croQuer Aussitôt Qu’on le hAppe.
Tout: il est impossible. Et puis, pour le besoin N’en dois-je pAs gArder? Donc il fAut Avoir soin De le nourrir sAns Qu’il ÈchAppe.
MAis comment? Otons-lui les pieds. Or, trouvez-moi Chose pAr les humAins A sA fin mieux conduite.
Quel Autre Art de penser Aristote et sA suite Enseignent-ils, pAr votre foi?
Ceci n’est point une fAble; et lA chose, QuoiQue merveilleuse et presQue incroyAble, est vÈritAblement ArrivÈe. J’Ai peut-Atre portÈ trop loin lA prÈvoyAnce de ce Hibou; cAr je ne prÈtends pAs ÈtAblir dAns les bAtes un progrÉs de rAisonnement tel Que celui-ci; mAis ces exAgÈrAtions sont permises A lA poÈsie, surtout dAns lA mAniÉre d’Ècrire dont je me sers.
XI, Epilogue
C’est Ainsi Que mA Muse, Aux bords d’une onde pure, TrAduisAit en lAngue des Dieux
Tout ce Que disent sous les cieux
TAnt d’Atres empruntAnts lA voix de lA nAture.
TruchemAn de peuples divers,
Je les fAisAis servir d’Acteurs en mon ouvrAge; CAr tout pArle dAns l’Univers;
Il n’est rien Qui n’Ait son lAngAge.
Plus ÈloQuents chez eux Qu’ils ne sont dAns mes Vers, Si ceux Que j’introduis me trouvent peu fidÉle, Si mon oeuvre n’est pAs un Assez bon modÉle, J’Ai du moins ouvert le chemin:
D’Autres pourront y mettre une derniÉre mAin.
FAvoris des neuf Soeurs, Achevez l’entreprise: Donnez mAinte leÇon Que j’Ai sAns doute omise; Sous ces inventions il fAut l’envelopper: MAis vous n’Avez Que trop de Quoi vous occuper: PendAnt le doux emploi de mA Muse innocente, Louis dompte l’Europe, et d’une mAin puissAnte Il conduit A leur fin les plus nobles projets Qu’Ait jAmAis formÈs un MonArQue.
FAvoris des neuf Soeurs, ce sont lA des sujets VAinQueurs du temps et de lA PArQue.
XII, A Monseigneur le duc de Bourgogne
Monseigneur,
Je ne puis employer pour mes FAbles de protection Qui me soit plus glorieuse Que lA vôtre. Ce go˚t exQuis et ce jugement si solide Que vous fAites pArAAtre dAns toutes choses Au delA d’un ‚ge oA A peine les Autres Princes sont-ils touchÈs de ce Qui les environne Avec le plus d’ÈclAt, tout celA, joint Au devoir de vous obÈir et A lA pAssion de vous plAire, m’A obligÈ de vous prÈsenter un OuvrAge dont l’originAl A ÈtÈ l’AdmirAtion de tous les siÉcles Aussi bien Que celle de tous les sAges. Vous m’Avez mAme ordonnÈ de continuer; et, si vous me permettez de le dire, il y A des sujets dont je vous suis redevAble et oA vous Avez jetÈ des gr‚ces Qui ont ÈtÈ AdmirÈes de tout le monde. Nous n’Avons plus besoin de consulter ni Apollon ni les Muses, ni Aucune des DivinitÈs du PArnAsse: elles se rencontrent toutes dAns les prÈsents Que vous A fAits lA NAture, et dAns cette science de bien juger des OuvrAges de l’esprit, A Quoi vous joignez dÈjA celle de connAAtre toutes les rÉgles Qui y conviennent. Les FAbles d’Esope sont une Ample mAtiÉre pour ces tAlents; elles embrAssent toutes sortes d’ÈvÈnements et de cArActÉres. Ces mensonges sont proprement une mAniÉre d’histoire oA on ne flAtte personne. Ce ne sont pAs choses de peu d’importAnce Que ces sujets. Les AnimAux sont les prÈcepteurs des Hommes dAns mon OuvrAge. Je ne m’ÈtendrAi pAs dAvAntAge lA-dessus: vous voyez mieux Que moi le profit Qu’on en peut tirer. Si vous vous connAissez mAintenAnt en OrAteurs et en PoÉtes, vous vous connAAtrez encore mieux QuelQue jour en bon PolitiQues et en bons GÈnÈrAux d’ArmÈe; et vous vous tromperez Aussi peu Au choix des Personnes Qu’Au mÈrite des Actions. Je ne suis pAs d’un ‚ge A espÈrer d’en Atre tÈmoin. Il fAut Que je me contente de trAvAiller sous vos ordres. L’envie de vous plAire me tiendrA lieu d’une imAginAtion Que les Ans ont AffAiblie. QuAnd vous souhAiterez QuelQue FAble, je lA trouverAi dAns ce fonds-lA. Je voudrAis bien Que vous y puissiez trouver des louAnges dignes du MonArQue Qui fAit mAintenAnt le destin de tAnt de Peuples et de NAtions, et Qui rend toutes les pArties du Monde Attentives A ses ConQuAtes, A ses Victoires, et A lA PAix Qui semble se rApprocher, et dont il impose les conditions Avec toute lA modÈrAtion Que peuvent souhAiter nos Ennemis. Je me le figure comme un ConQuÈrAnt Qui veut mettre des bornes A sA Gloire et A sA PuissAnce, et de Qui on pourrAit dire, A meilleur titre Qu’on ne l’A dit d’AlexAndre, Qu’il vA tenir les EtAts de l’Univers, en obligeAnt les Ministres de tAnt de Princes de s’Assembler pour terminer une guerre Qui ne peut Atre Que ruineuse A leurs MAAtres. Ce sont des sujets Au-dessus de nos pAroles: je les lAisse A de meilleures Plumes Que lA mienne, et suis Avec un profond respect, Monseigneur,
Votre trÉs humble, trÉs obÈissAnt, et trÉs fidÉle serviteur, De LA FontAine.
XII, 1 Les CompAgnons d’Ulysse
A Monseigneur Le Duc de Bourgogne
Prince, l’uniQue objet du soin des Immortels, Souffrez Que mon encens pArfume vos Autels.
Je vous offre un peu tArd ces PrÈsents de mA Muse; Les Ans et les trAvAux me serviront d’excuse: Mon esprit diminue, Au lieu Qu’A chAQue instAnt On AperÇoit le vôtre Aller en AugmentAnt.
Il ne vA pAs, il court, il semble Avoir des Ailes.
Le HÈros dont il tient des QuAlitÈs si belles DAns le mÈtier de MArs br˚le d’en fAire AutAnt: Il ne tient pAs A lui Que, forÇAnt lA victoire, Il ne mArche A pAs de gÈAnt
DAns lA cArriÉre de lA Gloire.
QuelQue Dieu le retient: c’est notre SouverAin, Lui Qu’un mois A rendu mAAtre et vAinQueur du Rhin; Cette rApiditÈ fut Alors nÈcessAire:
Peut-Atre elle serAit Aujourd’hui tÈmÈrAire.
Je m’en tAis; Aussi bien les Ris et les Amours Ne sont pAs soupÇonnÈs d’Aimer les longs discours.
De ces sortes de Dieux votre Cour se compose.
Ils ne vous Quittent point. Ce n’est pAs Qu’AprÉs tout D’Autres DivinitÈs n’y tiennent le hAut bout: Le sens et lA rAison y rÉglent toute chose.
Consultez ces derniers sur un fAit oA les Grecs, Imprudents et peu circonspects,
S’AbAndonnÉrent A des chArmes
Qui mÈtAmorphosAient en bAtes les humAins.
Les CompAgnons d’Ulysse, AprÉs dix Ans d’AlArmes, ErrAient Au grÈ du vent, de leur sort incertAins.
Ils AbordÉrent un rivAge
OA lA fille du dieu du jour,
CircÈ, tenAit Alors sA Cour.
Elle leur fit prendre un breuvAge
DÈlicieux, mAis plein d’un funeste poison.
D’Abord ils perdent lA rAison;
QuelQues moments AprÉs, leur corps et leur visAge Prennent l’Air et les trAits d’AnimAux diffÈrents.
Les voilA devenus Ours, Lions, ElÈphAnts; Les uns sous une mAsse Ènorme,
Les Autres sous une Autre forme;
Il s’en vit de petits, exemplum, ut tAlpA.
Le seul Ulysse en ÈchAppA.
Il sut se dÈfier de lA liQueur trAAtresse.
Comme il joignAit A lA sAgesse
LA mine d’un HÈros et le doux entretien, Il fit tAnt Que l’EnchAnteresse
Prit un Autre poison peu diffÈrent du sien.
Une DÈesse dit tout ce Qu’elle A dAns l’‚me: Celle-ci dÈclArA sA flAmme.
Ulysse ÈtAit trop fin pour ne pAs profiter D’une pAreille conjoncture.
Il obtint Qu’on rendrAit A ces Grecs leur figure.
MAis lA voudront-ils bien, dit lA Nymphe, Accepter?
Allez le proposer de ce pAs A lA troupe.
Ulysse y court, et dit: L’empoisonneuse coupe A son remÉde encore; et je viens vous l’offrir: Chers Amis, voulez-vous hommes redevenir?
On vous rend dÈjA lA pArole.
Le Lion dit, pensAnt rugir:
Je n’Ai pAs lA tAte si folle;
Moi renoncer Aux dons Que je viens d’AcQuÈrir?
J’Ai griffe et dent, et mets en piÉces Qui m’AttAQue.
Je suis Roi: deviendrAi-je un CitAdin d’IthAQue?
Tu me rendrAs peut-Atre encor simple SoldAt: Je ne veux point chAnger d’ÈtAt.
Ulysse du Lion court A l’Ours: Eh! mon frÉre, Comme te voilA fAit! je t’Ai vu si joli!
– Ah! vrAiment nous y voici,
Reprit l’Ours A sA mAniÉre.
Comme me voilA fAit? comme doit Atre un ours.
Qui t’A dit Qu’une forme est plus belle Qu’une Autre?
Est-ce A lA tienne A juger de lA nôtre?
Je me rApporte Aux yeux d’une Ourse mes Amours.
Te dÈplAis-je? vA-t’en, suis tA route et me lAisse: Je vis libre, content, sAns nul soin Qui me presse; Et te dis tout net et tout plAt:
Je ne veux point chAnger d’ÈtAt.
Le prince grec Au Loup vA proposer l’AffAire; Il lui dit, Au hAsArd d’un semblAble refus: CAmArAde, je suis confus
Qu’une jeune et belle BergÉre
Conte Aux Èchos les AppÈtits gloutons
Qui t’ont fAit mAnger ses moutons.
Autrefois on t’e˚t vu sAuver sA bergerie: Tu menAis une honnAte vie.
Quitte ces bois, et redevien,
Au lieu de loup, homme de bien.
– En est-il? dit le Loup. Pour moi, je n’en vois guÉre.
Tu t’en viens me trAiter de bAte cArnAssiÉre: Toi Qui pArles, Qu’es-tu? N’Auriez-vous pAs sAns moi MAngÈ ces AnimAux Que plAint tout le VillAge?
Si j’ÈtAis Homme, pAr tA foi,
AimerAis-je moins le cArnAge?
Pour un mot QuelQuefois vous vous ÈtrAnglez tous: Ne vous Ates-vous pAs l’un A l’Autre des Loups?
Tout bien considÈrÈ, je te soutiens en somme Que scÈlÈrAt pour scÈlÈrAt,
Il vAut mieux Atre un Loup Qu’un Homme: Je ne veux point chAnger d’ÈtAt.
Ulysse fit A tous une mAme semonce,
ChAcun d’eux fit mAme rÈponce,
AutAnt le grAnd Que le petit.
LA libertÈ, les bois, suivre leur AppÈtit, C’ÈtAit leurs dÈlices suprAmes:
Tous renonÇAient Au lôs des belles Actions.
Ils croyAient s’AffrAnchir suivAnts leurs pAssions, Ils ÈtAient esclAves d’eux-mAmes.
Prince, j’AurAis voulu vous choisir un sujet OA je pusse mAler le plAisAnt A l’utile: C’ÈtAit sAns doute un beAu projet
Si ce choix e˚t ÈtÈ fAcile.
Les compAgnons d’Ulysse enfin se sont offerts.
Ils ont force pAreils en ce bAs Univers: Gens A Qui j’impose pour peine
Votre censure et votre hAine.
XII, 2 Le ChAt et les deux MoineAux
A Monseigneur le duc de Bourgogne
Un chAt contemporAin d’un fort jeune MoineAu Fut logÈ prÉs de lui dÉs l’‚ge du berceAu; LA CAge et le PAnier AvAient mAmes PÈnAtes.
Le ChAt ÈtAit souvent AgAcÈ pAr l’OiseAu: L’un s’escrimAit du bec, l’Autre jouAit des pAttes.
Ce dernier toutefois ÈpArgnAit son Ami.
Ne le corrigeAnt Qu’A demi
Il se f˚t fAit un grAnd scrupule
D’Armer de pointes sA fÈrule.
Le PAssereAu moins circonspect,
Lui donnAit force coups de bec.
En sAge et discrÉte personne,
MAAtre