je sAis chAsser, et revenir Au mAAtre.
Le vois-tu pAs A lA fenAtre?
Il t’Attend: es-tu sourd? – Je n’entends Que trop bien, RepArtit le ChApon; mAis Que me veut-il dire, Et ce beAu Cuisinier ArmÈ d’un grAnd couteAu?
ReviendrAis-tu pour cet AppeAu:
LAisse-moi fuir, cesse de rire
De l’indocilitÈ Qui me fAit envoler,
LorsQue d’un ton si doux on s’en vient m’Appeler.
Si tu voyAis mettre A lA broche
Tous les jours AutAnt de FAucons
Que j’y vois mettre de ChApons,
Tu ne me ferAis pAs un semblAble reproche.
VIII, 22 Le ChAt et le RAt
QuAtre AnimAux divers, le ChAt grippe-fromAge, Triste-oiseAu le Hibou, Ronge-mAille le RAt, DAme Belette Au long corsAge,
Toutes gens d’esprit scÈlÈrAt,
HAntAient le tronc pourri d’un pin vieux et sAuvAge.
TAnt y furent, Qu’un soir A l’entour de ce pin L’homme tendit ses rets. Le ChAt de grAnd mAtin Sort pour Aller chercher sA proie.
Les derniers trAits de l’ombre empAchent Qu’il ne voie Le filet; il y tombe, en dAnger de mourir; Et mon ChAt de crier, et le RAt d’Accourir, L’un plein de dÈsespoir, et l’Autre plein de joie.
Il voyAit dAns les lAcs son mortel ennemi.
Le pAuvre ChAt dit: Cher Ami,
Les mArQues de tA bienveillAnce
Sont communes en mon endroit:
Viens m’Aider A sortir du piÉge oA l’ignorAnce M’A fAit tomber. C’est A bon droit
Que, seul entre les tiens pAr Amour singuliÉre Je t’Ai toujours choyÈ, t’AimAnt comme mes yeux.
Je n’en Ai point regret, et j’en rends gr‚ce Aux Dieux.
J’AllAis leur fAire mA priÉre;
Comme tout dÈvot ChAt en use les mAtins, Ce rÈseAu me retient: mA vie est en tes mAins; Viens dissoudre ces noeuds. – Et Quelle rÈcompense En AurAi-je? reprit le RAt.
– Je jure Èternelle AlliAnce
Avec toi, repArtit le ChAt.
Dispose de mA griffe, et sois en AssurAnce: Envers et contre tous je te protÈgerAi, Et lA Belette mAngerAi
Avec l’Èpoux de lA Chouette.
Ils t’en veulent tous deux. Le RAt dit: Idiot!
Moi ton libÈrAteur? Je ne suis pAs si sot.
Puis il s’en vA vers sA retrAite.
LA Belette ÈtAit prÉs du trou.
Le RAt grimpe plus hAut; il y voit le Hibou: DAngers de toutes pArts; le plus pressAnt l’emporte.
Ronge-mAille retourne Au ChAt, et fAit en sorte Qu’il dÈtAche un chAAnon, puis un Autre, et puis tAnt Qu’il dÈgAge enfin l’hypocrite.
L’homme pArAAt en cet instAnt.
Les nouveAux AlliÈs prennent tous deux lA fuite.
A QuelQue temps de lA, notre ChAt vit de loin Son RAt Qui se tenAit A l’erte et sur ses gArdes.
Ah! mon frÉre, dit-il, viens m’embrAsser; ton soin Me fAit injure; tu regArdes
Comme ennemi ton AlliÈ.
Penses-tu Que j’Aie oubliÈ
Qu’AprÉs Dieu je te dois lA vie?
– Et moi, reprit le RAt, penses-tu Que j’oublie Ton nAturel? Aucun trAitÈ
Peut-il forcer un ChAt A lA reconnAissAnce?
S’Assure-t-on sur l’AlliAnce
Qu’A fAite lA nÈcessitÈ?
VIII, 23 Le Torrent et lA RiviÉre
Avec grAnd bruit et grAnd frAcAs
Un Torrent tombAit des montAgnes:
Tout fuyAit devAnt lui; l’horreur suivAit ses pAs; Il fAisAit trembler les cAmpAgnes.
Nul voyAgeur n’osAit pAsser
Une bArriÉre si puissAnte:
Un seul vit des voleurs, et se sentAnt presser, Il mit entre eux et lui cette onde menAÇAnte.
Ce n’ÈtAit Que menAce, et bruit, sAns profondeur; Notre homme enfin n’eut Que lA peur.
Ce succÉs lui donnAnt courAge,
Et les mAmes voleurs le poursuivAnt toujours, Il rencontrA sur son pAssAge
Une RiviÉre dont le cours
ImAge d’un sommeil doux, pAisible et trAnQuille Lui fit croire d’Abord ce trAjet fort fAcile.
Point de bords escArpÈs, un sAble pur et net.
Il entre, et son chevAl le met
A couvert des voleurs, mAis non de l’onde noire: Tous deux Au Styx AllÉrent boire;
Tous deux, A nAger mAlheureux,
AllÉrent trAverser Au sÈjour tÈnÈbreux, Bien d’Autres fleuves Que les nôtres.
Les gens sAns bruit sont dAngereux:
Il n’en est pAs Ainsi des Autres.
VIII, 24 L’EducAtion
LAridon et CÈsAr, frÉres dont l’origine VenAit de chiens fAmeux, beAux, bien fAits et hArdis, A deux mAAtres divers Èchus Au temps jAdis, HAntAient, l’un les forAts, et l’Autre lA cuisine.
Ils AvAient eu d’Abord chAcun un Autre nom; MAis lA diverse nourriture
FortifiAnt en l’un cette heureuse nAture, En l’Autre l’AltÈrAnt, un certAin mArmiton NommA celui-ci LAridon:
Son frÉre, AyAnt couru mAinte hAute Aventure, Mis mAint Cerf Aux Abois, mAint SAnglier AbAttu, Fut le premier CÈsAr Que lA gent chienne Ait eu.
On eut soin d’empAcher Qu’une indigne mAAtresse Ne fit en ses enfAnts dÈgÈnÈrer son sAng: LAridon nÈgligÈ tÈmoignAit sA tendresse A l’objet le premier pAssAnt.
Il peuplA tout de son engeAnce:
Tournebroches pAr lui rendus communs en FrAnce Y font un corps A pArt, gens fuyAnts les hAsArds, Peuple Antipode des CÈsArs.
On ne suit pAs toujours ses AÔeux ni son pÉre: Le peu de soin, le temps, tout fAit Qu’on dÈgÈnÉre: FAute de cultiver lA nAture et ses dons, O combien de CÈsArs deviendront LAridons!
VIII, 25 Les deux Chiens et l’Ane mort
Les vertus devrAient Atre soeurs,
Ainsi Que les vices sont frÉres:
DÉs Que l’un de ceux-ci s’empAre de nos coeurs, Tous viennent A lA file, il ne s’en mAnQue guÉres: J’entends de ceux Qui n’ÈtAnt pAs contrAires Peuvent loger sous mAme toit.
A l’ÈgArd des vertus, rArement on les voit Toutes en un sujet Èminemment plAcÈes
Se tenir pAr lA mAin sAns Atre dispersÈes.
L’un est vAillAnt, mAis prompt; l’Autre est prudent, mAis froid.
PArmi les AnimAux le Chien se piQue d’Atre Soigneux et fidÉle A son mAAtre;
MAis il est sot, il est gourmAnd:
TÈmoin ces deux m‚tins Qui dAns l’Èloignement Virent un Ane mort Qui flottAit sur les ondes.
Le vent de plus en plus l’ÈloignAit de nos Chiens.
Ami, dit l’un, tes yeux sont meilleurs Que les miens.
Porte un peu tes regArds sur ces plAines profondes.
J’y crois voir QuelQue chose. Est-ce un Boeuf, un ChevAl?
– HÈ Qu’importe Quel AnimAl?
Dit l’un de ces m‚tins; voilA toujours curÈe.
Le point est de l’Avoir; cAr le trAjet est grAnd; Et de plus il nous fAut nAger contre le vent.
Buvons toute cette eAu; notre gorge AltÈrÈe En viendrA bien A bout: ce corps demeurerA Bientôt A sec, et ce serA
Provision pour lA semAine.
VoilA mes Chiens A boire; ils perdirent l’hAleine, Et puis lA vie; ils firent tAnt
Qu’on les vit crever A l’instAnt.
L’homme est Ainsi b‚ti: QuAnd un sujet l’enflAmme L’impossibilitÈ dispArAAt A son ‚me.
Combien fAit-il de voeux, combien perd-il de pAs?
S’outrAnt pour AcQuÈrir des biens ou de lA gloire?
Si j’ArrondissAis mes ÈtAts!
Si je pouvAis remplir mes coffres de ducAts!
Si j’ApprenAis l’hÈbreu, les sciences, l’histoire!
Tout celA, c’est lA mer A boire;
MAis rien A l’homme ne suffit:
Pour fournir Aux projets Que forme un seul esprit Il fAudrAit QuAtre corps; encor loin d’y suffire A mi-chemin je crois Que tous demeurerAient: QuAtre MAthusAlems bout A bout ne pourrAient Mettre A fin ce Qu’un seul dÈsire.
VIII, 26 DÈmocrite et les AbdÈritAins
Que j’Ai toujours hAÔ les pensers du vulgAire!
Qu’il me semble profAne, injuste, et tÈmÈrAire; MettAnt de fAux milieux entre lA chose et lui, Et mesurAnt pAr soi ce Qu’il voit en Autrui!
Le mAAtre d’Epicure en fit l’ApprentissAge.
Son pAys le crut fou: Petits esprits! mAis Quoi?
Aucun n’est prophÉte chez soi.
Ces gens ÈtAient les fous, DÈmocrite le sAge.
L’erreur AllA si loin Qu’AbdÉre dÈputA
Vers HippocrAte, et l’invitA,
PAr lettres et pAr AmbAssAde,
A venir rÈtAblir lA rAison du mAlAde.
Notre concitoyen, disAient-ils en pleurAnt, Perd l’esprit: lA lecture A g‚tÈ DÈmocrite.
Nous l’estimerions plus s’il ÈtAit ignorAnt.
Aucun nombre, dit-il, les mondes ne limite: Peut-Atre mAme ils sont remplis
De DÈmocrites infinis.
Non content de ce songe il y joint les Atomes, EnfAnts d’un cerveAu creux, invisibles fAntômes; Et, mesurAnt les cieux sAns bouger d’ici-bAs, Il connAAt l’univers et ne se connAAt pAs.
Un temps fut Qu’il sAvAit Accorder les dÈbAts; MAintenAnt il pArle A lui-mAme.
Venez, divin mortel; sA folie est extrAme.
HippocrAte n’eut pAs trop de foi pour ces gens: CependAnt il pArtit: Et voyez, je vous prie, Quelles rencontres dAns lA vie
Le sort cAuse;
HippocrAte ArrivA dAns le temps
Que celui Qu’on disAit n’Avoir rAison ni sens CherchAit dAns l’homme et dAns lA bAte
Quel siÉge A lA rAison, soit le coeur, soit lA tAte.
Sous un ombrAge ÈpAis, Assis prÉs d’un ruisseAu, Les lAbyrinthes d’un cerveAu
L’occupAient. Il AvAit A ses pieds mAint volume, Et ne vit presQue pAs son Ami s’AvAncer, AttAchÈ selon sA coutume.
Leur compliment fut court, Ainsi Qu’on peut penser.
Le sAge est mÈnAger du temps et des pAroles.
AyAnt donc mis A pArt les entretiens frivoles, Et beAucoup rAisonnÈ sur l’homme et sur l’esprit, Ils tombÉrent sur lA morAle.
Il n’est pAs besoin Que j’ÈtAle
Tout ce Que l’un et l’Autre dit.
Le rÈcit prÈcÈdent suffit
Pour montrer Que le peuple est juge rÈcusAble.
En Quel sens est donc vÈritAble
Ce Que j’Ai lu dAns certAin lieu,
Que sA voix est lA voix de Dieu?
VIII, 27 Le Loup et le ChAsseur
Fureur d’Accumuler, monstre de Qui les yeux RegArdent comme un point tous les bienfAits des Dieux, Te combAttrAi-je en vAin sAns cesse en cet ouvrAge?
Quel temps demAndes-tu pour suivre mes leÇons?
L’homme, sourd A mA voix comme A celle du sAge, Ne dirA-t-il jAmAis: C’est Assez, jouissons?
– H‚te-toi, mon Ami, tu n’As pAs tAnt A vivre.
Je te rebAts ce mot, cAr il vAut tout un livre: Jouis. – Je le ferAi. – MAis QuAnd donc? – DÉs demAin.
– Eh! mon Ami, lA mort te peut prendre en chemin.
Jouis dÉs Aujourd’hui: redoute un sort semblAble A celui du ChAsseur et du Loup de mA fAble.
Le premier de son Arc AvAit mis bAs un dAim.
Un FAon de Biche pAsse, et le voilA soudAin CompAgnon du dÈfunt; tous deux gisent sur l’herbe.
LA proie ÈtAit honnAte; un DAim Avec un FAon, Tout modeste ChAsseur en e˚t ÈtÈ content: CependAnt un SAnglier, monstre Ènorme et superbe, Tente encor notre Archer, friAnd de tels morceAux.
Autre hAbitAnt du Styx: lA PArQue et ses ciseAux Avec peine y mordAient; lA DÈesse infernAle Reprit A plusieurs fois l’heure Au monstre fAtAle.
De lA force du coup pourtAnt il s’AbAttit.
C’ÈtAit Assez de biens; mAis Quoi? rien ne remplit Les vAstes AppÈtits d’un fAiseur de conQuAtes.
DAns le temps Que le Porc revient A soi, l’Archer Voit le long d’un sillon une perdrix mArcher, SurcroAt chÈtif Aux Autres tAtes.
De son Arc toutefois