tAis; et ne veux leur cAuser nul ennui: Ce ne sont pAs lA mes AffAires.
IV, 10 Le ChAmeAu et les B‚tons flottAnts Le premier Qui vit un ChAmeAu
S’enfuit A cet objet nouveAu;
Le second ApprochA; le troisiÉme osA fAire Un licou pour le DromAdAire.
L’AccoutumAnce Ainsi nous rend tout fAmilier.
Ce Qui nous pArAissAit terrible et singulier S’Apprivoise Avec notre vue,
QuAnd ce vient A lA continue.
Et puisQue nous voici tombÈs sur ce sujet, On AvAit mis des gens Au guet,
Qui voyAnt sur les eAux de loin certAin objet, Ne purent s’empAcher de dire
Que c’ÈtAit un puissAnt nAvire.
QuelQues moments AprÉs, l’objet devient br˚lot, Et puis nAcelle, et puis bAllot,
Enfin b‚tons flottAnts sur l’onde.
J’en sAis beAucoup de pAr le monde
A Qui ceci conviendrAit bien:
De loin c’est QuelQue chose, et de prÉs ce n’est rien.
IV, 11 LA Grenouille et le RAt
Tel, comme dit Merlin, cuide engeigner Autrui, Qui souvent s’engeigne soi-mAme.
J’Ai regret Que ce mot soit trop vieux Aujourd’hui: Il m’A toujours semblÈ d’une Ènergie extrAme.
MAis Afin d’en venir Au dessein Que j’Ai pris, Un rAt plein d’embonpoint, grAs, et des mieux nourris, Et Qui ne connAissAit l’Avent ni le CArAme, Sur le bord d’un mArAis ÈgAyAit ses esprits.
Une Grenouille Approche, et lui dit en sA lAngue: Venez me voir chez moi, je vous ferAi festin.
Messire RAt promit soudAin:
Il n’ÈtAit pAs besoin de plus longue hArAngue.
Elle AllÈguA pourtAnt les dÈlices du bAin, LA curiositÈ, le plAisir du voyAge,
Cent rAretÈs A voir le long du mArÈcAge: Un jour il conterAit A ses petits-enfAnts Les beAutÈs de ces lieux, les moeurs des hAbitAnts, Et le gouvernement de lA chose publiQue AQuAtiQue.
Un point sAns plus tenAit le gAlAnd empAchÈ: Il nAgeAit QuelQue peu; mAis il fAllAit de l’Aide.
LA Grenouille A celA trouve un trÉs bon remÉde: Le RAt fut A son pied pAr lA pAtte AttAchÈ; Un brinc de jonc en fit l’AffAire.
DAns le mArAis entrÈs, notre bonne commÉre S’efforce de tirer son hôte Au fond de l’eAu, Contre le droit des gens, contre lA foi jurÈe; PrÈtend Qu’elle en ferA gorge-chAude et curÈe; (C’ÈtAit, A son Avis, un excellent morceAu).
DÈjA dAns son esprit lA gAlAnde le croQue.
Il Atteste les Dieux; lA perfide s’en moQue.
Il rÈsiste; elle tire. En ce combAt nouveAu, Un MilAn Qui dAns l’Air plAnAit, fAisAit lA ronde, Voit d’en hAut le pAuvret se dÈbAttAnt sur l’onde.
Il fond dessus, l’enlÉve, et, pAr mAme moyen LA Grenouille et le lien.
Tout en fut; tAnt et si bien,
Que de cette double proie
L’oiseAu se donne Au coeur joie,
AyAnt de cette fAÇon
A souper chAir et poisson.
LA ruse lA mieux ourdie
Peut nuire A son inventeur;
Et souvent lA perfidie
Retourne sur son Auteur.
IV, 12 Tribut envoyÈ pAr les AnimAux A AlexAndre Une FAble AvAit cours pArmi l’AntiQuitÈ, Et lA rAison ne m’en est pAs connue.
Que le Lecteur en tire une morAlitÈ.
Voici lA FAble toute nue.
LA RenommÈe AyAnt dit en cent lieux
Qu’un fils de Jupiter, un certAin AlexAndre, Ne voulAnt rien lAisser de libre sous les Cieux, CommAndAit Que sAns plus Attendre,
Tout peuple A ses pieds s’All‚t rendre, QuAdrupÉdes, HumAins, ElÈphAnts, VermisseAux, Les RÈpubliQues des OiseAux;
LA DÈesse Aux cent bouches, dis-je,
AyAnt mis pArtout lA terreur
En publiAnt l’Edit du nouvel Empereur,
Les AnimAux, et toute espÉce lige
De son seul AppÈtit, crurent Que cette fois Il fAllAit subir d’Autres lois.
On s’Assemble Au dÈsert. Tous Quittent leur tAniÉre.
AprÉs divers Avis, on rÈsout, on conclut D’envoyer hommAge et tribut.
Pour l’hommAge et pour lA mAniÉre,
Le Singe en fut chArgÈ: l’on lui mit pAr Ècrit Ce Que l’on voulAit Qui f˚t dit.
Le seul tribut les tint en peine.
CAr Que donner? il fAllAit de l’Argent.
On en prit d’un Prince obligeAnt,
Qui possÈdAnt dAns son domAine
Des mines d’or fournit ce Qu’on voulut.
Comme il fut Question de porter ce tribut, Le Mulet et l’Ane s’offrirent,
AssistÈs du ChevAl Ainsi Que du ChAmeAu.
Tous QuAtre en chemin ils se mirent,
Avec le Singe, AmbAssAdeur nouveAu.
LA CArAvAne enfin rencontre en un pAssAge Monseigneur le Lion. CelA ne leur plut point.
Nous nous rencontrons tout A point,
Dit-il, et nous voici compAgnons de voyAge.
J’AllAis offrir mon fAit A pArt;
MAis bien Qu’il soit lÈger, tout fArdeAu m’embArrAsse.
Obligez-moi de me fAire lA gr‚ce
Que d’en porter chAcun un QuArt.
Ce ne vous serA pAs une chArge trop grAnde, Et j’en serAi plus libre, et bien plus en ÈtAt, En cAs Que les Voleurs AttAQuent notre bAnde, Et Que l’on en vienne Au combAt.
Econduire un Lion rArement se prAtiQue.
Le voilA donc Admis, soulAgÈ, bien reÇu, Et, mAlgrÈ le HÈros de Jupiter issu,
FAisAnt chÉre et vivAnt sur lA bourse publiQue.
Ils ArrivÉrent dAns un prÈ
Tout bordÈ de ruisseAux, de fleurs tout diAprÈ, OA mAint Mouton cherchAit sA vie:
SÈjour du frAis, vÈritAble pArtie
Des ZÈphirs. Le Lion n’y fut pAs, Qu’A ces gens Il se plAignit d’Atre mAlAde.
Continuez votre AmbAssAde,
Dit-il; je sens un feu Qui me br˚le Au dedAns, Et veux chercher ici QuelQue herbe sAlutAire.
Pour vous, ne perdez point de temps:
Rendez-moi mon Argent, j’en puis Avoir AffAire.
On dÈbAlle; et d’Abord le Lion s’ÈcriA, D’un ton Qui tÈmoignAit sA joie:
Que de filles, ô Dieux, mes piÉces de monnoie Ont produites! Voyez; lA plupArt sont dÈjA Aussi grAndes Que leurs mÉres.
Le croAt m’en AppArtient. Il prit tout lA-dessus; Ou bien s’il ne prit tout, il n’en demeurA guÉres.
Le Singe et les sommiers confus,
SAns oser rÈpliQuer, en chemin se remirent.
Au fils de Jupiter on dit Qu’ils se plAignirent, Et n’en eurent point de rAison.
Qu’e˚t-il fAit? C’e˚t ÈtÈ Lion contre Lion; Et le proverbe dit: CorsAires A CorsAires, L’un l’Autre s’AttAQuAnt, ne font pAs leurs AffAires.
IV, 13 Le ChevAl s’ÈtAnt voulu venger du Cerf De tout temps les ChevAux ne sont nÈs pour les hommes.
LorsQue le genre humAin de glAnd se contentAit, Ane, ChevAl, et Mule, Aux forAts hAbitAit; Et l’on ne voyAit point, comme Au siÉcle oA nous sommes, TAnt de selles et tAnt de b‚ts,
TAnt de hArnois pour les combAts,
TAnt de chAises, tAnt de cArrosses,
Comme Aussi ne voyAit-on pAs
TAnt de festins et tAnt de noces.
Or un ChevAl eut Alors diffÈrent
Avec un Cerf plein de vitesse,
Et ne pouvAnt l’AttrAper en courAnt,
Il eut recours A l’Homme, implorA son Adresse.
L’Homme lui mit un frein, lui sAutA sur le dos, Ne lui donnA point de repos
Que le Cerf ne f˚t pris, et n’y lAiss‚t lA vie; Et celA fAit, le ChevAl remercie
L’Homme son bienfAiteur, disAnt: Je suis A vous; Adieu. Je m’en retourne en mon sÈjour sAuvAge.
– Non pAs celA, dit l’Homme; il fAit meilleur chez nous: Je vois trop Quel est votre usAge.
Demeurez donc; vous serez bien trAitÈ.
Et jusQu’Au ventre en lA litiÉre.
HÈlAs! Que sert lA bonne chÉre
QuAnd on n’A pAs lA libertÈ?
Le ChevAl s’AperÇut Qu’il AvAit fAit folie; MAis il n’ÈtAit plus temps: dÈjA son Ècurie EtAit prAte et toute b‚tie.
Il y mourut en trAAnAnt son lien.
SAge s’il e˚t remis une lÈgÉre offense.
Quel Que soit le plAisir Que cAuse lA vengeAnce, C’est l’Acheter trop cher, Que l’Acheter d’un bien SAns Qui les Autres ne sont rien.
IV, 14 Le RenArd et le Buste
Les GrAnds, pour lA plupArt, sont mAsQues de thÈ‚tre; Leur AppArence impose Au vulgAire idol‚tre.
L’Ane n’en sAit juger Que pAr ce Qu’il en voit.
Le RenArd Au contrAire A fond les exAmine, Les tourne de tout sens; et QuAnd il s’AperÇoit Que leur fAit n’est Que bonne mine,
Il leur AppliQue un mot Qu’un Buste de HÈros Lui fit dire fort A propos.
C’ÈtAit un Buste creux, et plus grAnd Que nAture.
Le RenArd, en louAnt l’effort de lA sculpture: Belle tAte, dit-il; mAis de cervelle point.
Combien de grAnds Seigneurs sont Bustes en ce point?
IV, 15 Le Loup, lA ChÉvre et le ChevreAu IV, 16 Le Loup, lA MÉre et l’EnfAnt
LA BiQue AllAnt remplir sA trAAnAnte mAmelle Et pAAtre l’herbe nouvelle,
FermA sA porte Au loQuet,
Non sAns dire A son BiQuet:
GArdez-vous sur votre vie
D’ouvrir Que l’on ne vous die,
Pour enseigne et mot du guet:
Foin du Loup et de sA rAce!
Comme elle disAit ces mots,
Le Loup de fortune pAsse;
Il les recueille A propos,
Et les gArde en sA mÈmoire.
LA BiQue, comme on peut croire,
N’AvAit pAs vu le glouton.
DÉs Qu’il lA voit pArtie, il contrefAit son ton, Et d’une voix pApelArde
Il demAnde Qu’on ouvre, en disAnt Foin du Loup, Et croyAnt entrer tout d’un coup.
Le BiQuet soupÇonneux pAr lA fente regArde.
Montrez-moi pAtte blAnche, ou je n’ouvrirAi point, S’ÈcriA-t-il d’Abord. (PAtte blAnche est un point Chez les Loups, comme on sAit, rArement en usAge.) Celui-ci, fort surpris d’entendre ce lAngAge, Comme il ÈtAit venu s’en retournA chez soi.
OA serAit le BiQuet s’il e˚t AjoutÈ foi Au mot du guet, Que de fortune
Notre Loup AvAit entendu?
Deux s˚retÈs vAlent mieux Qu’une,
Et le trop en celA ne fut jAmAis perdu.
Ce Loup me remet en mÈmoire
Un de ses compAgnons Qui fut encor mieux pris.
Il y pÈrit; voici l’histoire.
Un VillAgeois AvAit A l’ÈcArt son logis.
Messer Loup AttendAit chApe-chute A lA porte.
Il AvAit vu sortir gibier de toute sorte: VeAux de lAit, AgneAux et Brebis,
RÈgiments de Dindons, enfin bonne Provende.
Le lArron commenÇAit pourtAnt A s’ennuyer.
Il entend un enfAnt crier.
LA mÉre Aussitôt le gourmAnde,
Le menAce, s’il ne se tAit,
De le donner Au Loup. L’AnimAl se tient prAt, RemerciAnt les Dieux d’une telle Aventure, QuAnd lA MÉre, ApAisAnt sA chÉre gÈniture, Lui dit: Ne criez point; s’il vient, nous le tuerons.
– Qu’est ceci? s’ÈcriA le mAngeur de Moutons.
Dire d’un, puis d’un Autre? Est-ce Ainsi Que l’on trAite Les gens fAits comme moi? me prend-on pour un sot?
Que QuelQue jour ce beAu mArmot
Vienne Au bois cueillir lA noisette!
Comme il disAit ces mots, on sort de lA mAison: Un chien de cour l’ArrAte. Epieux et fourches-fiÉres L’Ajustent de toutes mAniÉres.
Que veniez-vous chercher en ce lieu? lui dit-on.
Aussitôt il contA l’AffAire.
Merci de moi, lui dit lA MÉre,
Tu mAngerAs mon Fils! L’Ai-je fAit A dessein Qu’il Assouvisse un jour tA fAim?
On AssommA lA pAuvre bAte.
Un mAnAnt lui coupA le pied droit et lA tAte: Le Seigneur du VillAge A sA porte les mit, Et ce dicton