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    2. Dans les mers du sud
    3. Chapitre 5
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    croissait, tout travail, en général, cessant avant qu’il eût paru. Deux fois par jour, une certaine rumeur de troupeaux et de bergers s’élevait du côté des collines qui bordent la mer. Parfois, un canot sortait pour la pêche. Parfois, une ou deux femmes remplissaient languissamment un panier dans un champ de cotonniers. Parfois, le son d’une flûte s’élevait de l’ombre d’une habitation, modulant sur trois notes d’une façon qui rappelait : « Que le jour me dure », indéfiniment répété. Parfois encore, d’un bout à l’autre de la baie, deux naturels communiquaient à la manière marquisane, en sifflant suivant des conventions établies. Tout le reste n’était que sommeil et silence. Le flot se brisait et scintillait autour des côtes. Une sorte de grue noire péchait dans les eaux agitées. Les cochons noirs ne cessaient de galoper de tous côtés à leurs affaires ; quant aux hommes, ils semblaient tous morts, ou comme si leur sommeil dût se prolonger éternellement.

    Ma retraite favorite était de l’autre côté du village, dans un coin de la crique, au pied d’une falaise couverte de lianes. La baie était bordée de palmiers et d’une sorte d’arbre appelé purao, qui tient le milieu entre le figuier et le mûrier et porte une fleur pareille à un grand pavot jaune avec un cœur marron. De place en place, des rochers empiétaient sur le sable ; la baie était toute submergée ; et le ressac tourbillonnait, tout chaud, jusqu’à la hauteur de mes genoux, jouant avec les coques de noix de coco ; ainsi notre océan, plus familier, joue avec les épaves, les algues et les vieilles bouteilles. À l’heure du reflux, des merveilles de forme et de couleur ruisselaient à mes pieds ; je voulais les saisir ; elles m’échappaient ; je les atteignais, pour les trouver, tantôt plus belles que tout ce que j’avais entrevu : coquilles faites pour être l’ornement d’une vitrine, ou – serties d’or – là parure d’un doigt de femme ; tantôt, illusion de sable coloré ; fragments broyés et cailloux qui, à peine secs, devenaient aussi ternes et aussi communs que les graviers d’une allée de jardin. Je me suis acharné à ce jeu d’enfants, durant des heures, sous le soleil implacable, conscient de mon incurable ignorance, mais avec un plaisir trop ardent pour en être humilié. Cependant que le merle (ou son frère des tropiques) sifflait dans les buissons au-dessus de ma tête.

    Un peu plus loin, au tournant de la baie, un filet d’eau ruisselait au fond d’une caverne, pour se déverser de là dans la mer par un escalier de rochers. Le courant d’air pénétrait sous le feuillage jusqu’au fond de la caverne, devenue, par sa fraîcheur, un abri délicieux. Elle s’ouvrait sur la baie d’azur où le Casco était mouillé avec sa tente et ses riantes couleurs. Au-dessus d’elle s’étendait une voûte de puraos, et, plus haut que ceux-ci encore, des palmiers brandissaient leurs luisants éventails, tel un sorcier que j’ai vu, se faisant à lui-même, un halo de lames de sabres ! Car sur ce point du monde, sur une langue de terre basse au pied des montagnes, les vents alizés s’engouffrent dans la baie d’Anaho comme un courant dont rien ne diminue jamais la force ni la vélocité, et qui est d’une céleste fraicheur.

    Il arriva qu’un jour je me trouvai à terre, dans la crique, avec Mrs Stevenson et le cuisinier du bord. N’était le Casco mouillé à quelque distance, une ou deux grues, et l’incessant tumulte du vent et de la mer, la face du monde était d’une solitude préhistorique ; la vie apparaissait comme immobilisée, et le sentiment de l’isolement était intense et rafraîchissant. Tout à coup, les alizés se précipitant dans l’isthme en rafales, s’acharnèrent sur les feuilles de palmiers dont ils balayèrent le dessus de la caverne ; or voyez ! au sommet de deux des palmiers, se trouvait un indigène, assis dans une immobilité d’idole et nous surveillant, eût-on dit, sans un clignement de paupières. L’instant d’après, l’arbre à nouveau se refermait et la vision avait disparu. Cette découverte de présences humaines planant sur nos têtes dans un lieu où nous nous étions crus absolument seuls, l’immobilité de nos espions sub-arboricoles, et la pensée que peut-être, nous étions surveillés ainsi à toute heure, nous secoua d’un frisson. La conversation languit sur la plage. Quant au cuisinier (dont la conscience n’était pas claire) il ne mit plus jamais les pieds sur le rivage et, deux fois, comme le Casco semblait dériver vers les rochers, nous nous amusâmes à voir l’empressement avec lequel cet homme aidait à la manœuvre, persuadé que la mort le guettait sur la côte. Un an après, aux îles Gilbert, l’explication de tout ceci jaillit d’elle-même. Les naturels tiraient du vin de palme, chose défendue par les lois, et lorsque le vent nous révéla subitement leur présence, ils furent certainement beaucoup plus troublés que nous-mêmes.

    Au-dessus de la caverne habitait un vieillard grisonnant et mélancolique, du nom de Tari (Charlie) Coffin. Il était originaire de Oahu, dans les îles Sandwich et avait parcouru les mers dans sa jeunesse sur des baleiniers américains : circonstance à laquelle il devait son nom, sa connaissance de l’anglais, son accent nasillard du Sud-Est et l’infortune de son innocente vie. Car un capitaine, parti de New Bedford, le transporta à Nuka-hiva, et l’y abandonna parmi les cannibales. Le motif de cet acte était d’une inconcevable mesquinerie ; les gages du pauvre Tari, ainsi économisés, n’auraient guère compromis le crédit des armateurs de New Bedford. Et l’acte lui-même fut un véritable assassinat. Sans doute, au début, l’existence de Tari n’avait dû tenir qu’à un fil. Dans le désespoir et les terreurs de cette période de sa vie, il semble être devenu fou, infirmité qui le laissait exposé encore à des accidents du même genre ; ou peut-être, un enfant s’était pris d’un caprice pour lui et avait-il obtenu sa grâce ? Quoi qu’il en fût, il en réchappa, se maria dans l’île, et lorsque je fis sa connaissance, il était veuf, avec un fils marié et une petite-fille. Mais le souvenir de Oahu l’obsédait ; sa louange était pour toujours sur ses lèvres ; se souvenant d’elle, il la regardait comme le lieu par excellence de la danse, des chants et du plaisir, et j’aime à croire qu’en ses songes il la revisite avec complaisance. Je me demande ce qu’il penserait s’il s’y trouvait réellement transporté et voyait la ville moderne d’Honolulu avec l’animation de son commerce, et le palais avec ses gardes, et le grand hôtel, et l’orchestre de Mr. Berger avec ses uniformes et ses instruments exotiques ; ce qu’il penserait de voir les figures brunes devenues si rares, et si nombreuses les figures blanches, et la terre familiale vendue pour être transformée en plantation de cannes à sucre, et la race de son père disparue ou peut-être, seulement, les derniers d’entre eux frappés de la lèpre et emmurés entre les vagues et les falaises de Molokai ?… Puisqu’ainsi, même dans les îles des mers du Sud, si simplement, si tristement, tout se transforme…

    Tari était pauvre, et pauvrement logé. Sa maison était une construction de bois, élevée par des Européens ; c’était, en réalité, sa résidence officielle, car Tari était le berger des moutons du promontoire. Je peux donner un inventaire complet de son contenu : trois petits barils, une botte à biscuits en fer-blanc, une casserole de fer, plusieurs coupes faites de noix de coco, une lanterne et trois bouteilles contenant probablement de l’huile, tandis que les hardes de la famille et quelques nattes étaient jetées sur les chevrons.

    Dès ma première rencontre avec cet exilé, il avait conçu pour moi une de ces sympathies sans cause comme il en nait aux îles, m’avait donné des noix de coco à boire et m’avait emmené au-dessus de la caverne « pour voir mon habitation » – seule distraction qu’il avait à offrir. Il aimait les « Amélicains », disait-il, et les « Inglisman », mais il abhorrait les « Flessman » et il avait soin d’expliquer que s’il nous avait crus des « Français » nous n’aurions pas eu la moindre noix de coco, ni vu sa maison. Je puis, en partie, m’expliquer son antipathie pour les Français, mais pas du tout sa tolérance envers les Anglo-Saxons. Le jour suivant il m’apporta un porc, et quelques jours après, une partie des nôtres étant descendus à terre, le trouvèrent en train d’en apporter un autre. Nous étions encore étrangers aux coutumes des îles : nous fûmes navrés de cette générosité que le pauvre homme pouvait difficilement se permettre, et par une bévue impardonnable quoique assez naturelle, nous refusâmes le porc. Si Tari avait été un Marquisan, nous ne l’aurions jamais revu ; étant ce qu’il était, le plus doux des hommes, le plus rompu à la souffrance, le plus mélancolique, il prit une revanche cent fois plus pénible pour nous. Le canot portant les neuf indigènes venus nous faire leurs adieux s’éloignait à peine que le Casco fut abordé de l’autre côté. C’était Tari, venu tard, parce qu’il n’avait pas de canot à lui et était arrivé difficilement à en emprunter un ; venu solitaire (tel que, d’ailleurs, nous l’avions toujours vu), parce qu’il était un étranger dans le pays, et le plus triste compagnon. Le reste de ma famille, lâchement, se déroba à l’entrevue. Je fus obligé de recevoir seul notre, ami offensé et l’entrevue dut se prolonger plus d’une heure, car il ne pouvait se décider à partir ! « Vous partez ? Je ne vous verrai plus – no, sir ! » gémissait-il ;

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