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    2. Gens de Dublin
    3. Chapitre 2
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    du rêve.

    Dans l’après-midi ma tante m’emmena à la maison mortuaire ; le soleil était couché. Mais les vitres des maisons qui regardaient le couchant reflétaient l’or fauve d’une longue bande de nuages. Nannie nous reçut dans le hall et, comme si c’eût été incorrect de lui parler fort, ma tante n’échangea avec elle qu’une poigne de main. La vieille femme désigna le haut d’un air interrogateur et, sur l’acquiescement de ma tante, nous précéda pour gravir l’étroit escalier, sa tête ployée atteignant à peine la hauteur de la rampe. Au premier palier elle s’arrêta et, d’un geste d’encouragement, nous poussa vers la porte ouverte de la chambre mortuaire. Ma tante entra et la vieille femme, me voyant hésiter, me fit, à plusieurs reprises, signe de la main. Je pénétrai sur la pointe des pieds. La lumière, à travers la dentelle du store, envahissait la pièce d’un or sombre qui pâlissait et amenuisait la flamme des cierges. Il avait été mis en bière. Nannie donna le signal et nous nous agenouillâmes tous trois au pied du lit. J’affectai de prier, mais ne pouvais rassembler mes pensées, distrait que j’étais par les murmures de la vieille femme. Je remarquai la piteuse façon dont sa jupe était retenue dans le dos, l’usure de côté aux talons de ses chaussons de drap. Il me vint à l’idée que le vieux prêtre devait sourire dans la bière où il reposait. Mais non ! Quand nous nous levâmes et vînmes à la tête du lit, je ne le vis point sourire. Couché là, solennel et corpulent, il avait les habits du sacrifice et ses larges mains retenaient avec mollesse un calice. Sa figure était en vérité truculente, grise et massive, garnie de narines profondes, obscures comme des cavernes, et encerclée d’une maigre fourrure blanche. Une odeur pesait dans la pièce, – les fleurs.

    Nous nous signâmes et partîmes. Dans la petite pièce, en bas de l’escalier, nous trouvâmes Eliza dignement assise dans son fauteuil. Je traçai mon chemin vers ma chaise accoutumée, dans le coin, tandis que Nannie sortait du buffet une carafe de sherry et des verres. Elle les posa sur la table et nous invita à nous rafraîchir. Sur l’ordre de sa sœur, elle versa le sherry et nous le passa. Elle me pressa aussi de prendre quelques biscuits secs, mais je refusai, pensant que je ferais trop de bruit en les mangeant. Mon refus parut la désappointer un peu ; elle gagna le sofa derrière sa sœur. Chacun se taisait : nous regardions tous le foyer sans feu.

    Ma tante laissa passer un soupir d’Eliza, puis elle dit alors :

    – Eh bien, il est parti pour un monde meilleur.

    Eliza poussa un nouveau soupir et pencha la tête en signe d’assentiment. Ma tante tapota le pied de son verre avant d’y tremper les lèvres :

    – Est-il… sans souffrance ?

    – Oh ! tout à fait sans souffrance, madame, répondit Eliza. Vous n’auriez pas su dire à quel moment le souffle le quitta. Il a eu, Dieu soit loué ! une belle mort.

    – Et tout ?…

    – Le père O’Rourke a eu un entretien avec lui, mardi ; il lui a donné l’extrême-onction, il l’a préparé. Tout a été fait.

    – Se rendait-il compte alors ?

    – Il était complètement résigné.

    – Il a une expression résignée.

    – C’est ce qu’a dit la femme qui est venue faire sa toilette. Elle disait qu’il avait absolument l’air d’un homme endormi tant il semblait calme et résigné. Personne n’aurait pensé qu’il eût fait un aussi beau mort.

    – Ma foi, oui, approuva ma tante.

    Elle prit encore un peu de sherry :

    – Eh bien, Miss Flynn, en tout cas ce sera une grande consolation pour vous de savoir que vous avez fait pour lui tout ce que vous pouviez ; vous lui étiez si dévouées toutes deux.

    Eliza se caressa les genoux :

    – Ah ! pauvre James ! Dieu sait si nous avons fait tout ce que nous avons pu malgré notre pauvreté ; nous n’aurions pas voulu qu’il manquât de quoi que ce soit durant sa vie.

    Nannie avait renversé la tête sur l’oreiller du sofa comme si elle allait s’endormir.

    – Voyez la pauvre Nannie, dit Eliza en la regardant ; elle n’en peut plus. Nous avons eu bien de la peine, elle et moi, pour nous procurer l’ensevelisseuse, pour sortir le cercueil, pour organiser la messe dans la chapelle. Je ne sais ce que nous serions devenues sans le père O’Rourke. C’est lui qui nous a apporté des fleurs et les deux chandeliers de la chapelle, lui qui a écrit la notice pour le Freeman’s General, qui s’est chargé des papiers pour le cimetière et de l’assurance pour le pauvre James.

    – N’est-ce pas gentil de sa part ! dit ma tante.

    Eliza ferma les yeux et secoua lentement la tête :

    – Ah ! il n’est pas d’amis tels que les vieux amis – j’entends : d’amis auxquels on puisse se fier.

    – C’est bien vrai, dit ma tante. Je suis sûre que maintenant qu’il est en possession de la récompense divine il ne vous oubliera pas, vous et toutes vos bontés.

    – Ah ! pauvre James ! il ne nous gênait guère. On ne l’entendait pas plus dans la maison que maintenant. Cependant, bien que je le sache parti vers tout cet…

    – C’est quand tout sera terminé qu’il vous manquera.

    – Oh ! je sais cela. Je n’irai plus lui porter sa tasse de bouillon, vous madame, vous ne lui enverrez plus son tabac à priser, ah ! pauvre James !

    Elle s’arrêta, comme si elle communiait avec le passé, puis reprit avec un air de sagacité :

    – Notez bien que je m’étais aperçue que quelque chose d’étrange se passait en lui ces derniers temps. Chaque fois que je lui apportais sa soupe, je le trouvais avec son bréviaire tombé à terre, renversé dans son fauteuil la bouche ouverte.

    Elle se posa un doigt le long du nez, fronça les sourcils et poursuivit :

    – Mais il n’en continuait pas moins à dire qu’avant l’automne, par un jour de beau temps, il parviendrait bien à aller voir notre vieille maison natale en bas d’Irishtown et qu’il nous emmènerait, Nannie et moi. Si seulement nous pouvions trouver à louer bon marché, à la journée, chez Johnny Rush, à côté d’ici, une de ces nouvelles voitures silencieuses dont le père O’Rourke lui avait parlé, de ces voitures à roues pour rhumatisants, alors nous pourrions nous y rendre tous les trois un dimanche après-midi. C’était son idée fixe… Pauvre James !

    – Le Seigneur aie pitié de son âme ! dit ma tante.

    Eliza sortit son mouchoir, se sécha les yeux, puis elle le remit dans sa poche et contempla un moment en silence la grille sans feu.

    – Il fut toujours trop scrupuleux, dit-elle. Les devoirs sacerdotaux étaient trop lourds pour lui, et puis on peut bien dire que sa vie avait été traversée.

    – Oui, dit ma tante, c’est un homme qui avait eu une déception. Ça se voyait.

    Sur la petite pièce tomba un silence à la faveur duquel je m’approchai de la table, goûtai le sherry, puis retournai à ma chaise, dans le coin, tranquillement. Eliza semblait abîmée dans une rêverie profonde. Par respect nous attendîmes pour rompre le silence ; après une longue pause, elle dit lentement :

    – Ce calice qu’il brisa… ce fut le commencement. Naturellement on disait que c’était sans importance, j’entends que le calice ne contenait rien. Mais tout de même… On prétendait que c’était la faute de l’enfant de chœur. Le pauvre James était si nerveux, puisse Dieu lui être miséricordieux !

    – Et était-ce cela qui…, interrogea ma tante. J’ai entendu dire quelque chose…

    Eliza acquiesça de la tête :

    – Cela affecta son esprit ; il devint, après, taciturne, ne parlait plus à personne, errait seul. Ainsi il fut appelé une nuit, et nulle part on ne put le trouver. On fouilla de la cave au grenier, mais sans succès. Le clerc insinua alors qu’il était peut-être dans la chapelle. On prit donc les clefs, on ouvrit et le clerc, le père O’Rourke et un autre prêtre présent apportèrent une lumière pour le chercher. … Devinez où on le trouva ! Assis dans son confessionnal obscur, grand éveillé, semblant se rire à lui-même.

    Elle s’arrêta brusquement comme pour écouter. J’écoutai aussi, mais il n’y avait aucun bruit dans la maison et je savais que le vieux prêtre était toujours couché dans son cercueil, tel que nous l’avions vu, solennel et truculent dans la mort, un calice vide sur le cœur.

    Eliza reprit :

    – Grand éveillé, semblant se rire à lui-même… Aussi, lorsqu’ils virent cela, ils pensèrent qu’il avait quelque chose de fêlé.

    UNE RENCONTRE

    Ce fut Joe Dillon qui nous fit découvrir le Wild West. Il avait une petite bibliothèque faite de vieux numéros de The Union Jack, Pluck et The Half Penny Marvel. Chaque soir, l’école finie, nous nous retrouvions dans son jardin et organisions des batailles de Peaux Rouges. Lui et son jeune frère, le gros Léo le paresseux, défendaient le grenier et l’écurie, que nous essayions d’emporter d’assaut ; ou bien, on livrait une bataille rangée, sur l’herbe. Mais nous avions beau nous battre de notre mieux, nous ne l’emportions ni dans nos assauts, ni en terrain découvert, et toutes nos luttes se terminaient par une danse triomphale de Joe Dillon.

    Ses parents allaient chaque matin à la messe de huit heures à Gardiner Street et l’atmosphère de paix qui émanait de Mme Dillon régnait dans le hall de la maison. Mais Joe combattait avec trop de violence, pour nous qui étions plus jeunes et plus timides. Il avait vraiment l’air d’une sorte de Peau Rouge lorsqu’il gambadait autour du jardin, un vieux couvre-théière sur la

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