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    2. Dans les mers du sud
    3. Chapitre 62
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    et, me tournant le dos, il s’enfuit devant moi, dans la nuit, en silence. Comme il allait, je lui allongeai un coup de pied dans cette partie où réside l’honneur et il donna de la voix, faiblement, comme une souris blessée. J’ose dire qu’à cet instant, il se crut certainement atteint par un instrument mortel.

    Quel avait été son but ? J’ai toujours vu ma musique plus apte à disperser un auditoire qu’à le retenir ! Vu mon talent d’amateur, je ne pouvais croire qu’il prit quelque intérêt à m’entendre déchiffrer Le Carnaval de Venise, ni qu’il ne fût arraché à son repos pour suivre mes variations sur Le Laboureur. Et quel que fût son dessein, je ne pouvais admettre qu’il rodât ainsi la nuit autour des habitations. Un mot du Roi et l’homme n’était plus, son cas était impardonnable. Mais tuer un homme soi-même est une chose ; se plaindre de lui dans son dos, et le faire tuer par un tiers en est une autre ; et je décidai d’en finir avec l’individu grâce à une méthode de ma façon.

    Je contai l’histoire à Ah-Fu et le priai de m’amener le cuisinier dès qu’il pourrait le saisir. J’avais cru que ce serait-là une grande difficulté ; loin de là. il vint de son propre gré : ce qui semblait vraiment un acte désespéré, étant donné que sa vie dépendait de mon silence et que ce qu’il pouvait espérer de mieux était l’oubli ! Il se présenta cependant avec une contenance assurée, ni risqua aucune défense ni aucune explication, se plaignit d’avoir été injurié et prétendit qu’il lui était impossible de s’asseoir. Je crois être l’homme le plus faible que Dieu ait jamais créé ; je l’avais atteint dans la partie la moins vulnérable de sa forte carcasse ; j’étais pieds nus et je ne m’étais pas même fait mal au pied ! Ah-Fu ne pouvait contenir son hilarité. Quant à moi, sachant de quelle nature devaient être ses appréhensions, je trouvai qu’une telle impudence touchait à l’héroïsme et j’admirais en moi-même le personnage. Je lui dis que je ne rapporterais rien au Roi de son aventure de la nuit ; que je continuerais à l’autoriser, lorsqu’il aurait une commission à faire, de franchir l’enceinte de mon tabou durant le jour : mais que, si jamais je le rencontrais là après le coucher du soleil, je le tuerais sur place ; et je lui montrai un revolver comme argument à l’appui. Nul doute qu’il ne ressentit un soulagement inexprimable ; mais il n’en montra rien, se retira avec sa nonchalance habituelle et nous ne le vîmes désormais presque plus.

    Ainsi donc, ces cinq serviteurs, avec la substitution du stewart au cuisinier, allaient et venaient et étaient nos seuls visiteurs. Le cercle du tabou tenait à distance les habitants du village. Quant à « ma pamille », elles étaient comme des religieuses, cloîtrées dans leur enclos ; une seule fois j’en rencontrai une : c’était la sœur du Roi, et le lieu où je la rencontrai (l’infirmerie de l’île), était probablement un lieu privilégié. Il me reste à parler du Roi. Il avait l’habitude de venir en flânant, toujours seul, un peu avant l’heure du repas, prenait une chaise et causait en mangeant avec nous comme un vieil ami de la famille.

    La façon de prendre congé semble être le point défectueux de l’étiquette des îles Gilbert. On se souvient des difficultés que nous avions, à ce propos, avec Karaïti ; et il y avait quelque chose de puéril et de déconcertant dans le brusque : « J’ai besoin de rentrer maintenant » de Tembinok’, accompagné d’une sorte de plongeon et suivi d’une retraite précipitée. C’était le seul défaut de ses manières qui, en dehors de cela, étaient simples, convenables, sensées et dignes. Il ne restait jamais longtemps, ne buvait pas trop et s’appliquait à copier ce qui, dans notre conduite, lui semblait différer de la sienne. C’est ainsi, par exemple, qu’il cessa de très bonne heure de manger avec son couteau. Il était décidé, c’était clair, à tirer profit de notre visite, sur toutes choses et principalement sur les points d’étiquette. La qualité de ses blancs visiteurs l’intriguait et le préoccupait ; il les nommait l’un après l’autre, demandant s’ils étaient « un grand chef » ou même un « chef » tout court, – ce qui ne laissait pas d’être embarrassant, quelques-uns étant mes chers et excellents amis et aucun d’entre eux n’étant né dans la pourpre ! Il fut surpris d’apprendre que chez nous, les classes se distinguent par leur façon de s’exprimer et qu’ainsi (par exemple), certains mots sont tabou sur le pont d’un cuirassé ; et il nous pria en conséquence de l’éclairer et de le corriger sur ce point. Nous pûmes l’assurer qu’il n’avait besoin d’aucune correction. Son vocabulaire est étendu et adéquat à un degré rare. Dieu sait où il l’a ramassé ; mais, par quelque instinct ou quelque hasard, il a su éviter toutes les expressions profanes ou grossières. « Obligé », « poignardé », « renifler », « loger », « pouvoir », « compagnie », « svelte », « poli », et « merveilleux » sont parmi les termes inattendus qui enrichissent son dialecte. Mais rien ne lui plut autant que l’idée de baiser le pont d’un cuirassé. Dans sa gratitude pour cette indication, il devint lyrique. « Schooner cap’n no tell me », criait-il ; « I think no tawy ! You tavoy too much ; tavvy ‘teama, tavvy man-a-wa’. I think you tavvy everything ! » Cependant, il ne laissait pas que de m’embarrasser assez souvent avec ses perpétuelles questions.

    Je me souviens d’un incident en particulier. Nous donnions une séance de lanterne magique ; un film de Windsor passa et je lui dis que c’était « the outch » [34] de Victoria. « Quelle est sa hauteur ? » demanda-t-il, et je restai muet devant lui. C’était le constructeur, l’infatigable architecte de palais qui avait parlé ; collectionneur comme il l’était, il ne collectionnait pourtant pas d’informations inutiles et toutes ses questions avaient un but. Après les questions d’étiquette, le gouvernement, les lois, la police, l’argent et la médecine, étaient ses sujets préférés, – sujets d’une importance vitale pour lui en tant que Roi et Père de son peuple. Je m’attachai non seulement à lui fournir de nouvelles informations, mais aussi à corriger les anciennes. Tous ses discours débutaient ainsi : « Mon père, il m’a dit » ; ou « homme blanc, il m’a dit », – « Vous croire il ment ? » Je le pensais quelquefois, en effet. Tembinok’ me soumit une fois une difficulté de ce genre que je mis longtemps à élucider. Un capitaine de goélette lui avait parlé du capitaine Cook ; l’histoire avait vivement intéressé le Roi ; il s’enquit de détails supplémentaires, – non pas dans le Dictionnaire de Mr. Stephen, non dans le Britannica, mais bien dans la version insulaire de la Bible, qui consiste surtout dans le Nouveau Testament et les Psaumes ; il y trouva Paul et Festus, et Alexandre le chaudronnier : pas un mot de Cook. La conclusion fut évidente : l’explorateur était un mythe. Tant il était difficile, même à un homme très doué, comme l’était Tembinok’, de réaliser les idées d’une société et d’une culture nouvelles.

    CHAPITRE V

    Le Roi et le peuple

    Nous vîmes peu les gens de l’île. Au début, nous les rencontrions à la fontaine où ils lavaient leur linge et où nous puisions notre eau de table. La combinaison était détestable et, ayant un tyran à nos ordres, nous nous adressâmes au Roi et obtînmes de lui la permission d’enclore l’endroit dans notre tabou. C’est une des rares faveurs que Tembinok’ hésita à nous accorder, et on conçoit combien elle contribua à rendre les étran” gers impopulaires. Beaucoup d’habitants du village passaient chaque jour devant nous en se rendant aux champs ; mais ils faisaient un grand détour autour de notre tabou et affectaient de détourner les yeux. De temps en temps, nous allions nous-mêmes au village, – étrange endroit. Hollandais par ses canaux, oriental par la hauteur et la pente abrupte de ses toits qui, au crépuscule, ressemblaient à des temples ; mais on nous invitait rarement à entrer dans une maison ; nous ne rencontrions ni bienvenue ni amitié ; et, de leur vie d’intérieur, nous n’eûmes que cette seule vision : la veillée d’un mort, triste et lugubre tableau : la veuve tenant sur ses genoux le corps glacé et bleuissant de son époux et, tantôt prenant sa part des rafraîchissements qui faisaient le tour de la compagnie, tantôt pleurant et baisant la bouche décolorée. (« Je crains que vous ne soyez dans une affliction profonde », disait le ministre écossais. – « Ah ! sir, vous dites vrai ! » répliquait la veuve ; « j’ai pleuré toute la nuit ; maintenant je vais à peine manger un tout petit peu de porridge et après, je recommencerai à pleurer. ») J’ai toujours supposé que les insulaires nous évitaient, au cours de nos promenades aux environs, soit par dégoût, soit parce qu’ils en avaient reçu l’ordre ; et, quand nous en rencontrions quelques-uns, c’était généralement par surprise. La surface de l’île est couverte d’une végétation variée, composée de bouquets de palmiers, de fourrés et de vallons romantiques, profonds de quatre pieds, vestiges des anciennes plantations de taro ; et l’on peut ainsi tomber à l’improviste sur des gens au repos ou négligeant leur ouvrage. À une portée de fusil environ de notre commune, une mare s’étendait au bout de la jungle ; les

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