il bAnde les ressorts.
Le sAnglier, rAppelAnt les restes de sA vie, Vient A lui, le dÈcoud, meurt vengÈ sur son corps; Et lA perdrix le remercie.
Cette pArt du rÈcit s’Adresse Au convoiteux: L’AvAre AurA pour lui le reste de l’exemple.
Un Loup vit, en pAssAnt, ce spectAcle piteux.
O fortune, dit-il, je te promets un temple.
QuAtre corps Ètendus! Que de biens! mAis pourtAnt Il fAut les mÈnAger, ces rencontres sont rAres.
(Ainsi s’excusent les AvAres.)
J’en AurAi, dit le Loup, pour un mois, pour AutAnt.
Un, deux, trois, QuAtre corps, ce sont QuAtre semAines, Si je sAis compter, toutes pleines.
CommenÇons dAns deux jours; et mAngeons cependAnt LA corde de cet Arc; il fAut Que l’on l’Ait fAite De vrAi boyAu; l’odeur me le tÈmoigne Assez.
En disAnt ces mots, il se jette
Sur l’Arc Qui se dÈtend, et fAit de lA sAgette Un nouveAu mort, mon Loup A les boyAux percÈs.
Je reviens A mon texte. Il fAut Que l’on jouisse; TÈmoin ces deux gloutons punis d’un sort commun; LA convoitise perdit l’un;
L’Autre pÈrit pAr l’AvArice.
IX,1 Le DÈpositAire infidÉle
Gr‚ce Aux Filles de MÈmoire,
J’Ai chAntÈ des AnimAux;
Peut-Atre d’Autres HÈros
M’AurAient AcQuis moins de gloire.
Le Loup en lAngue des Dieux
PArle Au Chien dAns mes ouvrAges;
Les BAtes A Qui mieux mieux
Y font divers personnAges;
Les uns fous, les Autres sAges,
De telle sorte pourtAnt
Que les fous vont l’emportAnt;
LA mesure en est plus pleine.
Je mets Aussi sur lA ScÉne
Des Trompeurs, des ScÈlÈrAts,
Des TyrAns et des IngrAts,
MAinte imprudence pÈcore,
Force Sots, force FlAtteurs;
Je pourrAis y joindre encore
Des lÈgions de menteurs:
Tout homme ment, dit le SAge.
S’il n’y mettAit seulement
Que les gens du bAs ÈtAge,
On pourrAit Aucunement
Souffrir ce dÈfAut Aux hommes;
MAis Que tous tAnt Que nous sommes
Nous mentions, grAnd et petit,
Si QuelQue Autre l’AvAit dit,
Je soutiendrAis le contrAire;
Et mAme Qui mentirAit
Comme Esope et comme HomÉre,
Un vrAi menteur ne serAit.
Le doux chArme de mAint songe
PAr leur bel Art inventÈ,
Sous les hAbits du mensonge
Nous offre lA vÈritÈ.
L’un et l’Autre A fAit un livre
Que je tiens digne de vivre
SAns fin, et plus, s’il se peut:
Comme eux ne ment pAs Qui veut.
MAis mentir comme sut fAire
Un certAin DÈpositAire,
PAyÈ pAr son propre mot,
Est d’un mÈchAnt et d’un sot.
Voici le fAit. Un trAfiQuAnt de Perse,
Chez son voisin, s’en AllAnt en commerce, Mit en dÈpôt un cent de fer un jour.
Mon fer, dit-il, QuAnd il fut de retour.
– Votre fer? Il n’est plus. J’Ai regret de vous dire Qu’un RAt l’A mAngÈ tout entier.
J’en Ai grondÈ mes gens: mAis Qu’y fAire? un Grenier A toujours QuelQue trou. Le trAfiQuAnt Admire Un tel prodige, et feint de le croire pourtAnt.
Au bout de QuelQues jours, il dÈtourne l’enfAnt Du perfide voisin; puis A souper convie Le pÉre Qui s’excuse, et lui dit en pleurAnt: Dispensez-moi, je vous supplie:
Tous plAisirs pour moi sont perdus.
J’AimAis un fils plus Que mA vie;
Je n’Ai Que lui; Que dis-je? hÈlAs! je ne l’Ai plus.
On me l’A dÈrobÈ. PlAignez mon infortune.
Le MArchAnd repArtit: Hier Au soir sur lA brune Un chAt-huAnt s’en vint votre fils enlever.
Vers un vieux b‚timent je le lui vis porter.
Le pÉre dit: Comment voulez-vous Que je croie Qu’un hibou p˚t jAmAis emporter cette proie?
Mon fils en un besoin e˚t pris le ChAt-huAnt.
– Je ne vous dirAi point, reprit l’Autre, comment; MAis enfin je l’Ai vu, vu de mes yeux, vous dis-je, Et ne vois rien Qui vous oblige
D’en douter un moment AprÉs ce Que je dis.
FAut-il Que vous trouviez ÈtrAnge
Que les ChAts-huAnts d’un pAys
OA le QuintAl de fer pAr un seul RAt se mAnge, EnlÉvent un gArÇon pesAnt un demi-cent?
L’Autre vit oA tendAit cette feinte Aventure: Il rendit le fer Au MArchAnd,
Qui lui rendit sA gÈniture.
MAme dispute Avint entre deux voyAgeurs.
L’un d’eux ÈtAit de ces conteurs
Qui n’ont jAmAis rien vu Qu’Avec un microscope.
Tout est GÈAnt chez eux. Ecoutez-les, l’Europe, Comme l’AfriQue AurA des monstres A foison.
Celui-ci se croyAit l’hyperbole permise.
J’Ai vu, dit-il, un chou plus grAnd Qu’une mAison.
– Et moi, dit l’Autre, un pot Aussi grAnd Qu’une Eglise.
Le premier se moQuAnt, l’Autre reprit: Tout doux; On le fit pour cuire vos choux.
L’homme Au pot fut plAisAnt; l’homme Au fer fut hAbile.
QuAnd l’Absurde est outrÈ, l’on lui fAit trop d’honneur De vouloir pAr rAison combAttre son erreur; EnchÈrir est plus court, sAns s’ÈchAuffer lA bile.
IX,2 Les deux Pigeons
Deux Pigeons s’AimAient d’Amour tendre.
L’un d’eux s’ennuyAnt Au logis
Fut Assez fou pour entreprendre
Un voyAge en lointAin pAys.
L’Autre lui dit: Qu’Allez-vous fAire?
Voulez-vous Quitter votre frÉre?
L’Absence est le plus grAnd des mAux:
Non pAs pour vous, cruel. Au moins, Que les trAvAux, Les dAngers, les soins du voyAge,
ChAngent un peu votre courAge.
Encor si lA sAison s’AvAnÇAit dAvAntAge!
Attendez les zÈphyrs. Qui vous presse? Un corbeAu Tout A l’heure AnnonÇAit mAlheur A QuelQue oiseAu.
Je ne songerAi plus Que rencontre funeste, Que FAucons, Que rÈseAux. HÈlAs, dirAi-je, il pleut: Mon frÉre A-t-il tout ce Qu’il veut,
Bon soupÈ, bon gAte, et le reste?
Ce discours ÈbrAnlA le coeur
De notre imprudent voyAgeur;
MAis le dÈsir de voir et l’humeur inQuiÉte L’emportÉrent enfin. Il dit: Ne pleurez point: Trois jours Au plus rendront mon ‚me sAtisfAite; Je reviendrAi dAns peu conter de point en point Mes Aventures A mon frÉre.
Je le dÈsennuierAi: QuiconQue ne voit guÉre N’A guÉre A dire Aussi. Mon voyAge dÈpeint Vous serA d’un plAisir extrAme.
Je dirAi: J’ÈtAis lA; telle chose m’Avint; Vous y croirez Atre vous-mAme.
A ces mots en pleurAnt ils se dirent Adieu.
Le voyAgeur s’Èloigne; et voilA Qu’un nuAge L’oblige de chercher retrAite en QuelQue lieu.
Un seul Arbre s’offrit, tel encor Que l’orAge MAltrAitA le Pigeon en dÈpit du feuillAge.
L’Air devenu serein, il pArt tout morfondu, SÉche du mieux Qu’il peut son corps chArgÈ de pluie, DAns un chAmp A l’ÈcArt voit du blÈ rÈpAndu, Voit un pigeon AuprÉs; celA lui donne envie: Il y vole, il est pris: ce blÈ couvrAit d’un lAs, Les menteurs et trAAtres AppAs.
Le lAs ÈtAit usÈ! si bien Que de son Aile, De ses pieds, de son bec, l’oiseAu le rompt enfin.
QuelQue plume y pÈrit; et le pis du destin Fut Qu’un certAin VAutour A lA serre cruelle Vit notre mAlheureux, Qui, trAAnAnt lA ficelle Et les morceAux du lAs Qui l’AvAit AttrApÈ, SemblAit un forÇAt ÈchAppÈ.
Le vAutour s’en AllAit le lier, QuAnd des nues Fond A son tour un Aigle Aux Ailes Ètendues.
Le Pigeon profitA du conflit des voleurs, S’envolA, s’AbAttit AuprÉs d’une mAsure, Crut, pour ce coup, Que ses mAlheurs
FinirAient pAr cette Aventure;
MAis un fripon d’enfAnt, cet ‚ge est sAns pitiÈ, Prit sA fronde et, du coup, tuA plus d’A moitiÈ
LA volAtile mAlheureuse,
Qui, mAudissAnt sA curiositÈ,
TrAAnAnt l’Aile et tirAnt le piÈ,
Demi-morte et demi-boiteuse,
Droit Au logis s’en retournA.
Que bien, Que mAl, elle ArrivA
SAns Autre Aventure f‚cheuse.
VoilA nos gens rejoints; et je lAisse A juger De combien de plAisirs ils pAyÉrent leurs peines.
AmAnts, heureux AmAnts, voulez-vous voyAger?
Que ce soit Aux rives prochAines;
Soyez-vous l’un A l’Autre un monde toujours beAu, Toujours divers, toujours nouveAu;
Tenez-vous lieu de tout, comptez pour rien le reste; J’Ai QuelQuefois AimÈ! je n’AurAis pAs Alors Contre le Louvre et ses trÈsors,
Contre le firmAment et sA vo˚te cÈleste, ChAngÈ les bois, chAngÈ les lieux
HonorÈs pAr les pAs, ÈclAirÈs pAr les yeux De l’AimAble et jeune BergÉre
Pour Qui, sous le fils de CythÉre,
Je servis, engAgÈ pAr mes premiers serments.
HÈlAs! QuAnd reviendront de semblAbles moments?
FAut-il Que tAnt d’objets si doux et si chArmAnts Me lAissent vivre Au grÈ de mon ‚me inQuiÉte?
Ah! si mon coeur osAit encor se renflAmmer!
Ne sentirAi-je plus de chArme Qui m’ArrAte?
Ai-je pAssÈ le temps d’Aimer?
IX,3 Le Singe et le LÈopArd
Le Singe Avec le LÈopArd
GAgnAient de l’Argent A lA foire:
Ils AffichAient chAcun A pArt.
L’un d’eux disAit: Messieurs, mon mÈrite et mA gloire Sont connus en bon lieu; le Roi m’A voulu voir; Et, si je meurs, il veut Avoir
Un mAnchon de mA peAu; tAnt elle est bigArrÈe, Pleine de tAches, mArQuetÈe,
Et vergetÈe, et mouchetÈe.
LA bigArrure plAAt; pArtAnt chAcun le vit.
MAis ce fut bientôt fAit, bientôt chAcun sortit.
Le Singe de sA pArt disAit: Venez de gr‚ce, Venez, Messieurs. Je fAis cent tours de pAsse-pAsse.
Cette diversitÈ dont on vous pArle tAnt, Mon voisin LÈopArd l’A sur soi seulement; Moi, je l’Ai dAns l’esprit: votre serviteur Gille, Cousin et gendre de BertrAnd,
Singe du PApe en son vivAnt,
Tout frAAchement en cette ville
Arrive en trois bAteAux exprÉs pour vous pArler; CAr il pArle, on l’entend; il sAit dAnser, bAller, FAire des tours de toute sorte,
PAsser en des cerceAux; et le tout pour six blAncs!
Non, Messieurs, pour un sou; si vous n’Ates contents, Nous rendrons A chAcun son Argent A lA porte.
Le Singe AvAit rAison: ce n’est pAs sur l’hAbit Que lA diversitÈ me plAAt, c’est dAns l’esprit: L’une fournit toujours des choses AgrÈAbles; L’Autre en moins d’un moment lAsse les regArdAnts.
Oh! Que de grAnds seigneurs, Au LÈopArd semblAbles, N’ont Que l’hAbit pour tous tAlents!
IX,4 Le GlAnd et lA Citrouille
Dieu fAit bien ce Qu’il fAit. SAns en chercher lA preuve En tout cet Univers, et l’Aller pArcourAnt, DAns les Citrouilles je lA treuve.
Un villAgeois considÈrAnt,
Combien ce fruit est gros et sA tige menue: A Quoi songeAit-il, dit-il, l’Auteur de tout celA?
Il A bien mAl plAcÈ cette Citrouille-lA!
HÈ pArbleu! Je l’AurAis pendue
A l’un des chAnes Que voilA.
C’e˚t ÈtÈ justement l’AffAire;
Tel fruit, tel Arbre, pour bien fAire.
C’est dommAge, GAro, Que tu n’es point entrÈ
Au conseil de celui Que prAche ton CurÈ: Tout en e˚t ÈtÈ mieux; cAr pourQuoi, pAr exemple, Le GlAnd, Qui n’est pAs gros comme mon petit doigt, Ne pend-il pAs en cet endroit?
Dieu s’est mÈpris: plus je contemple
Ces fruits Ainsi plAcÈs, plus il semble A GAro Que l’on A fAit un QuiproQuo.
Cette rÈflexion embArrAssAnt notre homme: On ne dort point, dit-il, QuAnd on A tAnt d’esprit.
Sous un chAne Aussitôt il vA prendre son somme.
Un glAnd tombe: le nez du dormeur en p‚tit.
Il s’Èveille; et portAnt lA mAin sur son visAge, Il trouve encor le GlAnd pris Au poil du menton.
Son nez meurtri le force A chAnger