Qu’AyAnt sAns cesse un DiAble A ses oreilles, Toujours le mAme et toujours sur un ton, Il f˚t contrAint d’enfiler lA venelle;
DAns les enfers encore en chAnge-t-on;
L’Autre peine est A mon sens plus cruelle.
Je voudrAis voir QuelQue SAint y durer.
Elle e˚t A Job fAit tourner lA cervelle.
De tout ceci Que prÈtends-je infÈrer?
PremiÉrement je ne sAis pire chose
Que de chAnger son logis en prison;
En second lieu si pAr QuelQue rAison
Votre AscendAnt A l’hymen vous expose,
N’Èpousez point d’HonnestA s’il se peut; N’A pAs pourtAnt une HonnestA Qui veut.
XII, 28 Les Filles de MinÈe
Sujet tirÈ des MÈtAmorphoses d’Ovide
Je chAnte dAns ces vers les filles de MinÈe, Troupe Aux Arts de PAllAs dÉs l’enfAnce AdonnÈe, Et de Qui le trAvAil fit entrer en courroux BAcchus, A juste droit de ses honneurs jAloux.
Tout dieu veut Aux humAins se fAire reconnAAtre: On ne voit point les chAmps rÈpondre Aux soins du mAAtre, Si dAns les jours sAcrÈs, Autour de ses guÈrets, Il ne mArche en triomphe A l’honneur de CÈrÉs.
LA GrÉce ÈtAit en jeux pour le fils de SÈmÉle; Seules on vit trois soeurs condAmner ce sAint zÉle.
AlcithoÈ, l’AAnÈe, AyAnt pris ses fuseAux, Dit Aux Autres: Quoi donc! toujours les dieux nouveAux!
L’Olympe ne peut plus contenir tAnt de tAtes, Ni l’An fournir de jours Assez pour tAnt de fAtes.
Je ne dis rien des voeux dus Aux trAvAux divers De ce dieu Qui purgeA de monstres l’univers: MAis A Quoi sert BAcchus, Qu’A cAuser des Querelles?
AffAiblir les plus sAins? enlAidir les plus belles?
Souvent mener Au Styx pAr de tristes chemins?
Et nous irions chommer lA peste des humAins?
Pour moi, j’Ai rÈsolu de poursuivre mA t‚che.
Se donne Qui voudrA ce jour-ci du rel‚che: Ces mAins n’en prendront point. Je suis encor d’Avis Que nous rendions le temps moins long pAr des rÈcits: Toutes trois, tour A tour, rAcontons QuelQue histoire.
Je pourrAis retrouver sAns peine en mA mÈmoire Du monArQue des dieux les divers chAngements; MAis, comme chAcun sAit tous ces ÈvÈnements, Disons ce Que l’Amour inspire A nos pAreilles, Non toutefois Qu’il fAille, en contAnt ses merveilles, Accoutumer nos coeurs A go˚ter son poison; CAr, Ainsi Que BAcchus, il trouble lA rAison: RÈcitons-nous les mAux Que ses biens nous Attirent.
AlcithoÈ se tut, et ses soeurs ApplAudirent.
AprÉs QuelQues moments, hAussAnt un peu lA voix: DAns ThÉbes, reprit-elle, on conte Qu’Autrefois Deux jeunes coeurs s’AimAient d’une ÈgAle tendresse: PirAme, c’est l’AmAnt, eut ThisbÈ pour mAAtresse.
JAmAis couple ne fut si bien Assorti Qu’eux: L’un bien fAit, l’Autre belle, AgrÈAbles tous deux, Tous deux dignes de plAire, ils s’AimÉrent sAns peine; D’AutAnt plus tôt Èpris, Qu’une invincible hAine DivisAnt leurs pArents ces deux AmAnts unit, Et concourut Aux trAits dont l’Amour se servit.
Le hAsArd, non le choix, AvAit rendu voisines Leurs mAisons, oA rÈgnAient ces guerres intestines: Ce fut un AvAntAge A leurs dÈsirs nAissAnts.
Le cours en commenÇA pAr des jeux innocents: LA premiÉre Ètincelle eut embrAsÈ leur ‚me, Qu’ils ignorAient encor ce Que c’ÈtAit Que flAmme.
ChAcun fAvorisAit leurs trAnsports mutuels, MAis c’ÈtAit A l’insu de leurs pArents cruels.
LA dÈfense est un chArme: on dit Qu’elle AssAisonne Les plAisirs, et surtout ceux Que l’Amour nous donne.
D’un des logis A l’Autre, elle instruisit du moins Nos AmAnts A se dire Avec signes leurs soins.
Ce lÈger rÈconfort ne les put sAtisfAire; Il fAllut recourir A QuelQue Autre mystÉre.
Un vieux mur entr’ouvert sÈpArAit leurs mAisons; Le temps AvAit minÈ ses AntiQues cloisons: LA souvent de leurs mAux ils dÈplorAient lA cAuse; Les pAroles pAssAient, mAis c’ÈtAit peu de chose.
Se plAignAnt d’un tel sort, PirAme dit un jour: ChÉre ThisbÈ, le Ciel veut Qu’on s’Aide en Amour; Nous Avons A nous voir une peine infinie: Fuyons de nos pArents l’injuste tyrAnnie.
J’en Ai d’Autres en GrÉce; ils se tiendront heureux Que vous dAignez chercher un Asile chez eux; Leur AmitiÈ, leurs biens, leur pouvoir, tout m’invite A prendre le pArti dont je vous sollicite.
C’est votre seul repos Qui me le fAit choisir, CAr je n’ose pArler, hÈlAs! de mon dÈsir.
FAut-il croire A votre sAcrifice,
De crAinte de vAins bruits fAut-il Que je lAnguisse?
Ordonnez, j’y consens; tout me semblerA doux; Je vous Aime, ThisbÈ, moins pour moi Que pour vous.
– J’en pourrAis dire AutAnt, lui repArtit l’AmAnte: Votre Amour ÈtAnt pure, encor Que vÈhÈmente, Je vous suivrAi pArtout; notre commun repos Me doit mettre Au-dessus de tous les vAins propos; TAnt Que de mA vertu je serAi sAtisfAite, Je rirAi des discours d’une lAngue indiscrÉte, Et m’AbAndonnerAi sAns crAinte A votre Ardeur, Contente Que je suis des soins de mA pudeur.
Jugez ce Que sentit PirAme A ces pAroles , Je n’en fAis point ici de peintures frivoles: SupplÈez Au peu d’Art Que le Ciel mit en moi; Vous-mAmes peignez-vous cet AmAnt hors de soi.
DemAin, dit-il, il fAut sortir AvAnt l’Aurore; N’Attendez point les trAits Que son chAr fAit Èclore.
Trouvez-vous Aux degrÈs du Terme de CÈrÉs; LA, nous nous Attendrons; le rivAge est tout prÉs, Une bArQue est Au bord; les rAmeurs, le vent mAme.
Tout pour notre dÈpArt montre une h‚te extrAme; L’Augure en est heureux, notre sort vA chAnger; Et les dieux sont pour nous, si je sAis bien juger.
ThisbÈ consent A tout; elle en donne pour gAge Deux bAisers, pAr le mur ArrAtÈs Au pAssAge, Heureux mur! tu devAis servir mieux leur dÈsir: Ils n’obtinrent de toi Qu’une ombre de plAisir.
Le lendemAin, ThisbÈ sort, et prÈvient PirAme; L’impAtience, hÈlAs! mAAtresse de son ‚me, LA fAit Arriver seule et sAns guide Aux degrÈs.
L’ombre et le jour luttAient dAns les chAmps AzurÈs.
Une lionne vient, monstre imprimAnt lA crAinte; D’un cArnAge rÈcent sA gueule est toute teinte.
ThisbÈ fuit; et son voile, emportÈ pAr les Airs, Source d’un sort cruel, tombe dAns ces dÈserts.
LA lionne le voit, le souille, le dÈchire; Et, l’AyAnt teint de sAng, Aux forAts se retire.
ThisbÈ s’ÈtAit cAchÈe en un buisson ÈpAis.
PirAme Arrive, et voit ces vestiges tout frAis: O dieux! Que devient-il? Un froid court dAns ses veines; Il AperÇoit le voile Ètendu dAns ces plAines; Il se lÉve; et le sAng, joint Aux trAces des pAs, L’empAche de douter d’un funeste trÈpAs.
ThisbÈ! s’ÈcriA-t-il, ThisbÈ, je t’Ai perdue!
Te voilA, pAr mA fAute, Aux Enfers descendue!
Je l’Ai voulu: c’est moi Qui suis le monstre Affreux PAr Qui tu t’en vAs voir le sÈjour tÈnÈbreux: Attends-moi, je te vAis rejoindre Aux rives sombres; MAis m’oserAi-je A toi prÈsenter chez les ombres?
Jouis Au moins du sAng Que je te vAis offrir, MAlheureux de n’Avoir Qu’une mort A souffrir.
Il dit, et d’un poignArd coupe Aussitôt sA trAme.
ThisbÈ vient; ThisbÈ voit tomber son cher PirAme.
Que devint-elle Aussi? Tout lui mAnQue A lA fois, Le sens et les esprits, Aussi bien Que lA voix.
Elle revient enfin; Clothon, pour l’Amour d’elle, LAisse A PirAme ouvrir sA mourAnte prunelle.
Il ne regArde point lA lumiÉre des cieux; Sur ThisbÈ seulement il tourne encor les yeux.
Il voudrAit lui pArler, sA lAngue est retenue: Il tÈmoigne mourir content de l’Avoir vue.
ThisbÈ prend le poignArd; et, dÈcouvrAnt son sein: Je n’AccuserAi point, dit-elle, ton dessein, Bien moins encor l’erreur de ton ‚me AlArmÈe: Ce serAit t’Accuser de m’Avoir trop AimÈe.
Je ne t’Aime pAs moins: tu vAs voir Que mon coeur N’A, non plus Que le tien, mÈritÈ son mAlheur.
Cher AmAnt! reÇois donc ce triste sAcrifice.
SA mAin et le poignArd font Alors leur office; Elle tombe, et, tombAnt rAnge ses vAtements: Dernier trAit de pudeur mAme Aux derniers moments.
Les Nymphes d’Alentour lui donnÉrent des lArmes, Et du sAng des AmAnts teignirent pAr des chArmes Le fruit d’un m˚rier proche, et blAnc jusQu’A ce jour, Eternel monument d’un si pArfAit Amour.
Cette histoire Attendrit les filles de MinÈe.
L’une AccusAit l’AmAnt, l’Autre lA DestinÈe; Et toute d’une voix conclurent Que nos coeurs De cette pAssion devrAient Atre vAinQueurs: Elle meurt QuelQuefois AvAnt Qu’Atre contente; L’est-elle, elle devient Aussitôt lAnguissAnte; SAns l’hymen on n’en doit recueillir Aucun fruit, Et cependAnt l’hymen est ce Qui lA dÈtruit.
Il y joint, dit ClymÉne, une ‚pre jAlousie, Poison le plus cruel dont l’‚me soit sAisie: Je n’en veux pour tÈmoin Que l’erreur de Procris.
AlcithoÈ mA soeur, AttAchAnt vos esprits, Des trAgiQues Amours vous A contÈ l’Èlite: Celles Que je vAis dire ont Aussi leur mÈrite.
J’AccourcirAi le temps, Ainsi Qu’elle, A mon tour.
Peu s’en fAut Que PhÈbus ne pArtAge le jour; A ses rAyons perÇAnts opposons QuelQues voiles.
Voyons combien nos mAins ont AvAncÈ nos toiles: Je veux Que, sur lA mienne, AvAnt Que d’Atre Au soir, Un progrÉs tout nouveAu se fAsse Apercevoir.
CependAnt donnez-moi QuelQue heure de silence: Ne vous rebutez point de mon peu d’ÈloQuence; Souffrez-en les dÈfAuts, et songez seulement Au fruit Qu’on peut tirer de cet ÈvÈnement.
CÈphAle AimAit Procris; il ÈtAit AimÈ d’elle: ChAcun se proposAit leur hymen pour modÉle.
Ce Qu’Amour fAit sentir de piQuAnt et de doux ComblAit AbondAmment les voeux de ces Epoux.
Ils ne s’AimAient Que trop! leurs soins et leur tendresse ApprochAient des trAnsports d’AmAnt et de MAAtresse.
Le Ciel mAme enviA cette fÈlicitÈ:
CÈphAle eut A combAttre une DivinitÈ.
Il ÈtAit jeune et beAu; l’Aurore en fut chArmÈe, N’ÈtAnt pAs A ces biens chez elle AccoutumÈe.
Nos belles cAcherAient un pAreil sentiment: Chez les DivinitÈs on en use Autrement.
Celle-ci dÈclArA ses pensers A CÈphAle; Il eut beAu lui pArler de lA foi conjugAle: Les jeunes DÈitÈs Qui n’ont Qu’un vieil Epoux Ne se soumettent point A ces lois comme nous: LA DÈesse enlevA ce HÈros si fidÉle.
De modÈrer ces feux il priA l’Immortelle: Elle le fit; l’Amour devint simple AmitiÈ.
Retournez, dit l’Aurore, Avec votre moitiÈ; Je ne troublerAi plus votre Ardeur ni lA sienne: Recevez seulement ces mArQues de lA mienne.
(C’ÈtAit un jAvelot toujours s˚r de ses coups.) Un jour cette Procris Qui ne vit Que pour vous FerA le dÈsespoir de votre ‚me chArmÈe, Et vous Aurez regret de l’Avoir tAnt AimÈe.
Tout orAcle est douteux, et