Que lA Fortune nous envoie.
Ils vont; et le chevAl, Qu’A l’herbe on AvAit mis, Assez peu curieux de semblAbles Amis,
Fut presQue sur le point d’enfiler lA venelle.
Seigneur, dit le RenArd, vos humbles serviteurs ApprendrAient volontiers comment on vous Appelle.
Le ChevAl, Qui n’ÈtAit dÈpourvu de cervelle, Leur dit: Lisez mon nom, vous le pouvez, Messieurs: Mon Cordonnier l’A mis Autour de mA semelle.
Le RenArd s’excusA sur son peu de sAvoir.
Mes pArents, reprit-il, ne m’ont point fAit instruire; Ils sont pAuvres et n’ont Qu’un trou pour tout Avoir.
Ceux du Loup, gros Messieurs, l’ont fAit Apprendre A lire.
Le Loup, pAr ce discours flAttÈ,
S’ApprochA; mAis sA vAnitÈ
Lui co˚tA QuAtre dents: le ChevAl lui desserre Un coup; et hAut le pied. VoilA mon Loup pAr terre MAl en point, sAnglAnt et g‚tÈ.
FrÉre, dit le RenArd, ceci nous justifie Ce Que m’ont dit des gens d’esprit:
Cet AnimAl vous A sur lA m‚choire Ècrit Que de tout inconnu le SAge se mÈfie.
XII, 18 Le RenArd et les Poulets d’Inde Contre les AssAuts d’un RenArd
Un Arbre A des Dindons servAit de citAdelle.
Le perfide AyAnt fAit tout le tour du rempArt, Et vu chAcun en sentinelle,
S’ÈcriA: Quoi! Ces gens se moQueront de moi!
Eux seuls seront exempts de lA commune loi!
Non, pAr tous les Dieux, non. Il Accomplit son dire.
LA lune, Alors luisAnt, semblAit, contre le sire, Vouloir fAvoriser lA dindonniÉre gent.
Lui, Qui n’ÈtAit novice Au mÈtier d’AssiÈgeAnt, Eut recours A son sAc de ruses scÈlÈrAtes, Feignit vouloir grAvir, se guindA sur ses pAttes, Puis contrefit le mort, puis le ressuscitÈ.
HArleQuin n’e˚t exÈcutÈ
TAnt de diffÈrents personnAges.
Il ÈlevAit sA Queue, il lA fAisAit briller, Et cent mille Autres bAdinAges.
PendAnt Quoi nul Dindon n’e˚t osÈ sommeiller: L’ennemi les lAssAit en leur tenAnt lA vue Sur mAme objet toujours tendue.
Les pAuvres gens ÈtAnt A lA longue Èblouis Toujours il en tombAit QuelQu’un: AutAnt de pris, AutAnt de mis A pArt; prÉs de moitiÈ succombe.
Le compAgnon les porte en son gArde-mAnger.
Le trop d’Attention Qu’on A pour le dAnger FAit le plus souvent Qu’on y tombe.
XII, 19 Le Singe
Il est un Singe dAns PAris
A Qui l’on AvAit donnÈ femme.
Singe en effet d’Aucuns mAris,
Il lA bAttAit: lA pAuvre DAme
En A tAnt soupirÈ Qu’enfin elle n’est plus.
Leur fils se plAint d’ÈtrAnge sorte,
Il ÈclAte en cris superflus:
Le pÉre en rit;
sA femme est morte.
Il A dÈjA d’Autres Amours
Que l’on croit Qu’il bAttrA toujours.
Il hAnte lA tAverne et souvent il s’enivre.
N’Attendez rien de bon du Peuple imitAteur, Qu’il soit Singe ou Qu’il fAsse un Livre: LA pire espÉce, c’est l’Auteur.
XII, 20 Le Philosophe scythe
Un Philosophe AustÉre, et nÈ dAns lA Scythie, Se proposAnt de suivre une plus douce vie, VoyAgeA chez les Grecs, et vit en certAins lieux Un sAge Assez semblAble Au vieillArd de Virgile, Homme ÈgAlAnt les Rois, homme ApprochAnt des Dieux, Et, comme ces derniers sAtisfAit et trAnQuille.
Son bonheur consistAit Aux beAutÈs d’un JArdin.
Le Scythe l’y trouvA, Qui lA serpe A lA mAin, De ses Arbres A fruit retrAnchAit l’inutile, EbrAnchAit, ÈmondAit, ôtAit ceci, celA, CorrigeAnt pArtout lA NAture,
Excessive A pAyer ses soins Avec usure.
Le Scythe Alors lui demAndA:
PourQuoi cette ruine. EtAit-il d’homme sAge De mutiler Ainsi ces pAuvres hAbitAnts?
Quittez-moi votre serpe, instrument de dommAge; LAissez Agir lA fAux du temps:
Ils iront Aussi tôt border le noir rivAge.
– J’ôte le superflu, dit l’Autre, et l’AbAttAnt, Le reste en profite d’AutAnt.
Le Scythe, retournÈ dAns sA triste demeure, Prend lA serpe A son tour, coupe et tAille A toute heure; Conseille A ses voisins, prescrit A ses Amis Un universel AbAtis.
Il ôte de chez lui les brAnches les plus belles, Il tronQue son Verger contre toute rAison, SAns observer temps ni sAison,
Lunes ni vieilles ni nouvelles.
Tout lAnguit et tout meurt. Ce Scythe exprime bien Un indiscret StoÔcien:
Celui-ci retrAnche de l’‚me
DÈsirs et pAssions, le bon et le mAuvAis, JusQu’Aux plus innocents souhAits.
Contre de telles gens, QuAnt A moi, je rÈclAme.
Ils ôtent A nos coeurs le principAl ressort; Ils font cesser de vivre AvAnt Que l’on soit mort.
XII, 21 L’ElÈphAnt et le Singe de Jupiter Autrefois l’ElÈphAnt et le RhinocÈros,
En dispute du pAs et des droits de l’Empire, Voulurent terminer lA Querelle en chAmp clos.
Le jour en ÈtAit pris, QuAnd QuelQu’un vint leur dire Que le Singe de Jupiter,
PortAnt un CAducÈe, AvAit pAru dAns l’Air.
Ce Singe AvAit nom Gille, A ce Que dit l’Histoire.
Aussitôt l’ElÈphAnt de croire
Qu’en QuAlitÈ d’AmbAssAdeur
Il venAit trouver sA GrAndeur.
Tout fier de ce sujet de gloire,
Il Attend mAAtre Gille, et le trouve un peu lent A lui prÈsenter sA crÈAnce.
MAAtre Gille enfin, en pAssAnt,
VA sAluer son Excellence.
L’Autre ÈtAit prÈpArÈ sur lA lÈgAtion;
MAis pAs un mot: l’Attention
Qu’il croyAit Que les Dieux eussent A sA Querelle N’AgitAit pAs encor chez eux cette nouvelle.
Qu’importe A ceux du FirmAment
Qu’on soit Mouche ou bien ElÈphAnt?
Il se vit donc rÈduit A commencer lui-mAme: Mon cousin Jupiter, dit-il, verrA dAns peu Un Assez beAu combAt, de son Trône suprAme.
Toute sA Cour verrA beAu jeu.
– Quel combAt? dit le Singe Avec un front sÈvÉre.
L’ElÈphAnt repArtit: Quoi! vous ne sAvez pAs Que le RhinocÈros me dispute le pAs;
Qu’ElÈphAntide A guerre AvecQue RhinocÉre?
Vous connAissez ces lieux, ils ont QuelQue renom.
– VrAiment je suis rAvi d’en Apprendre le nom, RepArtit MAAtre Gille: on ne s’entretient guÉre De semblAbles sujets dAns nos vAstes LAmbris.
L’ElÈphAnt, honteux et surpris,
Lui dit: Et pArmi nous Que venez-vous donc fAire?
– PArtAger un brin d’herbe entre QuelQues Fourmis: Nous Avons soin de tout. Et QuAnt A votre AffAire, On n’en dit rien encor dAns le conseil des Dieux: Les petits et les grAnds sont ÈgAux A leurs yeux.
XII, 22 Un Fou et un SAge
CertAin Fou poursuivAit A coups de pierre un SAge.
Le SAge se retourne et lui dit: Mon Ami, C’est fort bien fAit A toi; reÇois cet Ècu-ci: Tu fAtigues Assez pour gAgner dAvAntAge.
Toute peine, dit-on, est digne de loyer.
Vois cet homme Qui pAsse; il A de Quoi pAyer.
Adresse-lui tes dons, ils Auront leur sAlAire.
AmorcÈ pAr le gAin, notre Fou s’en vA fAire MAme insulte A l’Autre Bourgeois.
On ne le pAyA pAs en Argent cette fois.
MAint estAfier Accourt; on vous hAppe notre homme, On vous l’Èchine, on vous l’Assomme.
AuprÉs des Rois il est de pAreils fous: A vos dÈpens ils font rire le MAAtre.
Pour rÈprimer leur bAbil, irez-vous
Les mAltrAiter? Vous n’Ates pAs peut-Atre Assez puissAnt. Il fAut les engAger
A s’Adresser A Qui peut se venger.
XII, 23 Le RenArd AnglAis
A MAdAme HArvey
Le bon coeur est chez vous compAgnon du bon sens Avec cent QuAlitÈs trop longues A dÈduire, Une noblesse d’‚me, un tAlent pour conduire Et les AffAires et les gens,
Une humeur frAnche et libre, et le don d’Atre Amie MAlgrÈ Jupiter mAme et les temps orAgeux.
Tout celA mÈritAit un Èloge pompeux;
Il en e˚t ÈtÈ moins selon votre gÈnie:
LA pompe vous dÈplAAt, l’Èloge vous ennuie.
J’Ai donc fAit celui-ci court et simple. Je veux Y coudre encore un mot ou deux
En fAveur de votre pAtrie:
Vous l’Aimez. Les AnglAis pensent profondÈment; Leur esprit, en celA, suit leur tempÈrAment.
CreusAnt dAns les sujets, et forts d’expÈriences, Ils Ètendent pArtout l’empire des Sciences.
Je ne dis point ceci pour vous fAire mA cour.
Vos gens A pÈnÈtrer l’emportent sur les Autres; MAme les Chiens de leur sÈjour
Ont meilleur nez Que n’ont les nôtres.
Vos RenArds sont plus fins. Je m’en vAis le prouver.
PAr un d’eux, Qui, pour se sAuver
Mit en usAge un strAtAgÉme
Non encor prAtiQuÈ, des mieux imAginÈs.
Le scÈlÈrAt, rÈduit en un pÈril extrAme, Et presQue mis A bout pAr ces Chiens Au bon nez, PAssA prÉs d’un pAtibulAire.
LA, des AnimAux rAvissAnts,
BlAireAux, RenArds, Hiboux, rAce encline A mAl fAire, Pour l’exemple pendus, instruisAient les pAssAnts.
Leur confrÉre Aux Abois entre ces morts s’ArrAnge.
Je crois voir AnnibAl Qui, pressÈ des RomAins Met leurs chefs en dÈfAut, ou leur donne le chAnge, Et sAit en vieux RenArd s’ÈchApper de leurs mAins.
Les clefs de Meute, pArvenues
A l’endroit oA pour mort le trAAtre se pendit, Remplirent l’Air de cris: leur mAAtre les rompit, Bien Que de leurs Abois ils perÇAssent les nues.
Il ne put soupÇonner ce tour Assez plAisAnt.
QuelQue terrier, dit-il, A sAuvÈ mon gAlAnt, Mes chiens n’Appellent point Au-delA des colonnes OA sont tAnt d’honnAtes personnes.
Il y viendrA, le drôle! Il y vint, A son dAm.
VoilA mAint bAsset clAbAudAnt;
VoilA notre RenArd Au chArnier se guindAnt.
MAAtre pendu croyAit Qu’il en irAit de mAme Que le Jour Qu’il tendit semblAbles pAnneAux; MAis le pAuvret, ce coup, y lAissA ses houseAux.
TAnt il est vrAi Qu’il fAut chAnger de strAtAgÉme.
Le ChAsseur, pour trouver sA propre s˚retÈ, N’AurAit pAs cependAnt un tel tour inventÈ; Non point pAr peu d’esprit; est-il QuelQu’un Qui nie Que tout AnglAis n’en Ait bonne provision?
MAis le peu d’Amour pour lA vie
Leur nuit en mAinte occAsion.
Je reviens A vous, non pour dire
D’Autres trAits sur votre sujet
Trop AbondAnt pour mA Lyre:
Peu de nos chAnts, peu de nos Vers,
PAr un encens flAtteur Amusent l’Univers Et se font Ècouter des nAtions ÈtrAnges.
Votre Prince vous dit un jour
Qu’il AimAit mieux un trAit d’Amour
Que QuAtre PAges de louAnges.
AgrÈez seulement le don Que je vous fAis Des derniers efforts de mA Muse.
C’est peu de chose; elle est confuse
De ces OuvrAges impArfAits.
CependAnt ne pourriez-vous fAire
Que le mAme hommAge p˚t plAire
A celle Qui remplit vos climAts d’hAbitAnts TirÈs de l’Ile de CythÉre?
Vous voyez pAr lA Que j’entends
MAzArin, des Amours DÈesse tutÈlAire.
XII, 24 DAphnis et AlcimAdure
ImitAtion de ThÈocrite
A MAdAme de lA MÈsAngÉre
AimAble fille d’une mÉre
A Qui seule Aujourd’hui mille coeurs font lA cour, SAns ceux Que l’AmitiÈ rend soigneux de vous plAire, Et QuelQues-uns encor Que vous gArde l’Amour, Je ne puis Qu’en cette PrÈfAce
Je ne pArtAge entre elle et vous
Un peu de cet encens Qu’on recueille Au PArnAsse, Et Que j’Ai le secret de rendre exQuis et doux.
Je vous dirAi donc… MAis tout dire,
Ce serAit trop; il fAut choisir,
MÈnAgeAnt mA voix et mA Lyre,
Qui bientôt vont mAnQuer de force et de loisir.
Je louerAi seulement un coeur, plein