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    2. Dans les mers du sud
    3. Chapitre 33
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    butin ; seul il porta la peine. Il fut condamné à cinq ans. Quand j’eus le plaisir de faire sa connaissance, la période n’était pas encore expirée. Il recevait encore les rations de la prison (dernier et assez cher souvenir de ses chaînes) et envisageait, je crois, non sans alarme, la date de son affranchissement. Car il n’éprouvait aucune honte de sa situation ; ne se plaignait de rien, sinon de la table défectueuse de son lieu d’exil ; ne regrettait rien que les oiseaux, les œufs et les poissons de son île natale plus favorisée. Et quant à ses paroissiens, leur considération pour lui ne s’en trouvait pas diminuée d’un cheveu.. L’écolier condamné à copier mille lignes de grec, et éternellement consigné au dortoir, jouit d’une estime sans mélange de la part de ses condisciples. Ainsi en était-il pour Taniera : un homme suspect, non déshonoré ; tombé sous les coups des dieux lointains ; tel peut-être Job – ou, si vous voulez, un Taniera dans la fosse aux lions. Sans doute des complaintes ont été composées et chantées en l’honneur de ce saint Robin Hood. D’un autre côté il était hautement qualifié pour les fonctions qu’il remplissait dans l’Eglise ; étant par nature un homme grave, doux et considéré ; au visage rude et sérieux, au sourire brillant ; passé maître en plusieurs professions, également bon constructeur de bateaux et de maisons ; doué d’une belle voix de chantre, et aussi d’une telle éloquence qu’au bord de la tombe du dernier chef de Fakarava, il fit verser des larmes à toute l’assistance. Je n’ai jamais vu un homme ayant une mentalité plus ecclésiastique ; il aimait à discuter et à s’instruire dans la doctrine et l’histoire des sectes ; et quand je lui montrai les gravures d’un volume de l’Encyclopédie de Chamber, nulles – celle d’un singe excepté – ne l’enthousiasmèrent comme celles qui représentaient les chapeaux de cardinaux, les encensoirs, les chandeliers et les cathédrales. Et je crois qu’au moment où il contemplait le chapeau de cardinal, une voix murmurait à son oreille : « Tu as un pied au bas de l’échelle ! »

    Sous la direction de Taniera, nous fûmes bientôt installés dans ce qui était, je crois, la maison particulière la mieux aménagée de Fakarava. Elle s’élevait Juste derrière l’église, au milieu d’un champ cultivé de forme oblongue. Plus de trois cents sacs de terre ont été apportés de Tahiti pour le jardin de la Résidence, et il faudra bientôt les renouveler, car la terre s’envole, s’affaisse dans les crevasses de corail et finit par disparaître complètement. J’ignore ce qu’il était entré de terre dans le jardin de ma villa, mais une quantité sans doute suffisante, car une allée de bananiers prospères s’étendait jusqu’à la grille ; et sur tout le reste de l’enclos, couvert de cette sorte de mâchefer habituel que produit le corail pulvérisé, croissaient, non seulement des cocotiers et des mikis mais aussi des figuiers, délicieusement verts. Bien entendu, aucune trace d’herbe. Devant, une palissade nous séparait de la route blanche, et les bords frangés de palmes du lagon, et le lagon lui-même reflétaient, le jour, les nuages, la nuit, les étoiles. Par derrière, un rempart de coraux non cimentés nous isolait de l’étroite ceinture du taillis et de la grève toute proche où l’océan roulait son tonnerre dont le grondement et les éclats bourdonnaient cependant dans les chambres de la maison.

    Celle-ci était tout d’une pièce, entourée d’une véranda. Elle contenait trois chambres, trois machines à coudre, trois coffres de bord, des chaises, des tables, deux lits, un berceau, un fusil à répétition, deux agrandissements de photographies coloriées, deux gravures en couleur d’après Wilkie et Mulready, et une lithographie française portant cette légende : « La brigade du Général Lepasset brûlant son drapeau devant Metz. » Un fourneau rouillé gisait sous les pilotis de la maison, jusqu’à ce que nous l’ayons remis en usage. Non loin de là, dans le corail, se trouvait la crevasse où nous puisions une eau saumâtre. D’ailleurs, les animaux comestibles ne manquaient pas sur la propriété – des coqs, des poules et un couple de chats irréguliers que Taniera venait nourrir tous les matins, au lever du soleil, avec des noix de coco grillées. Sa voix était notre réveil quotidien, résonnant gaiement à travers le jardin : « Pooty – pooty – poo – poo – poo ! »

    Eloignés comme nous l’étions des affaires publiques, le voisinage de la chapelle rendait notre situation, ce que les agences qualifient de désirable, et nous permettait de prendre un aperçu de la vie des naturels. Tous les matins, après avoir nourri les animaux, Taniera sonnait la cloche dans le petit beffroi ; et les fidèles, peu nombreux, s’en venaient à la prière. J’y assistai une fois ; c’était le jour du Seigneur ; sept femelles et huit mâles composaient l’assemblée. Une femme faisait le chantre, entonnant sur une note indéfiniment prolongée ; le catéchiste entonnait à la seconde mesure, puis les fidèles en chœur. Quelques-uns suivaient dans des livres de prières imprimés ; les autres remplissaient les trous avec des : « Eh – eh – eh » le tol-de-rol Pomotuan. Après l’hymne, nous eûmes la lecture, à l’antiphonaire, d’une ou deux prières puis Taniera se leva du premier banc où il était assis dans sa robe de catéchiste, passa derrière la grille du chœur, ouvrit sa bible tahitienne et commença à prêcher d’après des notes. Je compris un mot – celui de Dieu ; mais le prédicateur conduisait sa voix avec art, avait des gestes rares et expressifs et donnait une grande impression de sincérité. Ce simple service, cette Bible indigène, ces hymnes, principalement inspirés des hymnes anglais – le God save the Queen est, parait-il, un grand favori ; tout, sauf les quelques fleurs de papier sur l’autel, avait un aspect sévèrement protestant. C’est ainsi que les Catholiques ont trouvé leurs prosélytes des îles-basses déjà à moitié route.

    Taniera avait les clefs de notre maison ; c’est avec lui que je passai mon contrat, si on pouvait appeler contrat celui où tout était laissé à ma générosité ; c’est lui qui nourrissait les chats et les volatiles, lui qui venait nous rendre visite et partager notre repas comme un vieil ami ; et longtemps, nous nous plûmes à imaginer qu’il était notre propriétaire ; cette croyance ne devait pas résister à l’épreuve de l’expérience, et, comme on le verra par la suite de ce chapitre, n’avait rien à faire avec la réalité.

    Nous eûmes quelques jours de grande chaleur, sans air, très calmes ; les chercheurs de coquillages étaient exilés du bord de l’océan, où les coups de soleil les guettaient de 10 heures à 4 heures ; les plus hautes palmes pendaient, immobiles ; on n’entendait d’autre voix que celle de la mer dans le lointain. À la fin, vers 4 heures d’un certain après-midi, de longues pattes d’oie ridèrent la surface du lagon ; et soudain au sommet des arbres, se fit sentir le bienfaisant remous des alizés qui subitement éventa toutes les maisons et toutes les allées de l’île. À plus d’un navire charmé, retenu par le calme plat en vue des vertes rives, ce vent apporta la délivrance ; et le lendemain matin, une goélette et deux canots étaient amarrés dans le port de Rotoava. Non seulement sur la mer extérieure, mais dans le lagon lui-même, un certain commerce se réveilla avec les vivifiantes brises ; et un certain métis, entre autres, nommé François, disposa son étalage à la première heure, dans son propre canot, à moitié couvert. Il avait eu, autrefois, une charge à la cour, étant, je crois, le ramoneur de la Résidence. L’impopularité du Résident ayant suscité des troubles, il avait jeté bas ses dignités et fui vers les régions éloignées de l’atoll pour y planter des choux ou tout au moins des cocotiers. Il en était chassé, à présent, par des exigences telles que Cincinnatus lui-même a dû en connaître, et s’en vint vers la capitale, siège de ses anciennes fonctions, pour échanger une demi-tonne de copra contre le froment indispensable. Et ici, pour un instant, l’histoire de son voyage s’interrompt.

    Je reviens, par contre, à notre maison, où vers 7 heures du soir, le catéchiste arriva soudain avec son air avenant, et armé d’un trousseau de clefs considérable. Il essaya celles-ci sur les coffres de bord, les prenant l’une après l’autre à leur place contre le mur. Des têtes d’étrangers apparurent dans la porte et donnèrent des conseils. Ce fut en vain. Ou bien ce n’étaient pas les clefs voulues, ou pas les coffres voulus, ou pas l’homme voulu pour les employer. Taniera commença par s’agiter et enrager ; puis, il eut recours au système plus sommaire de la hachette ; un des coffres fut brisé, et une brassée de vêtements, masculins et féminins, en fut tirée et tendue aux étrangers sur la véranda.

    Ceux-ci étaient François, sa femme et leur enfant.

    Vers 8 heures du matin, au milieu du lagon, leur canot avait chaviré. Ils le remirent à flot et quoiqu’il fût plein d’eau, ramenèrent l’enfant à terre. La grande voile avait été emportée, mais le petit foc l’entraînait lentement, tandis que François et la femme nageaient à l’arrière et manœuvraient le gouvernail avec leurs mains. Le froid était cruel ; la fatigue, à la longue, devenait excessive, et dans ce réservoir de requins, la peur les gagnait. À tout coup, François, le demi-sang, voulait tout lâcher et couler ; mais la femme, de bonne et pure race amphibie, l’encourageait avec des paroles de bonne humeur. Et cela me rappelle une femme de

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