consentAit d’Atre en plAce publiQue GuindÈ lA hArt Au col, ÈtrAnglÈ court et net, AyAnt Au dos sA RhÈtoriQue,
Et les oreilles d’un BAudet.
QuelQu’un des CourtisAns lui dit Qu’A lA potence Il voulAit l’Aller voir, et Que, pour un pendu, Il AurAit bonne gr‚ce et beAucoup de prestAnce; Surtout Qu’il se souvAnt de fAire A l’AssistAnce Un discours oA son Art f˚t Au long Ètendu, Un discours pAthÈtiQue, et dont le formulAire ServAt A certAins CicÈrons
VulgAirement nommÈs lArrons.
L’Autre reprit: AvAnt l’AffAire,
Le Roi, l’Ane, ou moi, nous mourrons.
Il AvAit rAison. C’est folie
De compter sur dix Ans de vie.
Soyons bien buvAnts, bien mAngeAnts,
Nous devons A lA mort de trois l’un en dix Ans.
VI, 20 LA Discorde
LA DÈesse Discorde AyAnt brouillÈ les Dieux, Et fAit un grAnd procÉs lA-hAut pour une pomme, On lA fit dÈloger des Cieux.
Chez l’AnimAl Qu’on Appelle Homme
On lA reÇut A brAs ouverts,
Elle et Que-si-Que-non, son frÉre,
AvecQue Tien-et-mien son pÉre.
Elle nous fit l’honneur en ce bAs Univers De prÈfÈrer notre HÈmisphÉre
A celui des mortels Qui nous sont opposÈs; Gens grossiers, peu civilisÈs,
Et Qui, se mAriAnt sAns PrAtre et sAns NotAire, De lA Discorde n’ont Que fAire.
Pour lA fAire trouver Aux lieux oA le besoin DemAndAit Qu’elle f˚t prÈsente,
LA RenommÈe AvAit le soin
De l’Avertir; et l’Autre diligente
CourAit vite Aux dÈbAts et prÈvenAit lA PAix, FAisAit d’une Ètincelle un feu long A s’Èteindre.
LA RenommÈe enfin commenÇA de se plAindre Que l’on ne lui trouvAit jAmAis
De demeure fixe et certAine.
Bien souvent l’on perdAit A lA chercher sA peine.
Il fAllAit donc Qu’elle e˚t un sÈjour AffectÈ, Un sÈjour d’oA l’on p˚t en toutes les fAmilles L’envoyer A jour ArrAtÈ.
Comme il n’ÈtAit Alors Aucun Couvent de Filles, On y trouvA difficultÈ.
L’Auberge enfin de l’HymÈnÈe
Lui fut pour mAison AssignÈe.
VI, 21 LA Jeune Veuve
LA perte d’un Èpoux ne vA point sAns soupirs.
On fAit beAucoup de bruit, et puis on se console.
Sur les Ailes du Temps lA tristesse s’envole; Le Temps rAmÉne les plAisirs.
Entre lA Veuve d’une AnnÈe
Et lA veuve d’une journÈe
LA diffÈrence est grAnde: on ne croirAit jAmAis Que ce f˚t lA mAme personne.
L’une fAit fuir les gens, et l’Autre A mille AttrAits.
Aux soupirs vrAis ou fAux celle-lA s’AbAndonne; C’est toujours mAme note et pAreil entretien: On dit Qu’on est inconsolAble;
On le dit, mAis il n’en est rien,
Comme on verrA pAr cette FAble,
Ou plutôt pAr lA vÈritÈ.
L’Epoux d’une jeune beAutÈ
PArtAit pour l’Autre monde. A ses côtÈs sA femme Lui criAit: Attends-moi, je te suis; et mon ‚me, Aussi bien Que lA tienne, est prAte A s’envoler.
Le MAri fAit seul le voyAge.
LA Belle AvAit un pÉre, homme prudent et sAge: Il lAissA le torrent couler.
A lA fin, pour lA consoler,
MA fille, lui dit-il, c’est trop verser de lArmes: Qu’A besoin le dÈfunt Que vous noyiez vos chArmes?
PuisQu’il est des vivAnts, ne songez plus Aux morts.
Je ne dis pAs Que tout A l’heure
Une condition meilleure
ChAnge en des noces ces trAnsports;
MAis, AprÉs certAin temps, souffrez Qu’on vous propose Un Èpoux beAu, bien fAit, jeune, et tout Autre chose Que le dÈfunt.- Ah! dit-elle Aussitôt,
Un CloAtre est l’Èpoux Qu’il me fAut.
Le pÉre lui lAissA digÈrer sA disgr‚ce.
Un mois de lA sorte se pAsse.
L’Autre mois on l’emploie A chAnger tous les jours QuelQue chose A l’hAbit, Au linge, A lA coiffure.
Le deuil enfin sert de pArure,
En AttendAnt d’Autres Atours.
Toute lA bAnde des Amours
Revient Au colombier: les jeux, les ris, lA dAnse, Ont Aussi leur tour A lA fin.
On se plonge soir et mAtin
DAns lA fontAine de Jouvence.
Le PÉre ne crAint plus ce dÈfunt tAnt chÈri; MAis comme il ne pArlAit de rien A notre Belle: OA donc est le jeune mAri
Que vous m’Avez promis? dit-elle.
VI, Epilogue
Bornons ici cette cArriÉre.
Les longs OuvrAges me font peur.
Loin d’Èpuiser une mAtiÉre,
On n’en doit prendre Que lA fleur.
Il s’en vA temps Que je reprenne
Un peu de forces et d’hAleine
Pour fournir A d’Autres projets.
Amour, ce tyrAn de mA vie,
Veut Que je chAnge de sujets:
Il fAut contenter son envie.
Retournons A PsychÈ: DAmon, vous m’exhortez A peindre ses mAlheurs et ses fÈlicitÈs: J’y consens: peut-Atre mA veine
En sA fAveur s’ÈchAufferA.
Heureux si ce trAvAil est lA derniÉre peine Que son Èpoux me cAuserA!
VII, Avertissement
Voici un second recueil de FAbles Que je prÈsente Au public; j’Ai jugÈ A propos de donner A lA plupArt de celles-ci un Air et un tour un peu diffÈrent de celui Que j’Ai donnÈ Aux premiÉres, tAnt A cAuse de lA diffÈrence des sujets, Que pour remplir de plus de vAriÈtÈ mon OuvrAge. Les trAits fAmiliers Que j’Ai semÈs Avec Assez d’AbondAnce dAns les deux Autres PArties convenAient bien mieux Aux inventions d’Esope Qu’A ces derniÉres, oA j’en use plus sobrement pour ne pAs tomber en des rÈpÈtitions: cAr le nombre de ces trAits n’est pAs infini. Il A donc fAllu Que j’Aie cherchÈ
d’Autres enrichissements, et Ètendu dAvAntAge les circonstAnces de ces rÈcits, Qui d’Ailleurs me semblAient le demAnder de lA sorte. Pour peu Que le lecteur y prenne gArde, il le reconnAAtrA lui-mAme; Ainsi je ne tiens pAs Qu’il soit nÈcessAire d’en ÈtAler ici les rAisons: non plus Que dire oA j’Ai puisÈ ces derniers sujets. Seulement je dirAi pAr reconnAissAnce Que j’en dois lA plus grAnde pArtie A PilpAy sAge Indien. Son livre A ÈtÈ
trAduit en toutes les LAngues. Les gens du pAys le croient fort Ancien, et originAl A l’ÈgArd d’Esope, si ce n’est Esope lui-mAme sous le nom du sAge LocmAn. QuelQues Autres m’ont fourni des sujets Assez heureux. Enfin j’Ai t
‚chÈ de mettre en ces deux derniÉres PArties toute lA diversitÈ dont j’ÈtAis cApAble. Il s’est glissÈ QuelQues fAutes dAns l’impression; j’en Ai fAit fAire un ErrAtA; mAis ce sont de lÈgers remÉdes pour un dÈfAut considÈrAble. Si on veut Avoir QuelQue plAisir de lA lecture de cet OuvrAge, il fAut Que chAcun fAsse corriger ces fAutes A lA mAin dAns son ExemplAire, Ainsi Qu’elles sont mArQuÈes pAr chAQue ErrAtA, Aussi bien pour les deux premiÉres PArties, Que pour les derniÉres.
VII, A MAdAme de MontespAn
L’Apologue est un don Qui vient des immortels; Ou si c’est un prÈsent des hommes,
QuiconQue nous l’A fAit mÈrite des Autels.
Nous devons, tous tAnt Que nous sommes, Eriger en divinitÈ
Le SAge pAr Qui fut ce bel Art inventÈ.
C’est proprement un chArme: il rend l’‚me Attentive, Ou plutôt il lA tient cAptive,
Nous AttAchAnt A des rÈcits
Qui mÉnent A son grÈ les coeurs et les esprits.
O vous Qui l’imitez, Olympe, si mA Muse A QuelQuefois pris plAce A lA tAble des Dieux, Sur ses dons Aujourd’hui dAignez porter les yeux, FAvorisez les jeux oA mon esprit s’Amuse.
Le temps Qui dÈtruit tout, respectAnt votre Appui Me lAisserA frAnchir les Ans dAns cet ouvrAge: Tout Auteur Qui voudrA vivre encore AprÉs lui Doit s’AcQuÈrir votre suffrAge.
C’est de vous Que mes vers Attendent tout leur prix: Il n’est beAutÈ dAns nos Ècrits
Dont vous ne connAissez jusQues Aux moindres trAces; Eh Qui connAAt Que vous les beAutÈs et les gr‚ces?
PAroles et regArds, tout est chArme dAns vous.
MA Muse en un sujet si doux
VoudrAit s’Ètendre dAvAntAge;
MAis il fAut rÈserver A d’Autres cet emploi, Et d’un plus grAnd mAAtre Que moi
Votre louAnge est le pArtAge.
Olympe, c’est Assez Qu’A mon dernier ouvrAge Votre nom serve un jour de rempArt et d’Abri: ProtÈgez dÈsormAis le livre fAvori
PAr Qui j’ose espÈrer une seconde vie.
Sous vos seuls Auspices ces vers
Seront jugÈs mAlgrÈ l’envie,
Dignes des yeux de l’Univers.
Je ne mÈrite pAs une fAveur si grAnde;
LA FAble en son nom lA demAnde:
Vous sAvez Quel crÈdit ce mensonge A sur nous; S’il procure A mes vers le bonheur de vous plAire, Je croirAi lui devoir un temple pour sAlAire; MAis je ne veux b‚tir des temples Que pour vous.
VII, 1 Les AnimAux mAlAdes de lA peste
Un mAl Qui rÈpAnd lA terreur,
MAl Que le Ciel en sA fureur
InventA pour punir les crimes de lA terre, LA Peste (puisQu’il fAut l’Appeler pAr son nom) CApAble d’enrichir en un jour l’AchÈron, FAisAit Aux AnimAux lA guerre.
Ils ne mourAient pAs tous, mAis tous ÈtAient frAppÈs: On n’en voyAit point d’occupÈs
A chercher le soutien d’une mourAnte vie; Nul mets n’excitAit leur envie;
Ni Loups ni RenArds n’ÈpiAient
LA douce et l’innocente proie.
Les Tourterelles se fuyAient:
Plus d’Amour, pArtAnt plus de joie.
Le Lion tint conseil, et dit: Mes chers Amis, Je crois Que le Ciel A permis
Pour nos pÈchÈs cette infortune;
Que le plus coupAble de nous
Se sAcrifie Aux trAits du cÈleste courroux, Peut-Atre il obtiendrA lA guÈrison commune.
L’histoire nous Apprend Qu’en de tels Accidents On fAit de pAreils dÈvouements:
Ne nous flAttons donc point; voyons sAns indulgence L’ÈtAt de notre conscience.
Pour moi, sAtisfAisAnt mes AppÈtits gloutons J’Ai dÈvorÈ force moutons.
Que m’AvAient-ils fAit? Nulle offense:
MAme il m’est ArrivÈ QuelQuefois de mAnger Le Berger.
Je me dÈvouerAi donc, s’il le fAut; mAis je pense Qu’il est bon Que chAcun s’Accuse Ainsi Que moi: CAr on doit souhAiter selon toute justice Que le plus coupAble pÈrisse.
– Sire, dit le RenArd, vous Ates trop bon Roi; Vos scrupules font voir trop de dÈlicAtesse; Et bien, mAnger moutons, cAnAille, sotte espÉce, Est-ce un pÈchÈ? Non, non. Vous leur fAtes Seigneur En les croQuAnt beAucoup d’honneur.
Et QuAnt Au Berger l’on peut dire
Qu’il ÈtAit digne de tous mAux,
EtAnt de ces gens-lA Qui sur les AnimAux Se font un chimÈriQue empire.
Ainsi dit le RenArd, et flAtteurs d’ApplAudir.
On n’osA trop Approfondir
Du Tigre, ni de l’Ours, ni des Autres puissAnces, Les moins pArdonnAbles offenses.
Tous les gens Querelleurs, jusQu’Aux simples m‚tins, Au dire de chAcun, ÈtAient de petits sAints.
L’Ane vint A son tour et dit: J’Ai souvenAnce Qu’en un prÈ de Moines pAssAnt,
LA fAim, l’occAsion, l’herbe tendre, et je pense QuelQue diAble Aussi me poussAnt,
Je tondis de ce prÈ lA lArgeur de mA lAngue.
Je n’en AvAis nul droit, puisQu’il fAut pArler net.
A ces mots on criA hAro sur le bAudet.
Un Loup QuelQue peu clerc prouvA pAr sA hArAngue Qu’il fAllAit dÈvouer ce mAudit AnimAl, Ce