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    2. Dans les mers du sud
    3. Chapitre 21
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    et, m’a-t-on dit, maintenues avec de l’huile, dans tout leur éclat. De tous côtés, des gardiens étaient placés, campés dans des huttes auxiliaires pour veiller dessus et le nettoyer. Nul autre pied humain n’avait le droit de l’approcher ; le prêtre seul, au jour de sa course, venait là pour dormir – peut-être pour y rêver à sa mission impie ; mais au temps de la fête, le clan s’assemblait en foule dans le haut lieu et chacun avait sa place déterminée. Il y en avait pour les chefs, les tambours, les danseurs, les femmes et les prêtres. Les tambours – au nombre de vingt environ, et quelques-uns d’entre eux ayant douze pieds de haut – battaient en mesure sans discontinuer. Pendant ce temps, les chanteurs poursuivaient leur chant, sorte de hululement lugubre et monotone ; entre-temps, les danseurs eux aussi se livraient à leurs évolutions en d’extraordinaires atours, allant et sautant, se balançant et gesticulant, leurs doigts emplumés gesticulant dans les airs comme des papillons. Dans toutes ces races océaniennes, le sens du rythme est extrêmement perfectionné, et dans ce festival, il n’y avait pas un son, pas un mouvement qui ne tombât en mesure. L’agitation des convives de la fête croissait avec une unanimité d’autant plus grande ; et d’autant plus sauvage aussi eût paru la scène aux yeux d’un Européen appelé à les contempler là dans le puissant soleil et l’ombre non moins puissante du banyan, frottés de safran pour donner un relief plus vigoureux encore aux arabesques du tatouage ; les femmes blanchies par des jours et des jours de réclusion jusqu’à atteindre une pâleur de teint presque européenne ; les chefs couronnés de plumes d’argent faites avec des barbes de vieillards, et ceints de pagnes faits avec des cheveux de femmes mortes. Toute espèce de nourriture insulaire était pendant ce temps réservée aux femmes et au vulgaire ; et, pour ceux qui étaient admis au privilège d’en manger, on portait à la nécropole, les corbeilles de cochon-long. On dit que les réjouissances se prolongeaient longtemps ; le peuple en sortait épuisé, réduit par la débauche à l’état de brutes, et les chefs alourdis par cette nourriture bestiale. Il y a certains sentiments que nous qualifions emphatiquement d’humains – et nous refusons les honneurs de cette épithète à ceux qui en sont dénués. En de pareilles fêtes – où, particulièrement, la victime a été tuée dans sa maison et où les hommes ont banqueté avec le corps d’un pauvre camarade qui avait partagé les jeux de leur enfance, ou d’une femme dont ils avaient reçu les faveurs – tout l’ensemble de ces sentiments est outragé. À le considérer de trop près, on est amené à comprendre, sinon à excuser, les ferveurs des vieux capitaines de vaisseau qui, forts de leur droit, armaient leurs canons et ouvraient le feu en passant devant une île de cannibales.

    Et pourtant c’était un phénomène étrange. Là, sur les lieux, comme j’étais debout sur la voûte élevée et ruisselante d’eau de la forêt, ayant d’un côté le jeune prêtre dans sa robe courte, de l’autre l’écolier marquisan, aux yeux brillants, toute la chose m’apparaissait infiniment distante, tombée dans la froide perspective de la lumière crue de l’histoire. Peut-être l’attitude du prêtre m’influençait-elle ? Il souriait ; il plaisantait avec l’enfant, héritier à la fois des convives de ces banquets et de ceux qui en faisaient les frais ; il frappait des mains et me chantait un verset d’un des vieux refrains de mauvais présage. Des siècles avaient pu naître et s’écouler depuis que ce théâtre boueux avait servi pour la dernière fois ; et je contemplai son emplacement avec aussi peu d’émotion que j’en eusse ressenti en visitant Stonehenge.

    À Hiva-oa, quand je me rendis compte que la chose était vivante encore et latente sous mes pas, et que d’entendre les cris de la victime prise au piège était pour moi dans la limite des choses possibles, mon attitude historique s’évanouit entièrement et je ressentis à l’endroit des naturels une certaine répugnance. Mais là aussi, les prêtres ne se départirent en rien de leur humeur joviale, plaisantant les cannibales comme sur une excentricité plus absurde qu’horrible, cherchant à leur faire honte de cette coutume plutôt en la ridiculisant avec douceur comme nous faisons pour un enfant qui a volé du sucre. Il est facile de reconnaître ici l’esprit sagace et avisé du Père Dordillon.

    CHAPITRE XII

    L’histoire d’une plantation

    Taahauku, sur la côte sud-est de l’île de Hiva-oa – Taahauku en a fait la négligence des blancs – peut s’appeler le port de Atouona. C’est un étroit et petit mouillage, situé entre des pointes abaissées de falaises, et s’ouvrant plus haut sur une vallée boisée ; un petit fort français, à présent hors d’usage et abandonné, domine la vallée et la passe. Atouona elle-même, à l’entrée de la baie, est encadrée d’un cirque de montagnes qui dominent l’emplacement plus immédiat de Taahauku et donnent au tableau son caractère saillant. On estime qu’elles n’ont pas plus de quatre mille pieds d’altitude ; mais, Tahiti avec huit mille, et Hawaï avec quinze mille ne peuvent offrir un panorama d’alpes aussi abruptes, aussi mélancoliques. Le matin, quand le soleil tombe directement sur elles, elles s’élèvent comme une vaste muraille : verte au sommet, si par bonheur les sommets sont éclairés, et la façade striée de cours d’eau étroits comme des lézardes. Vers l’après-midi, la lumière tombe plus obliquement et les contours de la chaîne prennent plus de relief, les gorges profondes s’emplissant d’ombre, les arcs-boutants énormes et tortueux s’élevant, cernés de soleil. À toutes les heures du jour, elles frappent le regard par quelque beauté nouvelle et l’esprit par la même tristesse menaçante.

    Les montagnes qui divisent et font dévier le perpétuel déluge alizéen sont incontestablement responsables du climat. Un fort courant d’air soufflait jour et nuit sur le port. Jour et nuit, les mêmes nuages fantastiques et défaits fuyaient à travers les cieux ; la même calotte sombre de pluie et de vapeur tombait et s’élevait tour à tour sur la montagne. Les brises de terre soufflaient, fortes et froides, et la mer, comme l’air, était dans un tumulte perpétuel. Les vagues s’engouffraient dans l’étroit mouillage comme un troupeau de moutons dans une bergerie ; débordant des deux côtés, haut sur l’un et bas sur l’autre ; perpétuant un certain son creux de caverne, fumant comme des canons et se répandant finalement sur le rivage.

    Du côté le plus éloigné d’Atouona, le promontoire, bien abrité, était une pépinière de cocotiers. Quelques-uns étaient encore des enfants ; aucun n’avait encore achevé sa croissance ; aucun ne fusait encore vers le ciel avec ce jet en coup de fouet des palmiers à maturité. Chez les jeunes arbres, la couleur change avec l’âge et la taille. En ce moment, tous ont la teinte infiniment délicate de l’herbe verte ; bientôt la côte se dorera, les frondaisons demeurant vertes comme des fougères ; alors, les troncs continuant de s’élever atteindront leur couleur grise définitive, et les grands éventails, revêtus d’une épaisseur de verdure plus vigoureuse et plus prononcée et découpés sur le lointain en sombres saillies, brilleront au soleil et étincelleront sous les assauts du vent comme des fontaines d’argent. Dans ce jeune bois de Taahauku, toutes ces nuances et ces combinaisons étaient représentées et répétées par vingtaines. Les arbres croissaient, agréablement espacés, sur une pelouse accidentée, entremêlés çà et là de palissades pour faire sécher le copra ou de quelque hutte délabrée où on l’emmagasine. À chaque instant, le flâneur pouvait entrevoir le Casco se balançant non loin de là, dans l’étroit mouillage, et au-delà, le sombre amphithéâtre des montagnes d’Atouona et les falaises abruptes qui l’enclosent du côté de la mer. Les vents alizés, passant parmi les éventails, faisaient un bruit sans fin de pluie d’été ; et, de temps en temps, on entendait le flot s’engouffrer dans une caverne sous-marine avec le bruit d’un roulement de tambour subit et lointain.

    À l’extrémité supérieure de la passe, son revêtement de rochers bas s’abaisse de deux côtés et forme une plage. Un entrepôt de coprah s’abrite à l’ombre des arbres qui la bordent ; autour de lui voltige éternellement une troupe d’hirondelles naines ; et une ligne de rails, construite sur une tranchée de bois, descend vers l’embouchure de la vallée. En les parcourant, le voyageur nouvellement débarqué découvre un lagon plein d’une eau claire et fraîche (dont il traverse un bras), et au-delà un bouquet de nobles palmiers abritant la maison du négociant Mr. Keane. Les cocotiers, en se rejoignant, font à celle-ci une toiture élevée et continue ; on entend les merles chanter à plein gosier ; le coq des îles fait entendre son chant rauque et joyeux et aère son plumage doré ; les cloches des vaches sonnent çà et là dans le bocage ; et quand vous êtes assis dans la claire véranda, bercé par cette symphonie, dites-vous, si vous le pouvez : « Plutôt cinquante années d’Europe… » Plus loin, le sol de la vallée est vert et plat, ponctué çà et là de cocotiers adolescents. Parmi eux, avec mille chansons, la rivière court et bavarde ; et le long de son cours, là où nous cherchons des saules, les puraos croissent en grappes et font les étangs ombreux selon le cœur d’un pêcheur à la ligne. Je n’ai trouvé nulle part un vallon plus riche et plus paisible, un air plus tendre, une voix plus douce aux sons champêtres. Seul, un détail frappe l’observateur : voilà une baie commode, un terrain excellent, une eau très bonne et cependant, nulle part, aucun paepae, aucune trace d’habitation insulaire.

    Il n’y a

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