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    3. Chapitre 19
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    leurs baquets et toujours elle réussissait à faire régner la paix. Un jour la surveillante lui avait dit :

    – Ursule, vous êtes une vraie pacificatrice.

    Et la sous-directrice et deux des dames du comité avaient entendu le compliment. Aussi Ginger Mooney disait toujours : « Qu’est-ce qu’elle prendrait la sourde-muette qui s’occupe des fers, si Ursule n’était pas là ! »

    Tout le monde adorait Ursule.

    Les femmes prenaient le thé à six heures et ainsi Ursule pourrait s’échapper avant sept heures. De Ballsbridge à la Colonne, vingt minutes ; de la Colonne à Drumcondra, vingt minutes, et vingt minutes pour ses emplettes. Elle serait rendue avant huit heures. Elle sortit son porte-monnaie au fermoir d’argent et relut ces mots : « Souvenir de Belfast ». Elle aimait beaucoup ce porte-monnaie parce que Joe le lui avait rapporté d’une excursion à Belfast avec Alphy, cinq ans auparavant, un lundi de Pentecôte. Son porte-monnaie contenait deux demi-couronnes et quelques sous. Il lui resterait cinq shillings net après avoir payé le tramway. Quelle bonne soirée on allait passer, avec les enfants chantant en chœur ! Elle espérait seulement que Joe ne rentrerait pas ivre. Il était si changé quand il était pris de boisson.

    Souvent il avait témoigné le désir qu’elle allât demeurer chez eux ; mais elle aurait eu peur de les gêner (bien que la femme de Joe fût infiniment gentille pour elle), de plus elle s’était faite à la vie de la blanchisserie. Joe était un bon garçon. Elle l’avait élevé ainsi qu’Alphy et Joe disait souvent :

    – Certes, maman est maman, mais Ursule est ma vraie mère.

    Une fois la famille dispersée, les garçons lui avaient trouvé une situation dans la blanchisserie « À la lueur des Réverbères » et elle s’y plaisait. Elle avait autrefois très mauvaise opinion des protestants, mais à présent elle trouvait que c’étaient des gens fort agréables, un peu trop tranquilles et sérieux, mais tout de même très faciles à vivre. Et puis aussi elle avait des plantes à elle dans la serre, et elle aimait à les soigner. Elle avait de belles fougères et des ciriers et chaque fois que quelqu’un venait la voir elle lui donnait une ou deux boutures de sa serre. Il y avait une chose qu’elle n’aimait pas, c’étaient les petits traités de piété que l’on semait un peu partout. Mais la surveillante était une personne avec laquelle on entretenait de si bons rapports, elle était si comme il faut.

    Quand la cuisinière vint l’avertir que tout était prêt, elle entra dans la salle des femmes et se mit à tirer la grosse cloche. Après quelques minutes, les femmes commencèrent à arriver par groupes de deux ou trois, essuyant leurs mains fumantes à leurs jupons, et rabattant les manches de leurs blouses sur leurs bras rouges, fumants eux aussi. Elles s’attablèrent chacune devant un énorme gobelet, que la cuisinière et la servante remplirent d’un thé chaud mélangé d’avance de lait et de sucre dans d’énormes brocs d’étain. Ursule dirigeait la répartition des galettes et veillait à ce que chaque femme eût ses quatre tranches. On rit et on plaisanta beaucoup pendant le repas. Lizzie Fleming dit qu’Ursule aurait sûrement la bague, et, bien que Fleming eût dit cela depuis bien des veilles de la Toussaint, Ursule fut forcée de rire et de dire qu’elle ne voulait ni bague, ni mari ; lorsqu’elle riait, dans ses yeux gris vert brillait une timidité déçue et le bout de son nez touchait presque le bout de son menton. Puis, Ginger Mooney, tandis que toutes les autres femmes faisaient claquer leurs pots sur la table, leva son pot de thé et proposa de boire à la santé d’Ursule, disant qu’elle regrettait de ne pas pouvoir trinquer avec une goutte de bière. Et Ursule se tordit de rire presque jusqu’à faire toucher le bout du nez et le bout du menton et presque jusqu’à rompre son corps menu en deux ; car elle savait que Mooney était pleine de bonnes intentions, quoique, bien sûr, ce n’était qu’une femme ordinaire. Mais quelle ne fut pas la joie d’Ursule lorsque, le goûter fini, la cuisinière et la souillon se mirent à desservir !

    Elle entra dans la petite chambre à coucher et, se rappelant que le lendemain était un matin de messe, elle ramena l’aiguille de son réveil de 7 à 6. Puis elle ôta son sarrau et ses chaussons, étala sa plus jolie jupe sur son lit, au pied duquel elle déposa ses minuscules bottines de gala. Elle changea aussi de blouse, et, se tenant devant son miroir, elle songea à la façon dont elle s’habillait pour la messe le dimanche, alors qu’elle était jeune. Elle contempla avec une affection amusante ce corps en miniature qu’elle avait si souvent paré. Malgré les années c’était encore, selon elle, un gentil petit corps de femme, bien soigné.

    Quand elle fut dehors, les rues ruisselaient de pluie et elle se réjouit d’avoir pris son vieil imperméable marron. Le tram était bondé et elle dut s’asseoir sur la petite banquette à l’extrémité de la voiture, face à tout le monde, la pointe de ses pieds frôlant le sol. Elle combina tout ce qu’elle comptait faire et songea combien il était préférable d’être indépendante et d’avoir en poche de l’argent à soi. Elle espérait qu’on passerait une bonne soirée. Elle en était sûre, mais elle ne pouvait s’empêcher de regretter qu’Alphy et Joe ne se parlassent plus. Ils étaient toujours brouillés maintenant ; mais lorsqu’ils étaient enfants, c’était la meilleure paire d’amis ; ainsi va la vie.

    Elle descendit de son tram à la Colonne et se fraya rapidement un passage à travers la foule. Elle entra chez Downes le pâtissier, mais il y avait tant de monde qu’elle dut attendre longtemps son tour. Elle acheta une douzaine de gâteaux assortis et quitta le magasin chargée d’un sac volumineux. Puis elle se demanda ce qu’elle pouvait bien acheter encore. Elle désirait acheter quelque chose de vraiment bon. Ils étaient sûrs d’avoir des pommes et des noix en quantité. C’était difficile de savoir quoi acheter : il ne lui venait à l’idée que des gâteaux. Elle se décida pour du plum-cake, mais chez Downes le plum-cake n’était pas recouvert d’un glacé d’amandes suffisant, aussi gagna-t-elle un magasin dans Henry Street. Là, elle mit du temps à trouver ce qu’il lui fallait et la jeune dame si élégante qui servait au comptoir et qui manifestait une légère impatience lui demanda si c’était un gâteau de noces qu’elle désirait acheter. Ursule rougit et sourit à la jeune dame, mais celle-ci prenait tout cela très au sérieux et finalement lui coupa une grosse tranche de plum-cake, en fit un paquet et dit :

    – Deux shillings quatre pence, s’il vous plaît.

    Elle crut qu’elle aurait à rester debout dans le tram de Drumcondra, parce que aucun des jeunes gens ne semblait remarquer sa présence, mais un monsieur d’un certain âge lui fit de la place. C’était un gros monsieur qui portait un chapeau melon brun ; il avait la figure carrée et rouge et une moustache grisonnante. Ursule trouvait que ce monsieur avait l’air d’un colonel et elle se dit qu’il était bien plus poli que ces deux jeunes gens qui se bornaient à regarder droit devant eux.

    Le monsieur se mit à bavarder avec elle de la veille de la Toussaint et du temps pluvieux. Il soupçonna le sac d’être plein de bonnes choses pour les petits et déclara que c’était de toute justice que les gosses s’amusassent tant qu’ils étaient gosses. Ursule l’approuva et le gratifia de hochements de tête et de « hum… » timorés. Il était très gentil avec elle et lorsqu’elle arriva au point du canal, elle le remercia, en s’inclinant, et lui, lui rendit son salut, souleva son chapeau et sourit aimablement ; et tout en parcourant la terrasse, courbant sa tête minuscule sous la pluie, elle réfléchit qu’il était facile de reconnaître un gentleman même s’il a bu un coup.

    Tout le monde dit : « Oh ! voilà Ursule ! » lorsqu’elle arriva chez Joe. Joe était là, rentré des affaires et tous les enfants avaient revêtu leurs habits du dimanche. Il y avait les deux grandes filles du voisin et les jeux allaient leur train. Ursule passa le sac de gâteaux à Alphy, le fils aîné, pour qu’il les distribuât et Mrs. Donnelly dit qu’Ursule était vraiment trop bonne d’apporter un aussi gros sac de gâteaux et fit dire « Merci Ursule » à tous les enfants.

    Mais Ursule dit qu’elle avait apporté quelque chose de spécial pour papa et maman, quelque chose qu’ils aimeraient sûrement et elle se mit à la recherche de son plum-cake. Elle inspecta le sac de Downes, puis les poches de son imperméable, puis l’entrée, mais sans résultat. Alors elle demanda aux enfants si l’un d’eux ne l’aurait pas mangé, par erreur bien sûr, mais les enfants répondirent tous que non et préférèrent avoir l’air de ne pas aimer les gâteaux si on devait les accuser de voler. Chacun donna sa solution du mystère et Mrs. Donnelly déclara que, de toute évidence Ursule avait dû le laisser dans le tram. Ursule se rappelant combien le monsieur à la moustache grisonnante l’avait émue rougit de honte, de dépit et de déception. À la pensée de l’échec de sa petite surprise et des deux shillings quatre pence, gaspillés, elle faillit se mettre à pleurer.

    Mais Joe dit que cela n’avait aucune importance et la fit asseoir près du feu. Il fut plein d’attention pour elle. Il lui raconta tout ce qui se passait dans son bureau et lui rapporta une verte réplique qu’il avait faite au

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