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    2. Gens de Dublin
    3. Chapitre 22
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    par la locomotive du train omnibus de dix heures venant de Kingstown, et que des lésions à la tête et au côté droit entraînèrent sa mort.

    James Lennon, le mécanicien, déclara qu’il était employé de la compagnie depuis quinze ans. Sur le coup de sifflet du chef de train, il mit la machine en marche, mais stoppa quelques secondes plus tard en entendant des cris. Le train marchait à allure modérée.

    Le porteur P. Dunne déclara qu’au moment où le train s’ébranlait il remarqua une femme qui essayait de traverser la voie. Il courut au-devant d’elle en criant, mais avant d’avoir pu l’atteindre, elle fut happée par le heurtoir de la locomotive et jetée à terre.

    UN JURÉ. – Vous l’avez vue tomber ?

    TÉMOIN. – Oui.

    Le brigadier Croly déposa qu’en arrivant sur les lieux il trouva la victime sur le quai, morte selon toute apparence. Il fit transporter le corps à la salle d’attente en attendant l’arrivée de l’ambulance. L’agent de police 57 E confirma la déposition.

    Le docteur Halpin, aide-chirurgien à l’hôpital de la ville de Dublin, déclara que la victime avait eu les deux côtes inférieures fracturées et des contusions sérieuses à l’épaule droite. Le côté droit de la tête avait été atteint dans la chute. Les lésions ne suffisaient pas à expliquer la mort d’une personne normale. La mort à son avis provenait probablement du choc et d’un arrêt subit du cœur.

    M. H. B. Patterson Finlay, au nom de la compagnie de chemin de fer, exprime ses profonds regrets au sujet de l’accident. La compagnie avait toujours pris les précautions nécessaires pour empêcher les gens de traverser la voie autrement que par les passerelles, d’une part en apposant à cet effet des avis dans toutes les gares, d’autre part en utilisant des barrières automatiques d’un modèle breveté aux passages à niveau. La défunte avait l’habitude de traverser les voies tard dans la nuit. Eu égard à d’autres particularités de l’affaire, il ne jugeait pas que les employés de chemin de fer eussent à encourir un blâme.

    Le capitaine Sinico habitant à Léoville, Sydney Parade, mari de la défunte, déposa également. Il confirma que la victime était bien sa femme. Il ne se trouvait pas à Dublin au moment de l’accident, n’étant arrivé que le matin même de Rotterdam. Ils étaient mariés depuis vingt-deux ans et avaient vécu fort heureux jusqu’à il y avait environ deux ans, époque à laquelle sa femme avait commencé à prendre quelques habitudes d’intempérance.

    Mlle Mary Sinico dit que sa mère, les derniers temps, avait l’habitude de sortir la nuit pour acheter de l’alcool. Elle avait souvent tenté de la raisonner et l’avait engagée à se faire membre d’une ligue antialcoolique. Elle n’était rentrée à la maison qu’une heure après l’incident.

    Le jury rendit un verdict conforme à la déposition du médecin et déchargea Lennon de toute responsabilité.

    Le coroner adjoint dit que c’était un pénible accident et exprima toute sa sympathie au capitaine Sinico et à sa fille. Il exhorta la compagnie à prendre des mesures énergiques pour empêcher que des accidents de ce genre puissent se reproduire. Personne n’était responsable.

    M. Duffy quitta des yeux son journal et à travers la fenêtre laissa errer son regard sur le paysage morne du soir.

    La rivière coulait calme le long de la distillerie déserte et de temps à autre une lumière apparaissait dans quelque maison sur la route de Lucan. Quelle fin !

    Tout le récit de sa mort le révoltait et il se révoltait à la pensée de lui avoir jamais parlé de ce qu’il tenait pour sacré. Les phrases rebattues, les vains témoignages de sympathie, les paroles circonspectes du reporter soudoyé pour taire les détails d’une mort terre à terre et vulgaire, lui portaient sur l’estomac. Elle n’était pas seulement avilie elle-même, elle l’avait avili lui aussi, il vit le cortège des détails mesquins de l’ivrognerie de Mme Sinico, ce vice misérable et nauséabond. La compagne de son âme ! Il évoqua les malheureuses qu’il avait vues titubant, porter bidons et bouteilles pour les faire remplir par le barman. Juste Dieu ! Quelle fin ! Elle avait été évidemment une femme mal adaptée à la vie, sans volonté ni décision, toute prête à devenir la proie des habitudes, une de ces épaves sur laquelle la civilisation s’est édifiée. Mais qu’elle ait pu sombrer si bas ! Était-il possible qu’il se fût illusionné à ce point sur son compte ? Il se remémora son élan dans cette fameuse nuit et l’interpréta plus durement encore qu’il ne l’avait jamais fait. Il se félicitait à présent, sans ressentir la moindre gêne, du parti qu’il avait pris.

    Comme le jour tombait et que sa mémoire commençait à s’égarer, il crut sentir la main de la morte frôler la sienne. Le choc, qui tout d’abord lui avait porté sur l’estomac, lui portait maintenant sur les nerfs. Il mit vivement son chapeau et son pardessus et sortit. L’air froid le saisit sur le seuil de la porte et se coula dans ses manches. Quand il eut atteint le débit du pont de Chapelizod, il entra et se commanda un grog fumant.

    Le patron le servit avec obséquiosité, mais ne s’avisa pas de lui parler. Il y avait dans la boutique cinq ou six ouvriers qui discutaient la valeur des terres d’un propriétaire du comté de Kildare. Ils buvaient par intervalles dans leurs immenses chopes et fumaient, crachant souvent par terre, ramenant parfois avec leurs lourdes chaussures la sciure du plancher pour recouvrir leurs crachats. Duffy était assis sur son tabouret et les fixait sans les voir ni les entendre. Ils sortirent au bout d’un moment et M. Duffy réclama son second grog. Cela le retint longtemps attablé. La salle était très tranquille. Le patron s’étalait sur le comptoir lisant son journal et bâillant. De temps à autre, on entendait au-dehors le tramway sur la route solitaire.

    Comme il était assis là, revivant leur vie commune et évoquant alternativement les deux images qu’il se faisait d’elle à présent, il se rendit compte qu’elle était vraiment morte, qu’elle avait cessé d’exister, qu’elle était devenue un souvenir. Il commença à se sentir mal à l’aise. Il se demanda s’il aurait pu agir différemment. Il n’aurait pas pu soutenir avec elle cette comédie de la dissimulation ; il n’aurait pas pu non plus vivre ouvertement avec elle. Ce qu’il avait fait, c’était ce qui lui paraissait le mieux. En quoi était-il à blâmer ? Mais maintenant qu’elle était partie, il comprit à quel point sa vie avait dû être solitaire, assise nuit après nuit toute seule dans cette chambre. Sa vie à lui aussi serait solitaire jusqu’au jour où lui aussi mourrait, cesserait d’exister, deviendrait un souvenir – si quelqu’un se souvenait de lui.

    Il était neuf heures passées quand il quitta la boutique. La nuit était froide et sombre. Il pénétra dans le parc par la première grille venue et déambula sous les arbres décharnés. Il parcourut les allées glacées où ils s’étaient promenés tous deux quatre ans plus tôt. Il lui semblait qu’elle marchait à côté de lui dans les ténèbres. Par moments il croyait sentir sa voix lui frôler l’oreille, sa main lui toucher la main. Il s’arrêta pour écouter. Pourquoi lui avait-il refusé la vie ? Pourquoi l’avait-il condamnée à mort ? Il sentait que toute sa nature morale s’en allait en morceaux.

    Quand il fut arrivé au sommet du Magazine Hill, il fit une halte et du regard suivit la rivière jusqu’à Dublin dont les lumières brillaient rouges et hospitalières dans la nuit froide. Son regard descendit la pente et, tout en bas, dans l’ombre du mur du parc, il vit des formes humaines étendues. Ces amours furtives et vénales le remplirent de désespoir. Il était exaspéré par la droiture même de son existence. Il sentit qu’il avait été proscrit du festin de la vie. Un être humain avait paru l’aimer et il lui avait refusé la vie et le bonheur : il l’avait vouée à l’ignominie, à une mort honteuse. Il savait que les créatures vautrées au bas du mur l’observaient et désiraient qu’il s’en allât. Personne ne voulait de lui ; il était proscrit du festin de la vie. Il tourna les yeux vers la rivière grise et miroitante qui serpentait dans la direction de Dublin. Par-delà la rivière, il vit un train de marchandise onduler hors de la gare de Kingsbridge comme un ver à la tête de feu ondule à travers les ténèbres, tenace et laborieux. Le train lentement disparut ; mais le halètement poussif de la locomotive continuait à lui bourdonner aux oreilles répétant les syllabes du nom de Mme Sinico. Il reprit pour s’en aller le chemin par lequel il était venu, le rythme de la locomotive lui martelant toujours les oreilles. Il commença à douter de la réalité de ce que lui rappelait sa mémoire. Il s’arrêta sous un arbre et attendit que le rythme expirât. Il ne la sentait plus près de lui dans l’obscurité, sa voix ne résonnait plus à son oreille. Il attendit quelques minutes aux écoutes. Il n’entendit rien : la nuit était silencieuse. Il écouta encore : tout à fait silencieuse. Il sentit qu’il était seul.

    ON SE RÉUNIRA LE 6 OCTOBRE{5}

    Le vieux Jack racla les cendres avec un morceau de carton et les répandit judicieusement sur la coupole blanchissante du charbon. Une fois la coupole légèrement recouverte, sa figure s’évanouit dans l’obscurité, mais lorsqu’il se remit à attiser le feu, son ombre accroupie escalada le mur opposé et sa figure réémergea doucement à la lumière. C’était une face de vieillard osseuse et poilue. Ses yeux bleus, humides, clignotaient devant le feu et sa bouche humide aussi retombait de temps à

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