un morceau y alluma sa cigarette. Au geste qu’il fit, la flamme éclaira une feuille de lierre sombre et luisante au revers de son costume. Le vieux observa M. O’Connor avec attention, puis, se saisissant de nouveau du carton, commença d’éventer doucement le feu tandis que son compagnon fumait.

    – Ah ! oui, dit-il continuant, ce n’est pas une petite affaire que d’élever les enfants. Qui aurait cru qu’il tournerait comme cela ? Je l’avais envoyé aux frères de l’école chrétienne et j’ai fait ce que j’ai pu pour lui et le voilà qui se vadrouille dans les bistrots. J’avais pourtant essayé d’en faire quelque chose de propre.

    Il replaça le carton d’un geste las.

    – Je suis un vieux maintenant, autrement je le ferais danser sur une autre musique, je lui administrerais une de ces raclées que j’en aurais le bras raide, comme je l’ai fait bien souvent. C’est la bourgeoise, vous savez, qui le pourrit joliment…

    – C’est ce qui perd les enfants, dit M. O’Connor.

    – Certainement, c’est ça, dit le vieux, et pour tout remerciement on n’a que de l’impertinence. Il a le dessus sur moi sitôt qu’il voit que j’ai bu un coup. Où allons-nous si les fils se mettent à parler comme ça à leur père ?

    – Quel âge a-t-il ?

    – Dix-neuf ans.

    – Pourquoi ne lui faites-vous pas prendre un métier ?

    – Est-ce que je n’ai rien fait pour ce soûlot depuis qu’il a quitté l’école ? « Je ne veux pas t’entretenir, que je lui dis, trouve-toi un métier toi-même » ; mais c’est pire lorsqu’il trouve à gagner quelque chose. Il le boit tout.

    M. O’Connor hocha la tête en manière de commisération et le vieillard se tut, regardant distraitement le feu. Quelqu’un ouvrit la porte de la pièce et cria :

    – Eh bien ! C’est donc une réunion de francs-maçons ici ?

    – Qui est-ce ? dit le vieux.

    – Qu’est-ce que vous fichez dans le noir ? demanda une voix.

    – Est-ce vous, Hynes ? demanda M. O’Connor.

    – Qu’est-ce que vous fichez dans le noir, dit M. Hynes, avançant dans la lumière du feu.

    C’était un grand jeune homme svelte, à la moustache châtain clair. De minces gouttelettes de pluie perlaient au bord de son chapeau et le col de son veston était relevé.

    – Eh bien, Mat, dit-il à M. O’Connor, comment ça va ?

    M. O’Connor hocha la tête. Le vieux s’éloigna du foyer et après avoir tâtonné par la chambre revint avec deux chandeliers qu’il approcha l’un après l’autre du feu et posa sur la table. À la lumière apparut une chambre dénudée et le feu perdit tout son éclat joyeux. Les murs étaient nus, à l’exception de la copie d’un discours électoral. Au milieu de la pièce, sur une petite table, étaient empilés des papiers. M. Hynes s’appuya contre la cheminée et demanda :

    – Est-ce qu’il vous a déjà payé ?

    – Pas encore, dit M. O’Connor. Plaise à Dieu qu’il ne nous plante pas aujourd’hui.

    M. Hynes se mit à rire.

    – Oh ! il vous paiera, n’ayez crainte, dit-il.

    – J’espère qu’il s’exécutera vite s’il est sérieux.

    – Qu’en pensez-vous ? dit avec ironie M. Hynes, s’adressant au vieillard.

    Le vieux reprit sa place au coin du feu et dit :

    – Ce n’est pas la galette qui lui manque. Pas comme l’autre artiste.

    – Quel autre artiste ? dit M. Hynes.

    – Colgan ! dit le vieux sur un ton méprisant.

    – C’est parce que Colgan est un ouvrier que vous dites ça ? Quelle est la différence entre un brave et honnête maçon et un marchand de vin, eh ? Est-ce qu’un ouvrier n’a pas autant de droit qu’un autre à faire partie du conseil municipal et même plus de droit qu’un de ces pique-assiettes qui sont toujours chapeau bas devant quelque gros monsieur avec un nom qui se dévisse ? N’est-ce pas vrai, Mat ? dit M. Hynes, s’adressant à M. O’Connor.

    – Je crois que vous avez raison, dit M. O’Connor.

    – L’un est un brave et honnête gaillard sans rien de louche. Il va représenter la classe ouvrière. Ce garçon pour lequel vous travaillez, vous autres, ne cherche qu’à dénicher un emploi quelconque.

    – La classe ouvrière devrait être représentée, cela va sans dire, dit le vieux.

    – L’ouvrier, dit M. Hynes, ne reçoit que des coups et pas un liard. Mais c’est le travail qui produit tout. L’ouvrier ne cherche pas de belles combines pour ses fils et toute sa smalah. L’ouvrier n’est pas prêt à traîner dans la boue l’honneur de Dublin, ni à faire plaisir à un monarque allemand.

    – Comment cela ? dit le vieux.

    – Savez-vous qu’ils veulent présenter un discours de bienvenue à Édouard roi s’il s’amène ici l’année prochaine ? Qu’avons-nous besoin de faire des salamalecs à un roi étranger.

    – Notre homme ne votera pas pour le discours, dit M. O’Connor ; lui, marche avec le parti nationaliste.

    – Vous en êtes sûr ? dit M. Hynes. Attendez-le à l’œuvre. Je le connais. Allez ! Il est bien Richard le Trichard.

    – Bon Dieu ! Peut-être avez-vous raison, dit M. O’Connor ; enfin, pourvu qu’il nous apporte la galette !

    Les trois hommes se turent. Le vieux recommença à racler les cendres. M. Hynes ôta son chapeau, le secoua, abaissa le col de son manteau, découvrant à ce geste une feuille de lierre sur le revers.

    – Si celui-ci vivait, dit-il en montrant la feuille, il ne serait pas question de discours de bienvenue.

    – C’est vrai, dit M. O’Connor.

    – Ah ! ma mère ! Dieu était avec nous en ces temps-là, dit le vieux ; on vivait alors.

    De nouveau le silence régna dans la pièce. Puis un petit homme remuant, reniflant, aux oreilles gelées, poussa la porte. Il se dirigea vivement vers le feu, se frottant les mains comme s’il pensait en faire jaillir une étincelle.

    – Pas d’argent, mes enfants, dit-il.

    – Asseyez-vous ici, monsieur Henchy, dit le vieux, lui offrant sa chaise.

    – Ne bougez pas, Jack, ne bougez pas, dit M. Henchy.

    Il salua sèchement M. Hynes d’un signe de tête et s’assit sur la chaise que le vieux venait de quitter.

    – Vous avez distribué dans Augier Street ? demanda-t-il à M. O’Connor.

    – Oui, dit M. O’Connor qui se mit à fouiller ses poches à la recherche de son carnet de notes.

    – Avez-vous passé chez Grimes ?

    – J’y suis passé.

    – Bon. L’avez-vous tâté ?

    – Il n’a rien promis. Il a répondu : « Je ne dirai à personne pour qui je vais voter. » Mais je crois que nous le tenons.

    – Pourquoi ça ?

    – Il m’a demandé les noms de la liste et je les lui ai donnés. Je lui ai mentionné le père Burke. Vous verrez que ça marchera.

    M. Henchy se mit à renifler et à se frotter les mains au-dessus du feu à une vitesse vertigineuse, puis il dit :

    – Pour l’amour du Ciel, Jack, apporte-nous un peu de charbon. Il doit en rester.

    Le vieux sortit de la chambre.

    – Rien à faire, dit M. Henchy, secouant la tête, j’ai interrogé le salaud, mais il m’a dit : « Pour sûr, monsieur Henchy, quand je verrai que l’ouvrage marche bien, je ne vous oublierai pas, je vous le promets. » Petit misérable ! Pardieu, comment pourrait-il être autre chose ?

    – Qu’est-ce que je vous disais, Mat ? dit M. Hynes. Richard dit le Trichard.

    – Oh ! tricheur comme personne ! dit M. Henchy. Ce n’est pas pour rire qu’il a ces petits yeux de cochon. Le diable l’emporte. Ne ferait-il pas mieux de payer comme un homme que de vous dire : « Oh ! voyons, monsieur Henchy, il faut que je parle à M. Fanning, j’ai dépensé des tas d’argent » ?

    – Ah ! le rapiat, la graine de diable ! Il a oublié le temps où son brave homme de père tenait un décrochez-moi-ça à Mary’s Lane.

    – Mais, est-ce bien vrai ce qu’on dit là ? demanda M. O’Connor.

    – Fichtre oui, dit M. Henchy. Vous ne l’avez jamais entendu dire ? Même que les gens y allaient le dimanche matin avant l’ouverture des bistrots, pour acheter un gilet ou un

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