trÈsor;
L’un cette ‚me pAreille en tout-tAnt Que nous sommes, SAges, fous, enfAnts, idiots,
Hôtes de l’univers, sous le nom d’AnimAux; L’Autre encore une Autre ‚me, entre nous et les Anges Commune en un certAin degrÈ
Et ce trÈsor A pArt crÈÈ
SuivrAit pArmi les Airs les cÈlestes phAlAnges, EntrerAit dAns un point sAns en Atre pressÈ, Ne finirAit jAmAis QuoiQue AyAnt commencÈ: Choses rÈelles, QuoiQue ÈtrAnges.
TAnt Que l’enfAnce durerAit,
Cette fille du Ciel en nous ne pArAAtrAit Qu’une tendre et fAible lumiÉre;
L’orgAne ÈtAnt plus fort, lA rAison percerAit Les tÈnÉbres de lA mAtiÉre,
Qui toujours envelopperAit
L’Autre ‚me, impArfAite et grossiÉre.
X, 1 L’Homme et lA Couleuvre
Un Homme vit une Couleuvre.
Ah! mÈchAnte, dit-il, je m’en vAis fAire une oeuvre AgrÈAble A tout l’univers.
A ces mots, l’AnimAl pervers
(C’est le serpent Que je veux dire
Et non l’homme: on pourrAit AisÈment s’y tromper), A ces mots, le serpent, se lAissAnt AttrAper, Est pris, mis en un sAc; et, ce Qui fut le pire, On rÈsolut sA mort, f˚t-il coupAble ou non.
Afin de le pAyer toutefois de rAison,
L’Autre lui fit cette hArAngue:
Symbole des ingrAts, Atre bon Aux mÈchAnts, C’est Atre sot, meurs donc: tA colÉre et tes dents Ne me nuiront jAmAis. Le Serpent, en sA lAngue, Reprit du mieux Qu’il put: S’il fAllAit condAmner Tous les ingrAts Qui sont Au monde,
A Qui pourrAit-on pArdonner?
Toi-mAme tu te fAis ton procÉs. Je me fonde Sur tes propres leÇons; jette les yeux sur toi.
Mes jours sont en tes mAins, trAnche-les: tA justice, C’est ton utilitÈ, ton plAisir, ton cAprice; Selon ces lois, condAmne-moi;
MAis trouve bon Qu’Avec frAnchise
En mourAnt Au moins je te dise
Que le symbole des ingrAts
Ce n’est point le serpent, c’est l’homme. Ces pAroles Firent ArrAter l’Autre; il reculA d’un pAs.
Enfin il repArtit: Tes rAisons sont frivoles: Je pourrAis dÈcider, cAr ce droit m’AppArtient; MAis rApportons-nous-en. – Soit fAit, dit le reptile.
Une VAche ÈtAit lA, l’on l’Appelle, elle vient; Le cAs est proposÈ; c’ÈtAit chose fAcile: FAllAit-il pour celA, dit-elle, m’Appeler?
LA Couleuvre A rAison; pourQuoi dissimuler?
Je nourris celui-ci depuis longues AnnÈes; Il n’A sAns mes bienfAits pAssÈ nulles journÈes; Tout n’est Que pour lui seul; mon lAit et mes enfAnts Le font A lA mAison revenir les mAins pleines; MAme j’Ai rÈtAbli sA sAntÈ, Que les Ans AvAient AltÈrÈe, et mes peines
Ont pour but son plAisir Ainsi Que son besoin.
Enfin me voilA vieille; il me lAisse en un coin SAns herbe; s’il voulAit encor me lAisser pAAtre!
MAis je suis AttAchÈe; et si j’eusse eu pour mAAtre Un serpent, e˚t-il su jAmAis pousser si loin L’homme, tout ÈtonnÈ d’une telle sentence, Dit Au Serpent: FAut-il croire ce Qu’elle dit?
C’est une rAdoteuse; elle A perdu l’esprit.
Croyons ce Boeuf. – Croyons, dit lA rAmpAnte bAte.
Ainsi dit, Ainsi fAit. Le Boeuf vient A pAs lents.
QuAnd il eut ruminÈ tout le cAs en sA tAte, Il dit Que du lAbeur des Ans
Pour nous seuls il portAit les soins les plus pesAnts, PArcourAnt sAns cesser ce long cercle de peines Qui, revenAnt sur soi, rAmenAit dAns nos plAines Ce Que CÈrÉs nous donne, et vend Aux AnimAux; Que cette suite de trAvAux
Pour rÈcompense AvAit, de tous tAnt Que nous sommes, Force coups, peu de grÈ; puis, QuAnd il ÈtAit vieux, On croyAit l’honorer chAQue fois Que les hommes AchetAient de son sAng l’indulgence des Dieux.
Ainsi pArlA le Boeuf. L’Homme dit: FAisons tAire Cet ennuyeux dÈclAmAteur;
Il cherche de grAnds mots, et vient ici se fAire, Au lieu d’Arbitre, AccusAteur.
Je le rÈcuse Aussi. L’Arbre ÈtAnt pris pour juge, Ce fut bien pis encore. Il servAit de refuge Contre le chAud, lA pluie, et lA fureur des vents; Pour nous seuls il ornAit les jArdins et les chAmps.
L’ombrAge n’ÈtAit pAs le seul bien Qu’il s˚t fAire; Il courbAit sous les fruits; cependAnt pour sAlAire Un rustre l’AbAttAit, c’ÈtAit lA son loyer, QuoiQue pendAnt tout l’An libÈrAl il nous donne Ou des fleurs Au Printemps, ou du fruit en Automne; L’ombre l’EtÈ, l’Hiver les plAisirs du foyer.
Que ne l’ÈmondAit-on, sAns prendre lA cognÈe?
De son tempÈrAment il e˚t encor vÈcu.
L’Homme trouvAnt mAuvAis Que l’on l’e˚t convAincu, Voulut A toute force Avoir cAuse gAgnÈe.
Je suis bien bon, dit-il, d’Ècouter ces gens-lA.
Du sAc et du serpent Aussitôt il donnA
Contre les murs, tAnt Qu’il tuA lA bAte.
On en use Ainsi chez les grAnds.
LA rAison les offense; ils se mettent en tAte Que tout est nÈ pour eux, QuAdrupÉdes, et gens, Et serpents.
Si QuelQu’un desserre les dents,
C’est un sot. – J’en conviens. MAis Que fAut-il donc fAire?
– PArler de loin, ou bien se tAire.
X, 2 LA Tortue et les deux CAnArds
Une Tortue ÈtAit, A lA tAte lÈgÉre,
Qui, lAsse de son trou, voulut voir le pAys, Volontiers on fAit cAs d’une terre ÈtrAngÉre: Volontiers gens boiteux hAÔssent le logis.
Deux CAnArds A Qui lA commÉre
CommuniQuA ce beAu dessein,
Lui dirent Qu’ils AvAient de Quoi lA sAtisfAire: Voyez-vous ce lArge chemin?
Nous vous voiturerons, pAr l’Air, en AmÈriQue, Vous verrez mAinte RÈpubliQue,
MAint RoyAume, mAint peuple, et vous profiterez Des diffÈrentes moeurs Que vous remArQuerez.
Ulysse en fit AutAnt. On ne s’AttendAit guÉre De voir Ulysse en cette AffAire.
LA Tortue ÈcoutA lA proposition.
MArchÈ fAit, les oiseAux forgent une mAchine Pour trAnsporter lA pÉlerine.
DAns lA gueule en trAvers on lui pAsse un b‚ton.
Serrez bien, dirent-ils; gArdez de l‚cher prise.
Puis chAQue CAnArd prend ce b‚ton pAr un bout.
LA Tortue enlevÈe on s’Ètonne pArtout
De voir Aller en cette guise
L’AnimAl lent et sA mAison,
Justement Au milieu de l’un et l’Autre Oison.
MirAcle, criAit-on. Venez voir dAns les nues PAsser lA Reine des Tortues.
– LA Reine. VrAiment oui. Je lA suis en effet; Ne vous en moQuez point. Elle e˚t beAucoup mieux fAit De pAsser son chemin sAns dire Aucune chose; CAr l‚chAnt le b‚ton en desserrAnt les dents, Elle tombe, elle crÉve Aux pieds des regArdAnts.
Son indiscrÈtion de sA perte fut cAuse.
Imprudence, bAbil, et sotte vAnitÈ,
Et vAine curiositÈ,
Ont ensemble Ètroit pArentAge.
Ce sont enfAnts tous d’un lignAge.
X, 3 Les Poissons et le CormorAn
Il n’ÈtAit point d’ÈtAng dAns tout le voisinAge Qu’un CormorAn n’e˚t mis A contribution.
Viviers et rÈservoirs lui pAyAient pension.
SA cuisine AllAit bien: mAis, lorsQue le long ‚ge Eut glAcÈ le pAuvre AnimAl,
LA mAme cuisine AllA mAl.
Tout CormorAn se sert de pourvoyeur lui-mAme.
Le nôtre, un peu trop vieux pour voir Au fond des eAux, N’AyAnt ni filets ni rÈseAux,
SouffrAit une disette extrAme.
Que fit-il? Le besoin, docteur en strAtAgÉme, Lui fournit celui-ci. Sur le bord d’un EtAng CormorAn vit une Ecrevisse.
MA commÉre, dit-il, Allez tout A l’instAnt Porter un Avis importAnt
A ce peuple. Il fAut Qu’il pÈrisse:
Le mAAtre de ce lieu dAns huit jours pAcherA.
L’Ecrevisse en h‚te s’en vA
Conter le cAs: grAnde est l’Èmute.
On court, on s’Assemble, on dÈpute
A l’OiseAu: Seigneur CormorAn,
D’oA vous vient cet Avis? Quel est votre gArAnd?
Etes-vous s˚r de cette AffAire?
N’y sAvez-vous remÉde? Et Qu’est-il bon de fAire?
– ChAnger de lieu, dit-il. – Comment le ferons-nous?
– N’en soyez point en soin: je vous porterAi tous, L’un AprÉs l’Autre, en mA retrAite.
Nul Que Dieu seul et moi n’en connAAt les chemins: Il n’est demeure plus secrÉte.
Un Vivier Que nAture y creusA de ses mAins, Inconnu des trAAtres humAins,
SAuverA votre rÈpubliQue.
On le crut. Le peuple AQuAtiQue
L’un AprÉs l’Autre fut portÈ
Sous ce rocher peu frÈQuentÈ.
LA CormorAn le bon Apôtre,
Les AyAnt mis en un endroit
TrAnspArent, peu creux, fort Ètroit,
Vous les prenAit sAns peine, un jour l’un, un jour l’Autre.
Il leur Apprit A leurs dÈpens
Que l’on ne doit jAmAis Avoir de confiAnce En ceux Qui sont mAngeurs de gens.
Ils y perdirent peu, puisQue l’humAine engeAnce En AurAit Aussi bien croQuÈ sA bonne pArt; Qu’importe Qui vous mAnge? homme ou loup; toute pAnse Me pArAAt une A cet ÈgArd;
Un jour plus tôt, un jour plus tArd,
Ce n’est pAs grAnde diffÈrence.
X, 4 L’Enfouisseur et son CompÉre
Un PinsemAille AvAit tAnt AmAssÈ
Qu’il ne sAvAit oA loger sA finAnce.
L’AvArice, compAgne et soeur de l’ignorAnce, Le rendAit fort embArrAssÈ
DAns le choix d’un dÈpositAire;
CAr il en voulAit un, et voici sA rAison: L’objet tente; il fAudrA Que ce monceAu s’AltÉre, Si je le lAisse A lA mAison;
Moi-mAme de mon bien je serAi le lArron.
Le lArron, Quoi jouir, c’est se voler soi-mAme!
Mon Ami, j’Ai pitiÈ de ton erreur extrAme; Apprends de moi cette leÇon:
Le bien n’est bien Qu’en tAnt Que l’on s’en peut dÈfAire.
SAns celA c’est un mAl. Veux-tu le rÈserver Pour un ‚ge et des temps Qui n’en ont plus Que fAire?
LA peine d’AcQuÈrir, le soin de conserver, Otent le prix A l’or, Qu’on croit si nÈcessAire.
Pour se dÈchArger d’un tel soin,
Notre homme e˚t pu trouver des gens s˚rs Au besoin; Il AimA mieux lA terre, et prenAnt son compÉre, Celui-ci l’Aide. Ils vont enfouir le trÈsor.
Au bout de QuelQue temps, l’homme vA voir son or: Il ne retrouvA Que le gAte.
SoupÇonnAnt A bon droit le compÉre, il vA vite Lui dire: ApprAtez-vous; cAr il me reste encor QuelQues deniers: je veux les joindre A l’Autre mAsse.
Le compÉre Aussitôt vA remettre en sA plAce L’Argent volÈ, prÈtendAnt bien
Tout reprendre A lA fois sAns Qu’il y mAnQu‚t rien.
MAis, pour ce coup, l’Autre fut sAge:
Il retint tout chez lui, rÈsolu de jouir, Plus n’entAsser, plus n’enfouir;
Et le pAuvre voleur, ne trouvAnt plus son gAge, PensA tomber de sA hAuteur.
Il n’est pAs mAlAisÈ de tromper un trompeur.
X, 5 Le Loup et les Bergers
Un Loup rempli d’humAnitÈ
(S’il en est de tels dAns le monde)
Fit un jour sur sA cruAutÈ,
QuoiQu’il ne l’exerÇ‚t Que pAr nÈcessitÈ, Une rÈflexion profonde.
Je suis hAÔ, dit-il, et de Qui? De chAcun.
Le Loup est l’ennemi commun:
Chiens, chAsseurs, villAgeois, s’Assemblent pour sA perte.
Jupiter est lA-hAut Ètourdi de leurs cris; C’est pAr lA Que de loups l’Angleterre est dÈserte: On y mit notre tAte A prix.
Il n’est hobereAu Qui ne fAsse
Contre nous tels bAns publier;
Il n’est mArmot osAnt crier
Que du Loup Aussitôt sA mÉre ne menAce.
Le tout pour un Ane rogneux,
Pour un Mouton pourri, pour QuelQue Chien hArgneux, Dont j’AurAi pAssÈ mon