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    2. Dans les mers du sud
    3. Chapitre 53
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    de troubadours rivaux ; c’est là que trônaient le Roi et la Reine, à deux ou trois pieds du sol où trônait l’assistance – Tebureimoa, comme d’habitude, dans son pyjama rayé, une gibecière en bandoulière, destinée probablement (à la mode des îles), à contenir ses pistolets ; la Reine, dans un holoku de pourpre, son abondante chevelure dénouée, un éventail à la main. Le banc était tourné, face aux étrangers, comme une preuve d’amabilité et quand ce fut au tour de Butari-tari de chanter, le couple dut se tortiller sur son bac, appuyer ses coudes à la rampe, et nous offrir le spectacle de ses larges dos. Le ménage royal se consolait à l’occasion avec une pipe d’argile ; et le prestige de l’Etat achevait d’être rehaussé par les fusils d’un piquet de gardes.

    La monarchie dans cette attitude, et nous-mêmes pressés sur le sol, nous entendîmes plusieurs chants des deux côtés. Puis, leurs Royautés se retirèrent avec leurs gardes et le fils de la reine Victoria et sa belle-fille furent portés avec des acclamations sur le trône vacant. Notre fierté se trouva seulement un peu atteinte quand nous nous vîmes rejoints à ces places éminentes par un blanc, sorte de vagabond sans le sou ; d’un autre côté, je m’en réjouis, car il baragouinait quelques mots du pays et put me donner quelque idée du sujet des chants. L’un était patriotique et excitait à une invasion Tembinock d’Apemama, la terreur du groupe. L’un mêlait la plantation du taro à la moisson de chez nous. Quelques-uns étaient historiques et célébraient les rois et les faits illustres de leur temps tels que des parties de boire ou des guerres. L’un, tout au moins, était un drame d’un intérêt domestique, extrêmement bien joué par la troupe de Makin. Il disait l’histoire d’un homme qui avait perdu sa femme, pleurait d’abord sa perte puis en épousait une autre ; les premiers couplets (ou actes) sont joués exclusivement par des hommes ; mais à la fin, une femme apparaît qui vient de perdre son mari ; et je suppose que le couple se console ensemble car le finale semble d’heureux augure. À propos de quelques-uns de ces chants, mon cicerone me dit sommairement qu’il « s’agissait de femmes… ». J’aurais pu le deviner tout seul. Chaque côté, eût-on dit, était renforcé par une ou deux femmes. C’étaient toutes des solistes ; elles ne chantaient pas très souvent dans l’ensemble, mais se tenaient, librement, à l’arrière-plan de l’estrade et ressemblaient absolument (avec leur ridi, leurs colliers et leurs cheveux relevés), à des danseuses de ballet européennes. Quand le chant était quelque peu grossier, ces dames venaient se placer en avant ; et c’était curieux de voir que. après chaque entrée, la première danseuse simulait une extrême confusion comme si elle s’était laissé entraîner au-delà de ses intentions, et ses partenaires mâles feignaient de la chasser comme quelqu’un qui s’est disqualifié. Des affectations de ce genre accompagnent certaines danses vraiment risquées à Samoa où elles sont à leur place. Ici c’était différent. Peut-être les paroles, en ces libres contrées, étaient-elles assez grossières pour faire rougir un charretier ; mais la figure la plus suggestive était cette feinte de honte. Les femmes montraient assez de dispositions dans cette partie : elles étaient impertinentes, elles étaient pimpantes, elles étaient acrobates, elles étaient parfois vraiment amusantes et quelques-unes d’entre elles étaient jolies. Mais ceci n’est pas du domaine de l’artiste ; il y a toute l’étendue du ciel entre ces entrechats et ces œillades et les gestes rythmés, étranges, les étranges, ravissantes et délirantes expressions avec lesquelles les danseurs mâles nous retinrent, fascinés, tout le temps d’un ballet des îles Gilbert.

    Presque dès le début, il fut évident que le peuple de la ville avait le dessous. Je les aurais trouvés bons si je n’avais pas eu l’autre troupe sous les yeux pour corriger mon arrêt et me rappeler continuellement « le rien de plus et tout ce que cela fait… ». Se sentant battu, le chœur de Butaritari se troubla, s’embrouilla et resta court. Au milieu de ce grabuge de mesures étranges, je n’aurais pas, quant à moi, remarqué la faute ; mais l’assistance ne fut pas longue à la relever et à s’en moquer. Pour couronner le tout, la troupe de Makin commença une danse d’un mérite vraiment supérieur. J’ignore de quoi il s’agissait ; j’étais trop absorbé pour le demander. Dans un acte, une partie du chœur, criant dans une sorte d’étrange fausset, produisait étonnamment l’effet de nos orchestres ; dans un autre, les danseurs, sautant comme des diables en boîtes, les bras étendus, se mêlaient et s’entremêlaient avec une rapidité, un précision, une fougue extraordinaires. Je n’ai jamais rien vu d’un effet aussi risible ; dans n’importe quel théâtre européen, la salle eût croulé ; mais les spectateurs insulaires éclataient en rires et en applaudissements. Cela fit déborder la coupe pour la troupe rivale et ils oublièrent toute tenue. Après chaque acte ou chaque figure de ballet, les acteurs s’arrêtent un instant, debout, et ceux qui suivent sont introduits par des applaudissements en triolets. Ils ne s’assoient pas jusqu’à la fin de tout le ballet, ce qui alors, seulement, permet aux concurrents de se lever. Mais maintenant, toutes les règles étaient violées. Durant l’intervalle qui suivit ces applaudissements, la troupe de Butaritari sauta sur ses pieds, et, sans grâce aucune, se lança dans un spectacle de sa façon. Ce fut une chose étrange de voir les hommes de Makin les contempler avec stupeur ; j’ai vu en Europe un ténor affronter avec un regard pareil les sifflets d’une salle ; mais cette fois, à ma grande surprise, ils reprirent leur calme, renoncèrent au reste de leur ballet, retournèrent à leurs sièges, et laissèrent leurs peu galants adversaires continuer jusqu’à la fin. Mais rien ne leur suffit. De nouveau, au premier intervalle, Butaritari intervint avec le même manque de délicatesse ; Makin, irrité à son tour, suivit l’exemple ; et les deux troupes de danseurs restèrent debout en permanence, claquant des mains continuellement et se coupant régulièrement à chaque pause. Je m’attendais d’un moment à l’autre à des coups ; et notre position, au beau milieu, était des moins stratégiques. Mais les gens de Makin eurent une meilleure inspiration ; et à la prochaine interruption, ils tournèrent bride et sortirent en masse de la salle. Nous les suivîmes, premièrement parce qu’ils étaient les vrais artistes ; deuxièmement parce qu’ils étaient des invités et avaient été bassement maltraités. Un grand nombre de nos voisins fit de même, de sorte que la jetée fut couverte d’un bout à l’autre par une procession des déserteurs ; et le chœur de Butaritari fut laissé, chantant pour son propre plaisir dans une salle vide, ayant gagné le but et perdu l’auditoire. Ce fut sûrement une bonne fortune qu’il n’y eût là aucun ivrogne ; mais, ivre ou non, où donc une scène aussi irritante se fût-elle terminée sans coups ?

    C’est nous qui pourvûmes à la dernière phase et au dernier éclat de cette journée de bon augure par la seconde et dernière exhibition des « fantômes ». Tout autour de l’église, des groupes étaient assis dans la nuit d’où ils ne pouvaient rien voir ; peut-être confus d’entrer, goûtant certainement quelque obscur plaisir dans la seule proximité de la fête. À l’intérieur, la moitié environ du vaste hangar était bondée de monde. Au centre, sur le dais royal, les lanternes fumaient, lumineuses ; un rayon de lumière éclairait la grave contenance de notre Chinois, occupé à moudre l’orgue de barbarie ; une lueur plus faible dessinait les poutres et leurs ombres dans le creux de la toiture ; les images brillaient et s’évanouissaient sur l’écran, et à l’apparition de chacune d’elles, un « chut » courait à travers la foule, suivi d’un murmure et d’un long frémissement. Le contre-maître d’une goélette naufragée était assis à côté de moi : « Ils trouveraient le spectacle étrange en Europe ou aux Etats-Unis – me dit-il, – se déroulant dans un édifice comme celui-ci, tout attaché avec des bouts de ficelle ! »

    CHAPITRE VII

    Mari et femme

    Le trafiquant, accoutumé aux mœurs de la Polynésie orientale, reçoit un enseignement aux îles Gilbert. Le ridi n’est qu’une parure légère. Il y a trente ans encore, les femmes allaient jusqu’à leur mariage sans aucun vêtement ; la coutume a mis dix ans à disparaître, et ces faits, surtout vus à travers les descriptions des voyageurs, propagèrent une idée très fausse des mœurs de ce groupe. « Paradis de femmes », comme le nommait un missionnaire ; c’était un Paradis tout platonique. Depuis 1860, quarante blancs ont péri sur une seule île, tous pour la même raison, tous découverts là où ils n’avaient rien à faire, et transpercés par la lancer de quelque père de famille indigné. L’étrange persistance de ces quarante martyrs semble causée par la monomanie ou par des passions romantiques : le gin en est la cause plus vraisemblable. Au lieu d’un Paradis, le trafiquant trouve un archipel de maris farouches et de femmes vertueuses. « Bien entendu, – observait l’un d’eux ingénument – si vous voulez leur faire la cour, il en va là comme partout ailleurs » ; mais ses compagnons et lui s’y risquaient rarement.

    Il faut d’ailleurs accorder au négociant cette vertu : il fait souvent un bon et loyal mari. J’ai rencontré sur ma route quelques-uns des pires écumeurs de mer, les derniers de la vieille école ; quelques-uns étaient parfaits vis-à-vis de leurs femmes indigènes, et l’un d’eux fit un veuf désespéré. D’ailleurs rien n’est plus digne d’envie que la position d’une femme

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