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    2. Dans les mers du sud
    3. Chapitre 37
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    avec du corail pulvérisé ; de rares croix de bois, quelques pierres sans importance désignent les tombes ; un mur en mortier, à hauteur d’appui, l’entoure ; des massifs d’arbrisseaux l’ombragent de leur feuillage pâle. C’est là qu’en ce matin, la tombe fut creusée, par des terrassiers inquiets, au son de la mer toute proche, et aux cris des oiseaux de mer ; cependant-que le mort attendait dans sa demeure et que la veuve et une autre vieille femme étaient appuyées contre la palissade, devant la porte, avec des lèvres sans paroles et des yeux sans regards.

    À l’heure précise, le cortège se mit en marche, le cercueil drapé de blanc et porté par quatre hommes ; le convoi suivait – peu nombreux, car bien peu étaient restés à Rotoava, et peu en noir, car ils étaient pauvres ; les hommes en chapeau de paille, vestes blanches et pantalons bleus, ou bien le somptueux paréo multicolore, le kilt tahitien ; les femmes, à part quelques exceptions, portaient de brillants atours. Tout au dernier rang venait la veuve, portant douloureusement la natte du défunt, – créature sans âge, pareille à un flambeau éteint.

    Le mort avait été un Mormon ; mais le prêtre Mormon était parti avec le reste de la population pour disputer ses propriétés dans l’île voisine, et un homme de loi le remplaça. Debout, au chevet de la fosse béante, dans un vêtement blanc et un paréo bleu, sa bible tahitienne à la main, et un œil bandé d’un mouchoir rouge, il lut avec solennité ce chapitre de Job qui a été lu et entendu sur les ossements de tous nos pères, et d’une voix forte, récita deux prières. Le vent et les vagues faisaient rage. À la grille du cimetière une mère, vêtue de cramoisi, allaitait son enfant enveloppé de bleu. Au milieu, la veuve était assise par terre, et polissait un des brancards du cercueil avec un morceau de corail ; un instant après elle avait tourné le dos à la tombe et jouait avec une feuille. Comprenait-elle ? Dieu le sait ! L’officiant s’arrêta un moment, se baissa, et ramassa une poignée de corail bruissant, qu’il jeta respectueusement sur le cercueil. Poussière sur poussière : mais les grains de cette poussière étaient gros comme des cerises, et la poussière prochaine, mais vivante encore, qui devait suivre, était assise là, encore agglomérée (comme par miracle) à la ressemblance tragique d’une guenon.

    Jusque-là, Mormon ou non, l’enterrement était chrétien. Le passage bien connu de Job avait été lu, les prières récitées, la fosse comblée, les assistants renvoyés chez eux. Avec ces différences d’une terre un peu plus rude jetée sur la tombe, du bruit plus proche de la mer, d’une lumière plus intense sur le triste enclos ; et de quelque incongruité dans la couleur des vêtements, c’étaient bien les formes extérieures coutumières.

    Régulièrement les choses auraient dû se passer autrement. La natte aurait dû être enterrée avec son propriétaire ; mais la famille étant pauvre, elle fut sagement réservée pour une nouvelle cérémonie. La veuve aurait dû se jeter sur la tombe et clamer à voix haute une douleur officielle, les voisins faire chorus, et la petite île tout entière, résonner pour un temps de ces lamentations. Mais la veuve était âgée ; peut-être avait-elle oublié, peut-être jamais compris, et elle jouait comme un enfant, avec des feuilles, et avec les brancards du cercueil. De toute façon, mon hôte avait été enterré avec des rites estropiés. Etrange chose de penser que son dernier plaisir conscient avait été le Casco et ma fête ; étrange de penser qu’il était venu là en clopinant, vieil enfant en quête de quelque bonheur nouveau. Et la chose la meilleure, le repos, lui avait été accordée.

    Mais, quoique la veuve eût négligé beaucoup de choses, il en était une qu’elle ne devait pas omettre. Elle s’en alla avec le convoi dispersé, mais la natte du défunt avait été laissée sur la tombe, et j’appris qu’au coucher du soleil, elle devait revenir dormir là. Cette veille est de rigueur. Depuis le coucher du soleil jusqu’au lever de l’étoile du matin, le Paumotuan doit monter la garde autour des cendres de son parent. Si le défunt a été un homme considérable, beaucoup d’amis viendront tenir compagnie au veilleur ; ils viendront couverts de façon à affronter toutes les intempéries ; je crois qu’ils apportent de la nourriture ; et les rites se perpétuent ainsi pendant deux semaines. Notre pauvre survivante, si tant est qu’elle survivait, avait peu de chose pour se couvrir, et peu d’amis pour lui tenir compagnie. La nuit des funérailles, une forte averse la chassa de l’endroit où elle veillait ; pendant des jours, le temps demeura incertain et menaçant ; et avant la septième nuit elle avait abandonné la place et regagné son humble logis. Quelle eût cette, peine de retourner, pour un temps si court, dans une maison si solitaire, que cette voisine de la tombe redoutât un peu de vent et une couverture mouillée, m’emplit alors de rêverie ! Je ne peux pas dire qu’elle fût indifférente ; elle était si loin de moi sur le chemin de l’expérience, que toute ma psychologie restait en route ; mais je me forgeais des excuses pour elle, me disant qu’elle n’avait peut-être pas grand-chose à pleurer, que peut-être elle avait beaucoup souffert, peut-être jamais rien compris. Et voyez ! dans toute cette affaire, il n’était question ni de tendresse ni de piété et le retour courageux de ce pauvre débris était une preuve ou d’une intelligence ou d’une force d’âme peu communes.

    Quelque chose pourtant m’avait mis en partie sur la piste. J’ai dit que l’enterrement s’était effectué presque comme chez nous. Mais quand tout fut terminé, comme nous repassions en troupe la grille du cimetière et redescendions le sentier qui mène à la colonie, un incident, d’un tout autre genre, soudain jeta l’alarme et l’épouvante parmi nous. Deux personnes marchaient non loin l’une de l’autre, dans notre cortège : mon ami Mr. Donat – Donat-Rimarau, « Donat aux mains innombrables » – suppléant au Vice-Résident, actuellement gouverneur de l’Archipel, l’homme le plus important de l’endroit, connu d’ailleurs pour son inaltérable bonne humeur ; et une certaine jeune Paumotuane, avenante, bien faite, la plus jolie de l’île, mais (espérons-le) ni la plus brave ni la plus polie. Tout à coup, avant même que le silence des funérailles fût rompu, elle fit un bond vers le Résident, le doigt tendu, cria quelques mots d’une voix perçante, et se rejeta en arrière avec un rire qui n’avait rien de naturel. « Que vous a-t-elle dit ? » lui demandai-je. « Ce n’est pas à moi qu’elle a parlé », me dit Donat, légèrement troublé, « elle parlait à l’esprit du défunt ». Et la teneur de son discours était ceci : « Voyez ! Donat sera un bon festin pour vous cette nuit ! »

    « Mr. Donat le traite de plaisanterie », écrivais-je alors dans mon journal. Cela me parut plutôt une sorte de conjuration terrifiée, comme si elle voulait détourner d’elle-même l’attention de l’esprit. « Une race cannibale peut bien avoir des fantômes cannibales. » En général les suppositions des voyageurs ne manquent pas d’être complètement erronées ; en cela pourtant, j’avais vu juste. La femme avait assisté à l’enterrement dans un état de terreur,, se trouvant dans un lieu redouté entre tous : le cimetière. Avec la même terreur elle voyait venir la nuit, avec cet ogre, un esprit nouveau lâché dans l’île. Et les paroles qu’elle avait jetées à la face de Donat étaient bien une conjuration terrifiée, destinée, en partie, à la mettre à couvert, à désigner une autre victime à sa place. Une chose doit être dite à son excuse ; sans doute elle choisit Donat, non seulement parce qu’il était un homme excellent, mais aussi parce qu’il était de sang mêlé. Car je crois que tous les naturels considèrent la couleur blanche comme une sorte de talisman contre les puissances de l’Enfer. C’est la seule façon dont ils peuvent expliquer la témérité impunie des Européens.

    CHAPITRE VI

    Histoires de cimetières

    Je crains de manquer de loyauté vis-à-vis de l’insulaire, mon superstitieux ami, l’entrainant souvent à ma suite avec des histoires de ma façon et me montrant un auditeur toujours attentif et parfois excité. Mais la ruse n’est pas grave puisque, aussi bien, j’éprouve autant de plaisir à écouter que lui à conter ; et d’ailleurs, elle est absolument nécessaire. Car il est à peine possible d’exagérer l’étendue et l’empire de ses superstitions ; elles moulent sa vie ; elles colorent sa pensée ; et quand il me parte d’autre chose que d’esprits, de dieux et de diable ; il dissimule sa préoccupation dominante et ne parle qu’avec ses lèvres. Une mentalité si différente mérite l’indulgence ; et je préfère, quant à moi, satisfaire sa superstition que si lui, au contraire, satisfaisait mon incrédulité. Aussi bien, il y a une chose dont je suis sûr ; j’aurai beau l’encourager, je n’apprendrai pas tout ; déjà il est sur ses gardes avec moi et la somme de cette science est illimitée.

    J’en citerai quelques exemples au hasard, recueillis presque tous du pas de ma porte durant le mois dernier (octobre 1890). Un de mes hommes de peine avait été envoyé à la plantation de bananiers pour y bêcher ; elle est située dans une dépression de la montagne, ensevelie dans les bois, en dehors de toute vue et de tout appel humain ; et bien avant le crépuscule. Lafaele était de retour à la cuisine avec un air embarrassé ; il n’avait pas osé rester seul plus

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