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    2. Dans les mers du sud
    3. Chapitre 60
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    a son appartement, il a une vie privée ; n’eût-il rien d’autre, il a les vacances, et le moins fortuné Tembinok’ est toujours sur la scène et toujours sur la brèche.

    Dans toutes mes allées et venues, je ne l’ai jamais entendu s’exprimer avec rudesse, ni mécontentement. Ses manières étaient plutôt marquées d’une bénignité extrême, assez lourde, – la bénignité de quelqu’un sûr d’être obéi ; de sorte qu’il me faisait parfois souvenir de Samuel Richardson dans son cercle d’admiratrices. Ses femmes prenaient la parole et semblaient donner leur opinion comme nos propres femmes – ou encore comme certaines tantes radoteuses mais respectables. De tout ceci, je conclus qu’il gouvernait son sérail bien plus par la diplomatie que par la terreur, et ceux qui en donnent une idée différente (et dont aucun n’a eu mes facilités d’observation) ont peut-être négligé de distinguer entre les degrés des rangs, entre « ma pamille » et les parasites, les blanchisseuses et autres…

    Un trait à noter est la partie de cartes du soir, quand les lampes ont été apportées sur la terrasse et que « moi et ma pamille » jouent pendant une heure pour du tabac. Une des caractéristiques de Tembinok’ est qu’il tient à inventer le jeu lui-même ; une des caractéristiques de son dévot entourage, qu’ils ne jurent que par cette absurde invention. Elle est basée sur le poker, se joue avec les figures de plusieurs jeux et est d’une inconcevable monotonie. Mais tous les jeux me passionnent ; j’étudiai celui-ci, et je suis, parait-il, le seul blanc qui en ait jamais saisi les principes : un fait pour lequel les femmes (près de qui je n’étais pas autrement populaire) m’acclamèrent avec admiration. On ne pouvait pas s’y tromper, c’était un sentiment naturel : elles étaient fières de leur jeu privé, avaient été piquées au vif par le manque d’intérêt montré par d’autres et s’épanouissaient sous ma flatteuse attention. Tembinok’ met une double mise, et on lui tend en retour deux mains entre lesquelles il doit choisir : un facile artifice que les femmes, jusqu’en ces derniers temps, n’ont pas encore approfondi. Lui-même, quand nous causions en particulier, ne faisait aucun mystère de sa certitude de gagner ; et c’est ainsi qu’il m’expliqua sa libéralité récente à bord de l’Equateur. Il laissa les femmes acheter leur propre tabac ce qui leur fit plaisir sur le moment. Il le gagna de nouveau aux cartes, ce qui le rendit derechef, et sans nouvelles dépenses, ce qu’il devait être – la source unique de toutes les indulgences. Et il résuma la chose par cette phrase, qui est d’ailleurs la conclusion de tous ses récits : « Bien meilleu’. »

    Le palais et ses entours étaient pavés de fragments de corail, un supplice pour les yeux et pour les pieds nus, mais délicieusement sarclé et ratissé. Une vingtaine de constructions et plus s’alignaient en une sorte de rue le long de la palissade, et dispersées sur la bordure de la terrasse ; habitations pour les femmes et servantes ; magasins pour les curiosités et les trésors du Roi ; spacieux maniap’s pour les fêtes et les conseils, élevés les uns sur des piliers de bois, d’autres sur une chaussée en maçonnerie. L’une d’elles était encore inachevée : dernière invention du Roi : c’était une charpente européenne élevée en vue de la fraîcheur à l’intérieur d’un vaste maniap’ : le toit fait de planches, comme un pont de bateau, de façon à constituer une promenade élevée, ombragée et pourtant privée. C’est là que le Roi passait des heures avec Rubam ; là que j’allais parfois les rejoindre ; la place avait un aspect des plus singuliers ; et je dois dire que l’idée, m’ayant séduit au plus haut point, je me joignis avec plaisir aux conseils des architectes.

    Supposez maintenant que quelque affaire nous amenât chez le Roi dans la journée : nous déambulions sur le sable, le long des palmiers nains, échangions un « Kom ma ori » avec la vieille de service et entrions dans l’enceinte. La grande nappe de corail étincelait, déserte, devant nous ; tous s’étant réfugiés sous des toiles sombres pour fuir cet excès d’étendue. Il m’est arrivé de parcourir de long en large cette place-labyrinthe, à la recherche du Roi ; et la seule créature vivante que je rencontrai fut lorsque, jetant un coup d’œil dans un maniap’, je vis le corps brun de l’une des épouses étendues sur le sol, sombre Amazone plongée dans un sommeil silencieux. Si c’était encore l’heure des « Journaux du matin », la recherche était plus aisée,” la demi-douzaine de coquins, obséquieux et serviles, tapis sur le sol, devant la maison, aussi serrés que possible à son ombre, et tournant vers le Roi une rangée de regards en coulisse. Tembinok’ était là à l’intérieur, les panneaux de la cabine relevés, celle-ci balayée par l’alizé, et lui, écoutant le rapport. Comme certains journalistes plus proches de nous, plus insignifiantes étaient les nouvelles du jour, plus il les délayait en paroles ; et j’en ai vu un remplir une matinée, vide de tout événement avec une conversation imaginaire entre deux chiens. Quelquefois le Roi daigne rire ; quelquefois il les questionne ou plaisante avec eux, sa voix résonnant, stridente, du fond de la pièce. Il arrivait qu’il eût à ses côtés son héritier présomptif, Paul, son neveu et fils adoptif, âgé de six ans, complètement nu, un modèle de jeune beauté humaine. Et toujours aussi la favorite et parfois deux autres femmes réveillées ; les quatre autres couchées nonchalamment sur des nattes et perdues dans le sommeil. Ou si nous venions plus tard et tombions sur une heure plus intime, nous trouvions Tembinok’, retiré dans sa maison avec la favorite, entre un crachoir, un encrier de plomb et un grand-livre de commerce.

    C’est dans ce dernier que, jour après jour, couché à plat ventre, il écrit l’histoire inaccidentée de son règne ; et quand il était plongé dans cette occupation, il ne pouvait dissimuler un mouvement de mauvaise humeur en se voyant interrompu, ce que j’étais à même de comprendre. Le royal chroniqueur me lut un jour une ou deux pages de son manuscrit, traduisant au fur et à mesure ; mais le passage étant généalogique, et l’auteur barbotant à l’excès au cours de sa version, j’avoue avoir connu des heures plus divertissantes. Il ne se confine pas dans la prose, mais s’attaque aussi à la lyre, en ses moments de loisir, et passe pour le premier barde de son royaume, de même qu’il est son unique personnage public, son premier architecte et son seul négociant. Sa compétence, toutefois, ne s’élève pas jusqu’à la musique, et, quand ses vers sont écrits, il les confie à un musicien professionnel qui les met en musique et les apprend à un chœur. Questionné sur les sujets de ses poèmes. Tembinok’ répondit : « Amou’eux – a’bres, – mer. Pas tous la même ve’ité. Tous le même mensonge ! » Pour une vue condensée de la poésie lyrique (sauf qu’il semble avoir oublié les étoiles et les fleurs) ; ceci parait difficile à corriger ?

    Cette multitude d’occupations témoignent (chez un prince indigène et absolu) d’une activité d’esprit peu commune.

    La cour du palais, au clair de lune, est un lieu dont on se souvient avec effroi. Le visiteur s’y traînait sur les pierres disjointes dans un cauchemar splendide de lumière et de feu ; mais le souffle du vent le débarrassait des mouches et des moustiques, et, avec le coucher du soleil, il devenait divin.

    Je me le rappelle mieux encore par des nuits sans lune. L’air était comme un bain de lait. Innombrables étaient les étoiles sur nos têtes et le lagon était pavé de leurs reflets. Des troupeaux de femmes étaient accroupies, par groupes, sur le gravier, babillant d’une voix douce. Tembinok’ rejetait sa jaquette et demeurait nu et silencieux, méditant peut-être des chansons ; la favorite était généralement à ses côtés, également silencieuse. Entre temps, au milieu de la cour, les lanternes du palais étaient allumées et alignées en rang sur le sol, à six ou huit mètres l’une de l’autre. Cette vue donnait une idée étrange du nombre de « ma pamille » : un aperçu comme on peut en avoir, le soir, dans un coin de quelque terminus de chez nous. Puis, ces lanternes s’éloignaient dans toutes les parties de l’enceinte, éclairant les derniers travaux du jour, éclairant, l’une après l’autre, sur le chemin de leur repos, cette prodigieuse réunion de femmes. Quelques-unes s’attardaient au milieu de la cour, autour d’une partie de cartes et regardaient mêler et distribuer les figures et Tembinok’ réfléchissant entre ses deux mains et les reines perdant leur tabac. Puis celles-ci, à leur tour, se dispersaient et disparaissaient ; et leur place était prise par un grand feu de joie, la veilleuse de nuit du palais. Quand celui-ci était consumé, d’autres feux plus petits brûlaient devant les grilles. Auprès de celles-ci veillaient les vieilles, invisibles, en éveil – pas toujours muettes. Que n’importe qui approchât dans la nuit, une alerte faisait le tour de la palissade : chaque sentinelle avertissant sa voisine par une pierre ; le cliquetis d’une grêle de cailloux s’éteignait et mourait ; et les gardes de Tembinok’ se blottissaient de nouveau à leurs places, silencieuses comme devant.

    CHAPITRE IV

    Le Roi d’Apemama : Equateur-Ville et le palais

    Cinq personnes furent préposées à notre service. Oncle Parker, qui nous apportait du toddy et des noix, était un homme d’un certain âge, presque un vieillard, mais ayant la mentalité, les ruses et la morale d’un garçon de dix ans. Sa figure était flétrie, bizarre et diabolique, la

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    Classique, Non Fiction
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