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    2. Dans les mers du sud
    3. Chapitre 55
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    cheveux et passées à travers ses larges trous d’oreilles. Le mari, au contraire, changeait à vue d’accoutrement, comme un kaléidoscope. Quelque jolie chose que ma femme offrit à Nei-Takauti, – un collier de perles, un ruban, un bibelot brillant, – le lendemain soir, elle apparaissait sur la personne de Nan Tok’. Il est clair qu’il n’était qu’une housse ; qu’il portait la livrée ; qu’en un mot, il était, la femme de sa femme. Ils renversèrent les rôles d’ailleurs jusqu’aux plus extrêmes limites ; à l’heure de l’épreuve, c’est le mari qui remplit le rôle de l’ange tutélaire, tandis que la femme déploya l’apathie et le manque de cœur proverbiales de l’homme.

    Quand Nei-Tahauti avait mal à la tête, Nan-Tok’ était plein de soins et d’attentions. Quand son mari avait un rhume ou une rage de dents, la femme ne le remarquait que pour s’en moquer. C’est toujours le rôle de la femme de bourrer et d’allumer la pipe ; Nei-Takauti tendait la sienne, en silence, au page conjugal ; mais elle la portait elle-même comme si ledit page n’était pas digne d’une confiance absolue. C’est elle qui gardait l’argent tandis qu’il faisait les courses, anxieux et diligent. Un nuage sur son visage obscurcissait instantanément ses yeux lumineux ; lors d’une visite matinale à leur maniap’, ma femme vit qu’il avait quelques raisons de bien se tenir. Nan-Tok’ avait avec lui un ami, jeune étourdi de son âge et ils avaient travaillé ensemble, dans cet état d’excitation joyeuse où les conséquences des actes sont rarement calculées. Nei-Takauki prononça son propre nom. À l’instant, Nan-Tok’ éleva deux doigts et son ami de même, tous deux dans une extase feinte. Il était évident que la dame avait deux noms ; et à en juger par leur gaieté et par le courroux qui plissa son front, il devait y avoir quelque chose de critique dans le second. Le mari le prononça ; une noix de coco, bien dirigé par la main de la femme l’atteignit aussitôt à la tête ; et les voix et la gaieté des deux jeunes indiscrets s’éteignirent pour le reste de la journée.

    Les habitants de la Polynésie orientale ne sont jamais en défaut ; leur étiquette est absolue et complète ; dans n’importe quelle circonstance elle leur enseigne ce qu’il y a à faire et comment. Les Gilbertins sont plus libres, et (comme nous-mêmes), payent leur liberté par de fréquentes perplexités. C’était souvent le cas pour ce couple paradoxal. Nous leur avions une fois, au cours d’une visite, offert une pipe et du tabac, et quand ils eurent fumé et voulurent se retirer, ils se trouvèrent en face d’un problème : devaient-ils prendre ou laisser ce qui restait de tabac ? Ils ramassèrent ce reste, le remirent à sa place, se le passèrent, le déposèrent de nouveau, argumentèrent jusqu’à ce que la femme eût l’air tout à fait hagard et le mari vieilli par l’angoisse. Ils finirent par le prendre et je parie qu’à peine sortis de l’établissement ils étaient sûrs d’avoir agi contre les règles. Une autre fois, nous leur avions versé libéralement, à chacun, une tasse de café et Nan-Tok’ vint à bout de la sienne sans joie et avec de grandes difficultés. Nei-Takauti en avait bu un peu, et peu disposée à l’achever, sentant que ce serait une marque de mauvaise éducation de laisser sa tasse inachevée, ordonna à son suivant conjugal de finir ce qui restait. « J’ai avalé tout ce que je pouvais, je ne puis en avaler davantage, c’est une impossibilité physique », semblait-il dire ; et son chef sans pitié réitérait ses ordres avec de secrets et impérieux signaux. Pauvre chien infortuné ! mais la simple humanité nous fit venir à la rescousse et enlever les tasses.

    Je ne puis m’empêcher de sourire au souvenir de ce drôle d’intérieur ; et pourtant je me rappelle ces bonnes âmes avec affection et respect. Leurs attentions pour nous étaient surprenantes. Les guirlandes sont très estimées ; les fleurs doivent en être cherchées très loin ; et quoiqu’ils eussent beaucoup de subalternes à même de les aider, nous les vîmes souvent parcourir les champs en quête de ces fleurs et la femme les tressant de ses propres mains. Ce n’est pas le manque de cœur, mais cette insouciance, si particulière aux maris, qui lui faisait mépriser les souffrances de Nan-Tok’. Quand ma femme fut souffrante, elle se montra une garde diligente et douce ; et le couple, au grand embarras de la patiente, s’implanta sans en plus bouger, dans sa chambre de malade. Cette rude, capable, impérieuse vieille dame, avec ses yeux farouches, avait des qualités profondes et tendres. Elle semblait dissimuler la fierté que lui inspirait son jeune mari, dans la crainte, peut-être, de le gâter ; et lorsqu’elle parlait de son fils mort, quelque chose de tragique passait sur sa figure. Pourtant je crus discerner chez les Gilbertins une certaine virilité dans les sentiments qui (ainsi que leur langue âpre et rude) les distingue de leurs pères des îles orientales.

    Quatrième partie

    LES GILBERT APEMAMA

    CHAPITRE PREMIER

    Le Roi d’Apemama : un négociant royal

    Il y a un grand personnage dans les Gilbert : Tembinok’ d’Apemama ; seul en évidence, le héros des chants, le pivot des conversations. Dans le reste du groupe, les rois ont été massacrés ou sont tombés en tutelle : Tembinok’ seul demeure, dernier tyran, dernier vestige encore debout d’une société disparue. Les blancs sont partout ailleurs, se construisant des maisons, buvant leur gin, se tirant d’affaire avec les faibles gouvernements insulaires. Il n’y a qu’un blanc à Apemama, tout juste toléré, vivant loin de la cour, épié et surveillé comme une souris sous la patte d’un chat. À travers toutes les autres îles, un flot de visiteurs indigènes va et vient, voyageant par bandes, prolongeant ce voyage pendant des années. Apemama, seule, est laissée de côté, le touriste redoutant de se risquer à portée de la griffe de Tembinok’. Et la crainte de cette Gorgone les suit et les trouble jusque chez eux. Maiana lui paya une fois le tribut ; il envahit son territoire et s’empara de Nonuti : premier pas vers l’empire de l’archipel. Un navire de guerre anglais étant apparu sur la scène, le conquérant fut obligé de dégorger ; sa carrière, dès le début, se trouva en échec, son arsenal de guerre, si chèrement acheté, tomba au fond de son propre lagon. Mais l’impression avait été produite ; la crainte qu’il inspire agite encore périodiquement les îles ; la rumeur publique le dépeint rassemblant ses canots en vue d’une nouvelle invasion ; la même rumeur dit même à quelle destination ; et Tembinok’ figure dans les chants de guerre patriotiques des Gilbert comme Napoléon dans ceux de nos grands-pères.

    Nous étions en mer, partis de Mariki, à destination de Nonuti et Tapituea, quand un vent favorable se leva soudain et nous poussa vers Apemama. Notre itinéraire fut immédiatement modifié ; tous les bras furent employés à nettoyer le bateau, les ponts passés à la pierre ponce, les cabines lavées, les magasins soigneusement inspectés. Durant toute notre croisière, jamais l’Équateur n’avait été pomponné comme il le fut pour Tembinok’. Et le capitaine ne fut pas le seul à faire de ces coquetteries ; car une autre goélette étant, par hasard, arrivée pendant mon séjour à Apemama, je constatai qu’elle aussi avait fait du « dandysme » à cette occasion. Ce sont les deux seuls cas de ce genre que me rappellent mes souvenirs des mers du Sud.

    Nous avions à bord une famille de touristes indigènes, depuis l’aïeul jusqu’au baby en maillot, s’efforçant (à travers une incroyable série de malchances) de regagner leur île natale de Peru [28]. Cinq fois déjà ils avaient payé leur traversée et pris le bateau ; cinq fois ils avaient été déçus, débarqués sans un sou sur des îles étrangères, ou ramenés à Butaritari, leur point de départ. Cette dernière tentative n’avait pas été plus heureuse ; leurs provisions étaient épuisées. Il n’était plus question d’atteindre Peru, et ils avaient gaiement pris leur parti d’un nouveau séjour d’exil à Tapituea ou Nonuti. Avec cette saute de vent, leur but hasardeux fut, une fois de plus, modifié ; et comme le pilote du Calendar, quand les « montagnes noires » apparurent ; ils changèrent de couleur et se frappèrent la poitrine. Leur campement qui était dans l’entrepont résonna de leurs lamentations. Ils seraient mis au travail ! ils seraient réduits en esclavage ! tout espoir de fuite était vain ; il leur faudrait vivre, travailler et mourir à Apemama, dans l’antre du tyran. Ils terrifièrent si bien leurs enfants avec des discours de ce genre que l’un d’eux, un grand garçon dégingandé, dut être emporté de sur le pont, tout en larmes. Leurs terreurs n’avaient aucun fondement. J’ai tout lieu de croire qu’on les abandonna à leur paresse et je puis assurer qu’on les traita avec bonté et générosité. Car, environ un an après, je me trouvai être de nouveau compagnon de bord de ces instables vagabonds, sur le Janet-Nicoll. Leur traversée était payée par Tembinok’ ; eux que l’Equateur avait débarqués, dénués de tout, reparurent sur le Janet avec des vêtements neufs, chargés de nattes et de présents, emportant avec eux un magasin de vivres sur lesquels ils vécurent, tout le long du voyage, comme des coqs de combat ; je les vis, à la fin, rapatriés, et je dois dire qu’ils montrèrent plus de chagrin en quittant Apemama que de joie en retrouvant leur patrie.

    Nous arrivâmes par le passage du Nord (le dimanche 1er septembre), louvoyant entre les récifs. C’était un jour de soleil équatorial, féroce ; mais

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