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    2. Dans les mers du sud
    3. Chapitre 67
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    elle me parla de ma ressemblance avec son père. Tamaïti, l’infidèle, était assis, la tête penchée, donnant tous les signes d’un abattement profond. Terutak’, en sueur, ruisselait, l’œil vitreux, la figure coupée par un rictus pénible, la Poitrine haletante comme celle d’un homme essoufflé par la course. L’homme devait être avare de sa nature ; je ne crois pas avoir jamais vu une agonie morale aussi tragiquement étalée. À côté de lui, son épouse encourageait passionnément sa résistance. Alors vint la charge de la vieille garde ! Le capitaine, faisant un saut, proposa le chiffre stupéfiant de cinq pounds ! À ce mot, tous les maniap’s se vidèrent. La sœur du Roi jeta ses cartes et s’avança pour écouter, le front barré de nuages. La jolie jeune fille se frappa la poitrine, criant avec une insistance fatigante que, si la boite eût été sienne, elle serait déjà à moi. La femme de Terutak’ était hors d’elle, agitée d’une pieuse terreur, la figure décomposée, sa voix (qui ne cessait de presser et encourager son mari), perçante comme un sifflet. Terutak’, lui-même, perdit l’immobilité de statue qu’il avait gardée jusque-là. Il se balançait sur sa natte, croisant ses genoux l’un après l’autre, et se donnait des coups dans la poitrine comme certains danseurs. Mais il sortit de la fournaise pur comme l’or et, avec ce qui lui restait de voix, il continuait de rejeter l’offre corruptrice.

    Et voici qu’une exclamation s’éleva bien à propos. « L’argent ne guérira pas les malades », observait la sœur du Roi, sentencieusement ; et sitôt que j’eus entendu cette remarque, mes yeux se dessillèrent et je commençai à rougir de mon rôle. Là se trouvait un enfant malade et je m’ingéniais, sous les yeux de ses parents, à enlever la boite de médecine ! Là se trouvait le prêtre d’une religion et je m’occupais, (moi païen millionnaire), à l’induire en sacrilège ; là un homme cupide, torturé entre sa passion et sa conscience, et j’étais là, jouissant de ses tourments et les aiguisant de gaieté de cœur. Ave Casar ! Relégué dans un coin, endormi mais non pas mort, tous nous portons au fond de nous un instinct commun : une passion d’enfants pour le sable et le sang de l’arène. Ainsi se termina la première et la dernière expérience que j’aie faite des joies des millionnaires et je me retirai au milieu d’un silence respectueux. En aucun autre lieu du monde, je ne puis espérer bouleverser le tréfonds d’une nature d’homme par l’offre de cinq pounds ! En aucun autre lieu, dépenserais-je des millions, je ne risquerais de voir la cruauté des riches aussi clairement mise en lumière. De tous les assistants, aucun, sinon la sœur du Roi, ne garda aucun souvenir de la gravité du danger couru. Leurs yeux brillaient, la jeune fille se frappait la poitrine, dans une excitation tout animale. On ne leur offrait rien ; il ne s’agissait pour eux ni de perdre ni de gagner ; au seul énoncé de ces sommes énormes, Satan s’emparait d’eux !

    Au sortir de cette singulière interview, je m’en fus droit au Palais ; je trouvai le Roi ; je lui avouai ce que je venais de faire et je le priai de féliciter Terutak’ en mon nom pour sa vertu et de me procurer un coffre – semblable aux siens avant le retour de la goélette. Tembinok’, Rubam et un des Daily Papers – que nous surnommions « the Facetiœ Column » ruminèrent quelque temps une idée qu’ils finirent enfin par rendre intelligible. Ils craignaient que je ne me figure que le coffre me guérirait en cas de maladie ; or, sans sorcier, il ne servait à rien ; et si, d’aventure, je reprenais froid, je ferais mieux de recourir au « tueur de peine » habituel. Je leur expliquai que je désirais simplement le conserver dans mon « outch » [35] comme un souvenir d’Apemama, et ces braves gens se montrèrent très soulagés.

    Assez tard, ce même soir, ma femme, en traversant l’île, perçut un chant qui s’élevait du taillis. Rien n’est plus commun à cette heure et en ces lieux que la joyeuse chanson du « toddy-cutter », alors que celui-ci se balance sur ses hauteurs, contemplant sous lui l’étroit ruban de l’île, l’étendue environnante de l’Océan et les feux du soleil couchant. Mais ce chant-ci avait un caractère plus grave et semblait sortir de terre. S’avançant un peu dans le fourré. Mrs. Stevenson aperçut une clairière, une fine natte étendue au milieu et sur la natte, une guirlande de fleurs blanches et l’une des boites, diaboliques. Une femme – que nous supposâmes être Mme Terutak’ – était assise en avant, tantôt penchée sur la boite comme une mère sur un berceau, tantôt relevant la tête et lançant son chant vers le ciel. Un « toddy-cutter » qui passait par là dit à ma femme qu’elle priait. Sans doute, elle n’était pas tant occupée à prier qu’à conjurer le sort ; et peut-être même était-ce une cérémonie de désenchantement ? car le sort de la boite était fixé ; elle allait quitter l’ombre de l’arbre à médecine, son enceinte sacrée, ses dévots serviteurs ; elle allait être maniée par des profanes ; traverser trois mers ; atterrir enveloppée de papier de Saint-Paul ; être consacrée à la santé de Lillie Bridge ; être époussetée par une servante anglaise et prendre, peut-être, les bruits de Londres pour la voix de la grande mer le long du récif. Avant la fin de notre dîner, Cheuch avait commencé son voyage et l’un des « news papers » avait déjà placé le coffre sur ma table comme un présent de Tembinok’.

    Je me rendis de suite au palais et je remerciai le Roi, mais je lui proposai de lui rendre le coffre, préoccupé que des malades pussent manquer de secours par le fait de sa disparition. Je fus stupéfait de sa réponse. Terutak’ avait, paraît-il, en réserve, trois ou quatre autres coffres, en cas d’accident ; et ses hésitations et la frayeur peinte sur tous les visages n’étaient nullement provoquées par la crainte de voir disparaître des médicaments, mais par la divinité immédiate de Cheuch. J’acquis de ce fait un respect singulier pour l’autorité du Roi qui avait acquis, pour rien, et en un instant, la faveur sacrilège que j’avais vainement tenté d’obtenir à coups de millions ! mais, j’avais, à présent, une tâche difficile à accomplir. Il n’entrait pas dans mes desseins que Terutak’ fût victime de sa vertu ; et je voulais persuader le Roi de me permettre d’enrichir un de ses sujets et (ce qui était plus délicat), de payer le présent que j’avais reçu. Rien n’éclaire le caractère du Roi d’une lumière plus favorable que le fait de ma réussite. Il commença par hésiter ; puis, à l’énoncé de la somme, il s’exclama : « Beaucoup d’argent ». s’écria-t-il avec un déplaisir marqué. Mais sa résistance n’était pas sérieuse, et quand il eut exhalé toute sa mauvaise humeur : « A’ right ». dit-il ; « donnez-lui ; c’est mieux. »

    Fort de cette autorisation, je m’en fus droit à l’infirmerie. La nuit était venue, fraîche, sombre, étincelante d’étoiles. Sur une natte, tout près d’un feu clair de bois et d’écales de noix de coco, Terutak’ était étendu auprès de sa femme. Tous deux souriaient ; la récente agonie était oubliée ; l’ordre du Roi avait, je le suppose, apaisé les scrupules qui les agitaient ; ils me prièrent de m’asseoir auprès d’eux et de partager leur pipe. J’étais un peu ému lorsque je mis cinq souverains d’or dans la main du sorcier ; mais Terutak’ ne manifesta aucune émotion en les retournant, désigna du doigt le palais et nomma Tembinok’. Les rôles étaient renversés quand j’arrivai à m’expliquer. Terutak’, vieux pêcheur silencieux qu’il était, exprima sa satisfaction avec réserve ; mais la femme rayonnait ; et il y avait là un vieillard, – son père, je crois, – qui semblait transporté. Les yeux lui sortaient de la tête : « Kaupoi, Kaupoi – riche, riche ! » ces mots passaient et repassaient comme un refrain sur ses lèvres ; et il ne pouvait rencontrer mon regard sans être secoué de fou rire.

    Et maintenant, je pouvais rentrer chez moi et méditer sur les événements étranges de ma journée, laissant cette réunion de famille, surexcitée, couver des yeux ses nouveaux millions. J’avais éprouvé et récompensé la vertu de Terutak’. J’avais joué au millionnaire ; je m’étais conduit d’une façon abominable, puis, j’avais, tant bien que mal, réparé mon étourderie. Mais enfin J’avais ma boîte et je pouvais l’ouvrir et en inspecter le contenu. Elle contenait une natte à dormir en miniature et un coquillage blanc. Tamaîti, que j’interrogeai le lendemain au sujet du coquillage, m’expliqua qu’il ne représentait pas exactement Cheuch, mais une cellule, un corps qu’il habiterait un jour ou l’autre. Puis, comme je demandais des explications au sujet de la natte, il répondit avec indignation : « Pourquoi avez-vous des nattes ? » O sceptique Tama’iti ! mais le scepticisme des îles n’est jamais que sur le bord des lèvres.

    CHAPITRE VII

    Le Roi d’Apemama

    Ainsi donc, sur l’île, toutes choses, et les prêtres eux-mêmes, obéissent à la parole de Tembinok’. Il peut donner et il peut prendre, il peut tuer et il peut marcher sur tous les scrupules de conscience et il peut tout faire (au moins en apparence), excepté d’intervenir dans la préparation culinaire d’une tortue. « J’ai reçu le pouvoir », est son mot favori ; il revient sans cesse dans sa conversation ; sa pensée le hante avec un plaisir toujours renouvelé ; et

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