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    2. Dans les mers du sud
    3. Chapitre 7
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    transformations successives et répugnantes, il se desséchât et devînt comme une sorte de momie. On dépose toujours des offrandes sur les tombes. À « Traitors bay », Mr. Osbourne vit un homme acheter un miroir pour le placer sur celle de son fils. Et le sentiment d’horreur que leur inspire la profanation des tombes, inconsidérément froissé par la construction de nouvelles routes, est une des causes principales de la haine des indigènes contre les Français.

    Le Marquisan voit venir avec effroi l’extinction prochaine de sa race. La pensée de la mort est assise à ses côtés tandis qu’il mange, et elle se lève avec lui de sa couche ; il vit et respire à l’ombre de cette menace, affreuse à supporter ; et il est si accoutumé à cette appréhension, qu’il en salue la réalisation avec soulagement. Il ne cherche même pas à supporter la moindre déception ; pour un affront, pour la rupture d’une de ses fugitives et faciles affaires d’amour, il demande un refuge immédiat à la tombe. Il est de mode, à présent, de se pendre. Trois cas de cette sorte se sont produits à l’ouest de Hiva-oa, durant la première moitié de 1888, mais quoique ce soit là une forme de suicide commune dans d’autres parties des mers du Sud, je ne puis croire qu’elle reste populaire aux îles Marquises. Bien plus appropriée au caractère marquisan est l’ancienne manière de s’empoisonner avec le fruit de l’eva ; il offre à celui qui veut se tuer, une mort cruelle mais délibérée, et lui donne le temps de vaquer à ce protocole de la dernière heure, auquel il attache une importance si remarquable. Le cercueil peut être préparé, les porcs tués, les lamentations des pleureurs s’élever déjà dans la maison ; alors seulement, le Marquisan prend conscience de la fin qui approche, le cercle de sa vie est fermé, ses vêtements (comme ceux de César !) ajustés pour l’acte final. « Ne louez aucun homme avant qu’il soit mort », disaient les anciens ; « n’enviez aucun homme avant d’avoir entendu les pleureurs », pourrait être la parodie des Marquisans. Le cercueil, quoique d’une importation récente, attire étrangement leur attention. Il est, pour un Marquisan déjà mûr, ce qu’une montre est pour un écolier en Europe. Depuis dix ans, la reine Vaekehu importunait les Pères pour en obtenir un ; à la fin, ces jours-ci seulement, ils remplirent son désir, lui donnèrent son cercueil, et l’âme de la pauvre femme est en repos. Je me suis laissé conter un plaisant exemple de la force de cette préoccupation. Les Polynésiens sont sujets à un mal qui semble relever plutôt de la volonté que du corps. On m’a dit que les Tahitiens avaient un mot pour le désigner, érimatua, mais je ne le trouve pas dans mon dictionnaire. Un gendarme, Mr. Nouveau, a vu des hommes atteints par le germe de cette maladie mentale ; il les chassait de leurs maisons, les obligeait de travailler sur les routes et, en deux jours, ils étaient guéris. Mais le remède suivant est plus original : un Marquisan, mourant de ce découragement – je devrais dire, peut-être, de cet acquiescement – a été vu, lors de l’accomplissement de son vœu suprême, à la seule vue de cet ermitage rêvé : son cercueil, revenant subitement à la vie, guérissant, repoussant la main de la mort, et reprenant pour des années ses occupations – sculptant des tikis (idoles), disons-le, ou huilant les « barbes de vieillard ». On conçoit, d’après tout ceci, avec quelle facilité ils accueillent la mort quand elle les approche naturellement. J’en recueillis un exemple, pittoresque et féroce. À l’époque où la petite vérole sévissait à Hapaa, un vieillard en fut atteint ; il n’avait aucun espoir de guérison ; il fit creuser sa tombe au bord de la route, et vécut dedans pendant près de quinze jours, mangeant, buvant, fumant avec tous ceux qui passaient par là, les entretenant de sa fin, et parfaitement indifférent à son sort, comme à celui des amis qu’il contaminait !

    Cette disposition au suicide, ce mol attachement à la vie n’est pas particulier aux Marquisans. Ce qui leur est particulier, c’est la dépression générale, et l’acceptation de leur fin nationale. Les plaisirs sont négligés, les danses languissent, les chansons sont oubliées. Il est vrai que quelques-uns, et peut-être un très grand nombre, sont condamnés ; mais beaucoup prendraient le dessus si l’esprit les soutenait et les vivifiait. À la dernière fête de la Bastille, Stanislas Moanatini pleura en constatant la morne attitude des danseurs.

    Quand les gens d’Anaho chantèrent pour nous, ils s’excusèrent du peu de variété de leur répertoire. Ils n’étaient là que des jeunes gens, nous dirent-ils, et les vieux seuls connaissaient les chansons. Ainsi tout l’ensemble de la poésie et de la musique marquisanes était appelé à disparaître par la faute d’une seule génération démoralisée. La pleine signification de ceci apparaît seulement à celui qui connaît les autres races polynésiennes ; qui sait comme le Samoan peut improviser une chanson nouvelle sur les moindres incidents, ou qui a entendu (à Penrhyn, par exemple) une bande de petites adolescentes, de huit à douze ans, chanter pendant des heures, sur un même thème, une chanson suivant l’autre sans interruption. De même, le Marquisan, rebelle à toute industrie, commence à cesser toute espèce de production. Leur bilan d’exportation décline hors de toute proportion même avec la mortalité des insulaires. « Le corail pousse, – le palmier croit – mais l’homme s’en va », dit le Marquisan, et il se croise les bras. Ainsi fait la nature.

    Si étrange que cela puisse paraître, nous ne travaillons et ne nous dominons nullement en vue des récompenses d’une autre vie, mais bien à cause du regard timide que nous jetons sur la vie et la mémoire de nos successeurs. Et là où nul de leur famille ou de leur race ne serait appelé à leur succéder, Rothschild chercherait-il à gagner de l’argent et Caton à pratiquer la vertu ? J’en doute. Il est naturel aussi que, parfois, un stimulant temporaire vienne tirer le Marquisan de sa léthargie. Tout le long de la côte d’Anaho, le coton croît comme de la mauvaise herbe ; homme ou femme, quiconque veut le ramasser peut gagner un dollar dans sa journée ; lors de notre arrivée, l’entrepôt du traitant en était absolument dépourvu ; et au moment de notre départ, il était presque plein. Aussi longtemps que nous jouâmes le rôle de cirque, et que le Casco fut à l’ancre dans la baie, tout le monde jugea convenable de faire une visite à bord ; et à cet effet, chaque femme dut avoir une robe neuve, et chaque homme une chemise et un pantalon. Jamais, au dire de Mr. Regler, on ne les avait vus déployer une pareille activité.

    Il y a dans leur découragement un élément d’effroi.

    La crainte des esprits et de l’obscurité est très profondément ancrée dans l’esprit des Polynésiens et non moins dans celui des Marquisans. Le pauvre Taipi, le chef d’Anaho, fut, une fois, contraint de se rendre, à cheval, à Hatiheu, par une nuit sans lune. Il emprunta une lanterne, resta assis longtemps, rassemblant tout son courage pour cette aventure, et lorsqu’enfin il se mit en route, il échangea des poignées de mains avec tout l’équipage du Casco, comme pour la dernière séparation. Certaines présences occultes appelées « vehinehae » fréquentent les routes, la nuit, et les rendent terribles ; elles forment comme un brouillard, m’a dit l’un, et au moment où le voyageur passe au travers, elles se dispersent et s’évanouissent ; un autre les décrivait comme ayant des formes humaines et des yeux de chats ; mais, d’aucun je ne pus obtenir le moindre éclaircissement touchant ce qu’elles faisaient et pourquoi elles inspiraient tant de crainte. En tous cas, à leurs yeux, elles incarnent les morts ; car dans l’esprit des insulaires, les morts sont toujours présents. >« Lorsqu’un indigène dit qu’il est un homme – écrit le Dr Codrington – il veut dire qu’il est un homme et point un esprit ; et non pas qu’il est un homme et point une bête. À ses yeux, les agents intelligents de ce monde sont les hommes vivants, et les esprits sont les hommes qui sont morts. » Le Dr Codrington parle de la Mélanésie ; mais d’après ce que j’ai appris, ses paroles peuvent également s’appliquer aux Polynésiens. Et ce n’est pas tout. Parmi les Polynésiens anthropophages, un soupçon terrible pèse généralement sur les morts, et les Marquisans, les plus cannibales de tous, n’ont pas de raison d’échapper à de pareilles croyances. À mon sens, les vehinehae sont les esprits affamés des morts qui continuent les embuscades cannibales, occupation de toute leur vie, et sont tapis partout, invisibles, avides de dévorer les vivants. Je réussis à découvrir une autre superstition à travers l’anglais confus de Tari-Coffin. Les morts, me dit-il, venaient et dansaient la nuit autour du paepae de leur ancienne famille. La famille se sentait, au même instant, bouleversée par une certaine émotion (pieuse tristesse ou frayeur ? je n’ai pu le deviner) et devait « faire une fête » dont le poisson, le porc et le popoi étaient les ingrédients indispensables. Jusque-là, tout est assez clair. Mais ici. Tari commença de me citer la nouvelle maison de Toma, et à me parler de la fête qui s’y préparait pour pendre la crémaillère, comme de deux exemples frappants. Devons-nous, réellement les rattacher l’un à l’autre et y ajouter l’exemple des ruines désertées, comme si les morts ne s’attaquaient qu’aux paepaes des vivants ? – comme s’ils n’étaient tenus à

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