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    2. Dans les mers du sud
    3. Chapitre 68
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    lorsqu’il a fini de vous interroger au sujet des contrées lointaines et de méditer vos récits, il vous regarde avec un sourire et vous rappelle : « J’ai reçu le pouvoir. »

    Non seulement sa possession mais aussi son exercice lui sont un sujet de délices. Il aime à suivre les sentiers tortueux et violents de la royauté comme un homme vigoureux aime à lutter à la course, et comme un artiste aime son métier. Sentir son pouvoir et en user, embellir son île et le tableau de la vie insulaire d’après un idéal privé, exploiter cette île vigoureusement, développer son singulier musée – tout ceci emploie délicieusement la somme de ses aptitudes. Je n’ai jamais vu un homme plus parfaitement adapté à sa situation.

    Telles que sont les choses, il semblerait que cette monarchie se fût transmise, intacte, de génération en génération. Et cependant elle date d’hier. J’étais déjà sur les bancs de l’école, que Apemama était encore une république, gouvernée par un bruyant conseil de « Vieux-Hommes » et déchirée par d’incessantes querelles intestines. Tembinok’ n’a donc rien d’un Bourbon ; mais plutôt du fils d’un Napoléon. Evidemment, il est de bonne naissance. Dans les îles du Pacifique, aucun homme ne peut aspirer à quelque dignité si sa généalogie ne remonte pas assez haut et jusqu’à des régions mythologiques. Et notre Roi cousine avec les plus illustres familles de l’Archipel et peut remonter, sur l’échelle de ses ascendants, jusqu’à un requin ! « Je crois cela mensonge », commente le Roi avec emphase ; et cependant, il est fier de la légende. Depuis cet illustre début, la fortune de la race semble avoir décliné ; et Tenkoruti, le grand-père de Tembinok’, était le chef d’un village à l’extrémité septentrionale de l’île. Kuria et Aranuka étaient encore indépendantes ; Apemama elle-même servait d’arène à des luttes dévastatrices. La figure de Tenkoruti s’élève, mémorable, au-dessus de cette période perturbée de l’histoire. Il se montrait dans les combats prompt et sanguinaire ; plusieurs villes furent anéanties sous ses coups et leurs habitants massacrés comme un seul homme. Dans la vie civile, son arrogance défiait toute comparaison. Quand le conseil des Vieux-Hommes s’assemblait, il se rendait au Parlement, émettait ses décisions et s’en allait sans attendre de réponse. La sagesse avait parlé : les autres n’avaient qu’à opiner au gré de leur folie. Il était craint et haï et s’en réjouissait. Ce n’était pas un poète ; il ne se souciait ni des arts ni de la science. « My gran’ patha one thing savvy, savvy pight », observait le Roi. Lors d’une accalmie entre leurs propres disputes, les Vieux-Hommes d’Apemama entreprirent la conquête d’Apemama, et ce Caïus Martius mal léché fut élu général des troupes unifiées. Le succès l’attendait ; les îles furent soumises et Tenkoruti s’en revint dans son propre gouvernement, glorieux et détesté. Il mourut en 1860 environ, dans la soixante-dixième année de son âge et en pleine odeur d’impopularité. Il était grand et maigre, disait son petit-fils, paraissait extrêmement vieux et « marchait pourtant comme un jeune homme ». Le même observateur me donna un détail significatif. Tous les survivants de cette rude époque étaient défigurés par la marque des coups de lance ; seul le corps de l’adroit combattant n’en portait aucune trace. « J’ai vu Vieil Homme, pas un coup de lance », disait le Roi.

    Tenkoruti laissa deux fils, Tembaitake et Tembinatake. Tembaitake, père de notre Roi, était de taille moyenne, plutôt court, poète, bon généalogiste et assez batailleur ; il semblait se prendre au sérieux et avoir à peine conscience qu’il était en toutes choses la créature et le nourrisson de son frère. Il ne s’élevait jamais entre eux l’ombre d’une dispute ; le plus gros remplissait avec diligence et satisfaction la seconde place ; il se tenait sur la brèche en temps de guerre et avait tous les portefeuilles en temps de paix ; et quand son frère le réprimandait, il l’écoutait tête basse et en silence. Le second était comme Tenkoruti, grand, maigre et rapide marcheur. – particularité assez rare aux îles. Il avait tous les talents. Il connaissait la sorcellerie ; il était le premier généalogiste du temps ; il était poète, il savait danser, fabriquer des canots et des armures, et le fameux mât d’Apemama qui dépassait d’un nœud le grand mât d’un navire, avait été conçu et dessiné par lui. Mais ce n’étaient là que des distractions : le vrai métier de l’homme était la guerre. « Quand mon oncle allait faire la guerre, lui rire », disait Tembinok’. Il interdisait l’usage des fortifications de campagne, cette protection des hostilités entre les naturels ; ses hommes devaient combattre à découvert et vaincre ou se faire vaincre dans le moins de temps possible ; sa propre ardeur se communiquait à ceux qui le suivaient et la rapidité de ses coups abattit, au cours d’une seule vie, la résistance de trois îles. Il fit de son frère un souverain et laissa son neveu monarque absolu. « Mon oncle, lui, tout arrangé », disait Tembinok’ ; – « moi, plus Roi que mon père : moi reçu pouvoir ! » répétait-il avec une satisfaction formidable.

    Tel est le portrait de l’oncle dessiné par le neveu. À côté de celui-ci, je puis en placer un autre, fait par un artiste différent qui m’a souvent – je puis même dire toujours – enchanté, par la manière romantique de ses récits, mais ne m’a pas toujours – je peux même dire m’a rarement – persuadé de leur exactitude. Je me suis déjà si souvent refusé l’emploi de tant de bonne matière provenant de cette source, que je crois le moment venu de rompre avec cette bonne résolution ; et ce qu’il raconte de Tembinatake s’accorde si bien avec ce que dit le Roi, qu’il se peut fort bien que ce soit (comme je l’espère) le souvenir d’un fait et non (comme je le crains) la fantaisie d’une imagination vagabonde. A…, car peut-être ferai-je mieux de le désigner ainsi, traversait l’île, une fois, le crépuscule venu, arriva dans un village de quelque étendue, se fit conduire à l’habitation du chef et demanda la permission de se reposer et de fumer sa pipe. « Vous vous assiérez, vous fumerez une pipe, vous vous laverez, vous mangerez, vous dormirez, – répondit le chef, – et demain vous repartirez. » On apporta des aliments, on récita les prières (car ceci se passait dans les temps fugitifs du Christianisme) et le chef lui-même pria avec éloquence et une apparente sincérité. Toute la soirée, A… resta là et l’admira à la lumière du feu. Il était haut de six pieds, maigre, d’aspect très âgé, avec un air de grandeur et d’autorité extraordinaire. « Il avait l’air d’un homme qui vous tuerait en riant », disait A…, se faisant l’écho d’une des expressions du Roi. Et une autre fois : « J’ai lu l’histoire des Trois Mousquetaires et il me rappelait Aramis ». Tel est le portrait de Tembinatake esquissé par un romancier expérimenté.

    Nous avions souvent entendu parler de « my patha [36] », mais jamais de « mon oncle » jusqu’à l’avant-veille de notre départ. Comme le moment de ce départ approchait. Tembinok’ devint tout différent ; un homme plus doux, plus mélancolique et, dans l’intimité, plus communicatif, apparut à sa place. Il entreprit laborieusement d’expliquer à ma femme que, sachant bien qu’il était dans l’ordre des choses qu’il dût perdre son père, il n’avait jamais cru ni réalisé la chose jusqu’à l’instant où elle s’était produite ; et voici qu’au moment de nous perdre, il faisait à nouveau la même expérience. Un soir, nous tirâmes un feu d’artifice sur la terrasse. Ce fut un dur labeur ; la pensée de la séparation planait sur nous tous et la conversation languissait. Le Roi, particulièrement affecté, était assis sur sa natte, inconsolable et poussait de nombreux soupirs. Soudain, une de ses femmes surgit d’un massif, s’approcha de lui, l’embrassa en silence, et silencieusement disparut. Telle la caresse que nous donnerions à un enfant pour le consoler et le Roi la reçut avec la simplicité d’un enfant. Après cela nous primes congé et nous nous retirâmes ; mais Tembinok’ retint Mr. Osbourne, arrangeant la natte auprès de lui et disant : « Asseyez-vous. Je me sens mal, j’aime causer. » Osbourne s’assit auprès de lui. « Vous aimez la bière ? » dit le Roi ; et une des épouses en apporta une bouteille. Le Roi n’en prit pas, mais demeura assis, soupirant et fumant une pipe en écume de mer. « Moi très triste vous partir », dit-il à la fin ; « miss Stlevens lui bon, femme bonne, garçon bon, tous bons ; femme lui, belle comme homme. Ma femme (jetant un regard vers ses épouses), lui bonne, pas très belle. Je pense que Miss Stlevens, lui homme riche, tout comme moi. Tous partir goélette. Moi très triste. « My patha », lui partir, mon oncle partir, mes cousines partir. Miss Stlevens lui partir : tous partir. Vous pas encore avoir vu Roi pleurer ; Roi, homme tout de même : sentir mal, lui pleurer. Moi très triste. »

    Le lendemain matin, il n’était question dans le village que de cet événement : le Roi avait pleuré. Il me dit : « Hier soir, moi pas pouvoir parler : trop lourd là » – montrant sa poitrine ; – « maintenant, vous partir tout pareils ma pamille. Mes frères, mon oncle partir. Tous pareils. » Ceci, fut dit avec une consternation passionnée. Et c’était la première fois que je l’entendais nommer son oncle et même employer

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