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    2. Dans les mers du sud
    3. Chapitre 64
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    il venait de danser et de chanter dans la salle publique ; son corps, son visage, ses yeux étaient d’une beauté parfaite. On trouve à chaque instant, dans les Gilbert, des jeunes gens d’une aussi absurde perfection. J’ai vu, un jour, cinq d’entre nous rester une demi-heure en admiration devant un garçon de Mariki ; et déjà, j’avais plusieurs fois remarqué Te-Kop (mon ami à la fine natte et à la guirlande) et l’avais depuis longtemps classé comme un des plus charmants animaux d’Apemama. Le filtre de l’admiration est, sans doute, bien puissant, ou bien ces naturels sont particulièrement sensibles à ses effets, car j’ai rarement admiré un habitant quelconque des îles qu’il n’ait de suite sollicité mon amitié. Ainsi fit Te-Kop. Il me mena au bord de l’océan, et pendant une heure ou deux, nous demeurâmes assis là, devisant et fumant, sur le sable resplendissant et sous l’ineffable éclat de la lune. Mon ami se montrait très sensible à la beauté et à la douceur de l’heure. « Belle nuit ! beau vent ! » s’écriait-il sans cesse. Il y a bien longtemps, j’avais inventé des expressions d’enchantement pareillement répétées pour un caractère (celui de Felipe, dans Olalla), que je voulais rendre en partie bestial. Mais il n’y avait rien de bestial en Te-Kop ; rien que le plaisir puéril d’un moment. Il se montrait également satisfait de son compagnon et avait la bonté de me le dire ; il me fit, avant de me quitter, la faveur de m’appeler Te-Kop ; m’apostropha comme « mon nom » avec une intonation d’une tendresse exquise, posant sa main doucement sur mon genou ; et après nous être levés, comme nos sentiers commençaient à se séparer dans le fourré, par deux fois il me cria avec une sorte de gentille extase : « Je vous aime trop ! » – Dès le début, il n’avait fait aucun mystère de la terreur que lui inspirait le Roi ; il ne s’assit et ne se risqua à parler, et encore à voix basse, que lorsqu’il eût mis toute la largeur de l’île entre lui et son monarque alors endormi et inoffensif ; et jusque-là, à une portée de pierre de la grande mer, nos voix couvertes par le bruit des vagues et le tumulte du vent dans les palmiers, il continuait à parler en sourdine, adoucissant sa voix argentée (qui s’élevait assez haut dans les chœurs), et regardait tout autour de lui comme un homme qui se croit espionné. Le plus étrange de la chose est que je ne le revis jamais. Dans n’importe quelle autre île des mers du Sud, si je m’étais avancé à moitié autant avec un naturel, dès le lendemain matin il eût été à ma porte, m’apportant des présents et espérant en recevoir. Mais Te-Kop, disparut dans la brousse pour toujours. On ne pouvait, c’est vrai, approcher de ma maison ; mais il savait où me trouver sur la grève de l’océan où j’allais tous les jours. J’étais le kaupoi, l’homme riche ; mon tabac et mes provisions passaient pour être inépuisables : il était sûr d’avoir un cadeau. Je me perds en conjectures sur sa conduite, à moins d’admettre qu’il se souvînt avec terreur et regret d’un passage de notre conversation. Voici quel était ce passage :

    — « Le Roi, lui brave homme ? » demandai-je.

    — « Supposez lui aime vous, lui bon homme, – répliqua Te-Kop ; – pas vous aimer, pas bon. »

    C’est une manière de voir, évidemment. Il ne semble pas que Te-Kop lui-même fût un favori ; car il ne me parut pas représenter un travailleur modèle ! Et il doit y en avoir beaucoup d’autres que le Roi « n’aime pas » (pour adopter cette formule). Ces malheureux aiment-ils le Roi ? ou plutôt, la répulsion n’est-elle pas réciproque ? et le consciencieux Tembinok’ de même que le consciencieux Brasfield, avant lui, et bien d’autres juges et législateurs consciencieux avant eux, ne sont-ils pas entourés d’une masse d’éternels mécontents ?

    Prenez par exemple le cuisinier, quand il passa devant nous, bleu de rage et de terreur. Il était très irrité contre moi ; je crois, d’après tous les plus vieux principes qui régissent la nature humaine, qu’il n’était pas très satisfait de son souverain. C’est contre l’homme riche qu’il dressa ses embûches ; je crois qu’il ne s’en était fallu que d’un cheveu qu’il ne les dressât contre le Roi. Et le Roi en donne, ou semble en donner, de nombreuses occasions ; jour et nuit, il se promène tout seul, avec ou sans armes, je ne sais ; et les champs de taro, où l’appellent si souvent ses affaires, semblent un lieu d’assassinat tout désigné. Le cas du cook pesait réellement sur ma conscience. Je ne pouvais supporter l’idée de faire tuer mon ennemi par un tiers ; mais, avais-je le droit de dissimuler au Roi qui m’avait donné sa confiance, le caractère ignoré et dangereux de son serviteur ? Et supposez que le Roi fût tué, quel serait le sort réservé à ses amis ? Notre opinion avait toujours été que nous payerions cher la clôture de la fontaine et que notre vie était entre les mains du Roi ; que si, par hasard, le Roi était, un beau jour, assommé dans un champ de taro, les habitants tant philosophes que musiciens d’Equateur-Ville n’auraient qu’à mettre de côté leurs instruments d’agrément et se nantir de tous les moyens de défense à leur portée, car même alors leurs chances de succès resteraient douteuses. Ces réflexions nous furent suggérées par un incident que je trahis à ma honte. La goélette H.-L. Haseltine (qui depuis s’est perdue en mer avec onze hommes) aborda à Apemama à un moment très favorable pour nous qui étions presque au bout de nos provisions. Le Roi, fidèle à son habitude, passait toutes ses journées à bord ; le gin se trouvait malheureusement à son goût ; il en rapporta une provision à terre ; et pour quelque temps, le tyran de l’île se montra à moitié gris. Il n’était pas positivement ivre, – l’homme n’est pas un ‘ivrogne ; il a toujours des provisions de liqueur à portée de la main, dont il use avec modération – mais il était muet, dolent et confus. Il vint un jour déjeuner avec nous et s’endormit sur sa chaise pendant qu’on mettait le couvert. Sa confusion, lorsqu’il se réveilla et se vit découvert, n’eut d’égale que notre embarras. Quand il ne fut plus là, nous restâmes assis, parlant des périls auxquels il s’exposait et qui, en quelque sorte, nous menaçaient aussi ; avec quelle facilité il pouvait, dans cet état, être surpris par des « gromble to mans » ; des scènes terribles qui suivraient – le trésor royal et les magasins à la merci de la populace, le palais envahi, la garnison de femmes abandonnée sans ressources. Et voilà que pendant que nous causions, un coup de fusil et un cri brusque et sauvage nous firent sursauter. Je crois que tous nous changeâmes de couleur ; mais ce n’était que le Roi faisant feu sur un chien et un écho des chœurs qui se chantaient dans le Parlement. Un ou deux jours après, j’appris que le Roi était très souffrant ; je me rendis auprès de lui et diagnostiquai le cas ; j’acquis instantanément à ses yeux les plus hautes capacités médicales en lui administrant du bicarbonate de soude. Sur l’heure Richard redevenait lui-même ; je le retrouvai dans la maison inachevée, jouissant du double plaisir de diriger Rubam et de dîner avec un chausson aux noix de coco, et très anxieux d’avoir la formule de cette nouvelle espèce de tueur de peine, – car tueur de peine est, aux îles, le nom générique donné à tous les médicaments. Ainsi se terminèrent la modeste bombance du Roi et notre inquiétude.

    D’après toutes les apparences, je dois dire que le loyalisme paraissait inébranlé. Quand la goélette revint enfin, après avoir essuyé de bien mauvais temps. elle nous apporta la nouvelle que Tebureimoa avait déclaré la guerre à Apemama. Tembinok’, subitement, devint un autre homme ; sa figure s’illumina ; son attitude, un jour que je le vis présider un concile de chefs dans un des maniap’s du palais, était celle d’un jeune homme, sa voix couvrant toutes les autres, perçante et joyeuse. La guerre était ce qu’il lui fallait ; enfin cette chance s’offrait à lui. Le capitaine anglais, lorsqu’il avait jeté ses armes dans le lagon, lui avait interdit à l’avenir (sauf dans un seul cas), toute aventure militaire : et voici que ce cas se présentait ! Toute la matinée, le concile délibéra. On fit faire l’exercice aux hommes, on acheta des armes ; des coups de feu se succédèrent toute l’après-midi ; le Roi me communiqua son plan de campagne, élaboré avec une certaine ingéniosité, mais peut-être un peu subtil vu les vicissitudes rudes et hasardeuses de la guerre. Et en tout ceci, le peuple se montra très bien ; une animation inaccoutumée éclairait les visages, et l’oncle Parker lui-même brûlait d’un feu belliqueux.

    Bien entendu, c’était une fausse alarme. Tabureimoa avait d’autres chats à fouetter. L’ambassadeur qui nous accompagna lors de notre retour à Butaritari le trouva retiré dans une petite île sur le récif, en querelle avec les Vieux-Hommes, en pique avec les négociants et beaucoup plus occupé de la crainte d’une insurrection chez lui que d’entreprendre une guerre lointaine. Le plénipotentiaire avait été mis sous ma protection et nous nous, saluâmes solennellement en nous rencontrant. Il se montra un excellent pêcheur et prit du bonito par-dessus le

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