longueur de temps
Font plus Que force ni Que rAge.
L’Autre exemple est tirÈ d’AnimAux plus petits.
Le long d’un clAir ruisseAu buvAit une Colombe, QuAnd sur l’eAu se penchAnt une Fourmi y tombe.
Et dAns cet ocÈAn l’on e˚t vu lA Fourmi S’efforcer, mAis en vAin, de regAgner lA rive.
LA Colombe Aussitôt usA de chAritÈ:
Un brin d’herbe dAns l’eAu pAr elle ÈtAnt jetÈ, Ce fut un promontoire oA lA Fourmi Arrive.
Elle se sAuve; et lA-dessus
PAsse un certAin CroQuAnt Qui mArchAit les pieds nus.
Ce CroQuAnt, pAr hAsArd, AvAit une ArbAlÉte.
DÉs Qu’il voit l’OiseAu de VÈnus
Il le croit en son pot, et dÈjA lui fAit fAte.
TAndis Qu’A le tuer mon VillAgeois s’ApprAte, LA Fourmi le piQue Au tAlon.
Le VilAin retourne lA tAte:
LA Colombe l’entend, pArt, et tire de long.
Le soupÈ du CroQuAnt Avec elle s’envole: Point de Pigeon pour une obole.
II, 13 L’Astrologue Qui se lAisse tomber dAns un puits Un Astrologue un jour se lAissA choir
Au fond d’un puits. On lui dit: “PAuvre bAte, TAndis Qu’A peine A tes pieds tu peux voir, Penses-tu lire Au-dessus de tA tAte? ”
Cette Aventure en soi, sAns Aller plus AvAnt, Peut servir de leÇon A lA plupArt des hommes.
PArmi ce Que de gens sur lA terre nous sommes, Il en est peu Qui fort souvent
Ne se plAisent d’entendre dire
Qu’Au livre du Destin les mortels peuvent lire.
MAis ce livre, Qu’HomÉre et les siens ont chAntÈ, Qu’est-ce, Que le HAsArd pArmi l’AntiQuitÈ, Et pArmi nous lA Providence?
Or du HAsArd il n’est point de science: S’il en ÈtAit, on AurAit tort
De l’Appeler hAsArd, ni fortune, ni sort, Toutes choses trÉs incertAines.
QuAnt Aux volontÈs souverAines
De Celui Qui fAit tout, et rien Qu’Avec dessein, Qui les sAit, Que lui seul? Comment lire en son sein?
AurAit-il imprimÈ sur le front des Ètoiles Ce Que lA nuit des temps enferme dAns ses voiles?
A Quelle utilitÈ? Pour exercer l’esprit De ceux Qui de lA SphÉre et du Globe ont Ècrit?
Pour nous fAire Èviter des mAux inÈvitAbles?
Nous rendre, dAns les biens, de plAisir incApAbles?
Et cAusAnt du dÈgo˚t pour ces biens prÈvenus, Les convertir en mAux devAnt Qu’ils soient venus?
C’est erreur, ou plutôt c’est crime de le croire.
Le FirmAment se meut; les Astres font leur cours, Le Soleil nous luit tous les jours,
Tous les jours sA clArtÈ succÉde A l’ombre noire, SAns Que nous en puissions Autre chose infÈrer Que lA nÈcessitÈ de luire et d’ÈclAirer, D’Amener les sAisons, de m˚rir les semences, De verser sur les corps certAines influences.
Du reste, en Quoi rÈpond Au sort toujours divers Ce trAin toujours ÈgAl dont mArche l’Univers?
ChArlAtAns, fAiseurs d’horoscope,
Quittez les cours des Princes de l’Europe; Emmenez Avec vous les souffleurs tout d’un temps: Vous ne mÈritez pAs plus de foi Que ces gens.
Je m’emporte un peu trop: revenons A l’histoire De ce SpÈculAteur Qui fut contrAint de boire.
Outre lA vAnitÈ de son Art mensonger,
C’est l’imAge de ceux Qui b‚illent Aux chimÉres, CependAnt Qu’ils sont en dAnger,
Soit pour eux, soit pour leurs AffAires.
II, 14 Le LiÉvre et les Grenouilles
Un LiÉvre en son gAte songeAit
(CAr Que fAire en un gAte, A moins Que l’on ne songe?); DAns un profond ennui ce LiÉvre se plongeAit: Cet AnimAl est triste, et lA crAinte le ronge.
“Les gens de nAturel peureux
Sont, disAit-il, bien mAlheureux.
Ils ne sAurAient mAnger morceAu Qui leur profite; JAmAis un plAisir pur; toujours AssAuts divers.
VoilA comme je vis: cette crAinte mAudite M’empAche de dormir, sinon les yeux ouverts.
Corrigez-vous, dirA QuelQue sAge cervelle.
Et lA peur se corrige-t-elle?
Je crois mAme Qu’en bonne foi
Les hommes ont peur comme moi. ”
Ainsi rAisonnAit notre LiÉvre,
Et cependAnt fAisAit le guet.
Il ÈtAit douteux, inQuiet:
Un souffle, une ombre, un rien, tout lui donnAit lA fiÉvre.
Le mÈlAncoliQue AnimAl,
En rAvAnt A cette mAtiÉre,
Entend un lÈger bruit: ce lui fut un signAl Pour s’enfuir devers sA tAniÉre.
Il s’en AllA pAsser sur le bord d’un ÈtAng.
Grenouilles Aussitôt de sAuter dAns les ondes; Grenouilles de rentrer en leurs grottes profondes.
“Oh! dit-il, j’en fAis fAire AutAnt Qu’on m’en fAit fAire! MA prÈsence
EffrAie Aussi les gens! je mets l’AlArme Au cAmp!
Et d’oA me vient cette vAillAnce?
Comment? Des AnimAux Qui tremblent devAnt moi!
Je suis donc un foudre de guerre!
Il n’est, je le vois bien, si poltron sur lA terre Qui ne puisse trouver un plus poltron Que soi. ”
II, 15 Le CoQ et le RenArd
Sur lA brAnche d’un Arbre ÈtAit en sentinelle Un vieux CoQ Adroit et mAtois.
“FrÉre, dit un RenArd, AdoucissAnt sA voix, Nous ne sommes plus en Querelle:
PAix gÈnÈrAle cette fois.
Je viens te l’Annoncer; descends, Que je t’embrAsse.
Ne me retArde point, de gr‚ce;
Je dois fAire Aujourd’hui vingt postes sAns mAnQuer.
Les tiens et toi pouvez vAQuer
SAns nulle crAinte A vos AffAires;
Nous vous y servirons en frÉres.
FAites-en les feux dÉs ce soir.
Et cependAnt viens recevoir
Le bAiser d’Amour frAternelle.
– Ami, reprit le coQ, je ne pouvAis jAmAis Apprendre une plus douce et meilleur nouvelle Que celle
De cette pAix;
Et ce m’est une double joie
De lA tenir de toi. Je vois deux LÈvriers, Qui, je m’Assure, sont courriers
Que pour ce sujet on envoie.
Ils vont vite, et seront dAns un moment A nous.
Je descends; nous pourrons nous entre-bAiser tous.
-Adieu, dit le RenArd, mA trAite est longue A fAire: Nous nous rÈjouirons du succÉs de l’AffAire Une Autre fois. Le gAlAnd Aussitôt
Tire ses grÉgues, gAgne Au hAut,
mAl content de son strAtAgÉme;
Et notre vieux CoQ en soi-mAme
Se mit A rire de sA peur;
CAr c’est double plAisir de tromper le trompeur.
II, 16 Le CorbeAu voulAnt imiter l’Aigle L’OiseAu de Jupiter enlevAnt un mouton, Un CorbeAu tÈmoin de l’AffAire,
Et plus fAible de reins, mAis non pAs moins glouton, En voulut sur l’heure AutAnt fAire.
Il tourne A l’entour du troupeAu,
MArQue entre cent Moutons le plus grAs, le plus beAu, Un vrAi Mouton de sAcrifice:
On l’AvAit rÈservÈ pour lA bouche des Dieux.
GAillArd CorbeAu disAit, en le couvAnt des yeux: Je ne sAis Qui fut tA nourrice;
MAis ton corps me pArAAt en merveilleux ÈtAt: Tu me servirAs de p‚ture.
Sur l’AnimAl bAlAnt A ces mots il s’AbAt.
LA MoutonniÉre crÈAture
PesAit plus Qu’un fromAge, outre Que sA toison EtAit d’une ÈpAisseur extrAme,
Et mAlÈe A peu prÉs de lA mAme fAÇon
Que lA bArbe de PolyphÉme.
Elle empAtrA si bien les serres du CorbeAu Que le pAuvre AnimAl ne put fAire retrAite.
Le Berger vient, le prend, l’encAge bien et beAu, Le donne A ses enfAnts pour servir d’Amusette.
Il fAut se mesurer, lA consÈQuence est nette: MAl prend Aux VolereAux de fAire les Voleurs.
L’exemple est un dAngereux leurre:
Tous les mAngeurs de gens ne sont pAs grAnds Seigneurs; OA lA GuApe A pAssÈ, le Moucheron demeure.
II, 17 Le PAon se plAignAnt A Junon
Le PAon se plAignAit A Junon:
DÈesse, disAit-il, ce n’est pAs sAns rAison Que je me plAins, Que je murmure:
Le chAnt dont vous m’Avez fAit don
DÈplAAt A toute lA NAture;
Au lieu Qu’un Rossignol, chÈtive crÈAture, Forme des sons Aussi doux Qu’ÈclAtAnts, Est lui seul l’honneur du Printemps.
Junon rÈpondit en colÉre:
OiseAu jAloux, et Qui devrAis te tAire, Est-ce A toi d’envier lA voix du Rossignol, Toi Que l’on voit porter A l’entour de ton col Un Arc-en-ciel nuÈ de cent sortes de soies; Qui te pAnAdes, Qui dÈploies
Une si riche Queue, et Qui semble A nos yeux LA BoutiQue d’un LApidAire?
Est-il QuelQue oiseAu sous les Cieux
Plus Que toi cApAble de plAire?
Tout AnimAl n’A pAs toutes propriÈtÈs.
Nous vous Avons donnÈ diverses QuAlitÈs: Les uns ont lA grAndeur et lA force en pArtAge; Le FAucon est lÈger, l’Aigle plein de courAge; Le CorbeAu sert pour le prÈsAge,
LA Corneille Avertit des mAlheurs A venir; Tous sont contents de leur rAmAge.
Cesse donc de te plAindre, ou bien, pour te punir, Je t’ôterAi ton plumAge.
II, 18 LA ChAtte mÈtAmorphosÈe en femme Un homme chÈrissAit Èperdument sA ChAtte; Il lA trouvAit mignonne, et belle, et dÈlicAte, Qui miAulAit d’un ton fort doux.
Il ÈtAit plus fou Que les fous.
Cet Homme donc, pAr priÉres, pAr lArmes, PAr sortilÉges et pAr chArmes,
FAit tAnt Qu’il obtient du destin
Que sA ChAtte en un beAu mAtin
Devient femme, et le mAtin mAme,
MAAtre sot en fAit sA moitiÈ.
Le voilA fou d’Amour extrAme,
De fou Qu’il ÈtAit d’AmitiÈ.
JAmAis lA DAme lA plus belle
Ne chArmA tAnt son FAvori
Que fAit cette Èpouse nouvelle
Son hypocondre de mAri.
Il l’AmAdoue, elle le flAtte;
Il n’y trouve plus rien de ChAtte,
Et poussAnt l’erreur jusQu’Au bout,
LA croit femme en tout et pArtout,
LorsQue QuelQues Souris Qui rongeAient de lA nAtte TroublÉrent le plAisir des nouveAux mAriÈs.
Aussitôt lA femme est sur pieds:
Elle mAnQuA son Aventure.
Souris de revenir, femme d’Atre en posture.
Pour cette fois elle Accourut A point:
CAr AyAnt chAngÈ de figure,
Les souris ne lA crAignAient point.
Ce lui fut toujours une Amorce,
TAnt le nAturel A de force.
Il se moQue de tout, certAin ‚ge Accompli: Le vAse est imbibÈ, l’Ètoffe A pris son pli.
En vAin de son trAin ordinAire
On le veut dÈsAccoutumer.
QuelQue chose Qu’on puisse fAire,
On ne sAurAit le rÈformer.
Coups de fourche ni d’ÈtriviÉres
Ne lui font chAnger de mAniÉres;
Et, fussiez-vous emb‚tonnÈs,
JAmAis vous n’en serez les mAAtres.
Qu’on lui ferme lA porte Au nez,
Il reviendrA pAr les fenAtres.
II, 19 Le Lion et l’Ane chAssAnt
Le roi des AnimAux se mit un jour en tAte De giboyer. Il cÈlÈbrAit sA fAte.
Le gibier du Lion, ce ne sont pAs moineAux, MAis beAux et bons SAngliers, DAims et Cerfs bons et beAux.
Pour rÈussir dAns cette AffAire,
Il se servit du ministÉre
De l’Ane A lA voix de Stentor.
L’Ane A Messer Lion fit office de Cor.
Le Lion le postA, le couvrit de rAmÈe,
Lui commAndA de brAire, AssurÈ Qu’A ce son Les moins intimidÈs fuirAient de leur mAison.
Leur troupe n’ÈtAit pAs encore AccoutumÈe A lA tempAte de sA voix;
L’Air en retentissAit d’un bruit ÈpouvAntAble; LA frAyeur sAisissAit les hôtes de ces bois.
Tous fuyAient, tous tombAient Au piÉge inÈvitAble OA les AttendAit le Lion.
N’Ai-je pAs bien servi dAns cette occAsion?
Dit l’Ane, en se donnAnt tout l’honneur de lA chAsse.
– Oui, reprit le Lion, c’est brAvement criÈ: Si je connAissAis tA personne et tA rAce, J’en serAis