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    2. Dans les mers du sud
    3. Chapitre 20
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    ou trois ans, les habitants d’une vallée saisirent et massacrèrent un pauvre diable qui les avait offensés ; à les croire, l’offense était terrible ; ils ne purent supporter de laisser leur vengeance incomplète, et n’osèrent pas faire un festin public sous les yeux des Français. En conséquence, le corps fut coupé en morceaux, et chaque homme se retira dans sa propre demeure pour consommer le rite en secret, emportant sa portion de l’horrible nourriture dans une boîte d’allumettes suédoises ! La substance barbare du drame, et les objets européens employés offrent à l’imagination un contraste saisissant. Mais un autre incident qui se passa l’année même où je me trouvais là, en 1888, est bien plus frappant encore. Au printemps, un homme et une femme se cachèrent dans les entours de l’école jusqu’à ce qu’ils vissent un enfant seul. Ils l’approchèrent avec des paroles mielleuses et des manières engageantes : – « Vous êtes un Tel, fils de un Tel ? » – dirent-ils, et ils le caressèrent en l’entraînant dans les bois. Un vague pressentiment s’éveilla dans le cœur de l’enfant, ou bien quelque regard trahit les affreux projets de ses séducteurs. Il tenta de leur échapper ; il cria ; et eux, jetant le masque, le serrèrent plus fort et se mirent à courir. Ses cris furent entendus ; ses camarades d’école qui jouaient tout près de là accoururent à la rescousse ; et le sinistre couple s’enfuit et disparut dans les bois. Il ne fut jamais identifié ; aucune poursuite ne suivit ; mais l’opinion générale fut qu’ils nourrissaient quelque rancune contre le père de l’enfant et avaient résolu de le manger en revanche. Dans toutes les îles, comme autrefois chez nous, parmi nos propres ancêtres, on remarquera que le vengeur ne prend pas particulièrement soin de frapper tel individu. Une famille, une classe, un village, une vallée ou une île entières, toute une race humaine sont également responsables du crime d’un de leurs membres. Ainsi, dans l’histoire ancienne, le fils devait payer pour les fautes de son père ; ainsi Mr. Whalon, compagnon d’un baleinier américain, devait verser son sang et être mangé pour expier les méfaits d’un négrier péruvien. Il me souvient d’un incident qui eut pour théâtre Jaluit, dans le groupe Marshall ; il me fut conté par un témoin oculaire, et je le cite ici pour l’étrangeté de la scène. Deux hommes avaient éveillé l’animosité des chefs de Jaluit, et c’est leurs femmes qu’on avait décidé de punir ; un seul naturel servit d’exécuteur. Très tôt dans la matinée, devant un grand concours de spectateurs, il entra dans la mer, traversant le récif entre ses victimes. Celles-ci ne se plaignaient ni ne résistaient : elles accompagnaient patiemment leur bourreau ; se penchèrent quand elles eurent avancé suffisamment ; et lui – posant une main sur l’épaule de chacune d’elles – les tint sous l’eau jusqu’à l’asphyxie complète ; sans doute, quoique mon narrateur ne me l’ait pas dit, leurs familles étaient-elles sur le rivage en train de se lamenter à haute voix.

    C’est de Hatiheu que je fis ma première visite à un haut lieu cannibale.

    Le jour était étouffant et couvert de nuages. Les averses torrentielles des tropiques alternaient avec des apparitions de soleil accablantes. Le sentier vert qui bordait la route s’élevait en pente rapide. Tandis que nous allions, à quelques pas du petit écolier qui nous servait de guide, le Père Siméon tenait son portefeuille à la main et me nommait les arbres, lisant à haute voix dans ses notes l’énumération de leurs vertus. À ce moment, la route en s’élevant nous montra la vallée de Hatiheu sur une plus vaste étendue ; et le prêtre, s’en référant parfois à notre guide, me désignait les frontières et me citait les noms des tribus les plus importantes qui, dans les anciens jours, vivaient dans une guerre perpétuelle les unes avec les autres : une au nord-ouest, une le long du rivage, une autre derrière, sur la montagne. Le Père Siméon avait parlé à un survivant de ce dernier clan ; jusqu’à la pacification, il n’avait jamais été jusqu’au bord de la mer, ni, si j’ai bonne mémoire, mangé de poisson de mer. Les tribus vivaient cantonnées et bloquées, chacune dans son propre quartier. Faire un pas en dehors des frontières c’était affronter la mort. En cas de famine, les hommes devaient aller dans les bois chercher des châtaignes et des fruits. Encore à l’heure qu’il est, si les parents sont en retard avec leurs contributions hebdomadaires, l’école est dissoute, et les écoliers envoyés à la récolte. Mais, dans les anciens jours, quand le trouble se mettait dans un clan, une grande activité régnait dans tous les autres ; les bois devenaient pleins d’embûches ; et celui qui allait quérir des légumes pour son compte risquait fort de devenir, en route, le plat du jour de ses ennemis héréditaires. Le prétexte en question n’était même pas nécessaire. Une douzaine de phénomènes naturels ou de divergences sur le point de vue social, précipitaient ce peuple dans le sentier de la guerre à la chasse à l’homme. Qu’un chef, ou quelque autre de son rang eût achevé de se tatouer, que la femme de l’un d’eux approchât de son terme ; que l’embouchure des deux torrents qui se jetaient dans la baie d’Anaho eût légèrement dévié, que le chant d’un certain oiseau ait été entendu, une certaine formation de nuages de mauvais augure, observée au-dessus de la mer du Nord, et instantanément, les bras étaient oints d’huile, et les chasseurs d’hommes se répandaient dans le bois pour y disposer leurs embuscades fratricides. Il apparaît aussi qu’à l’occasion, peut-être en cas de famine, le prêtre devait s’enfermer dans sa maison où il restait pendant une période déterminée, comme un mort. Quand il en sortait, c’était pour courir pendant trois jours sur tout le territoire du clan, nu et affamé, et dormir la nuit, seul dans le haut lieu. C’était alors le tour des autres de garder la maison, car rencontrer le prêtre au cours de ses rondes c’était la mort. La veille du quatrième jour, le temps de la course était révolu ; le prêtre rentrait sous son toit ; les simples laïques revenaient au jour, et au matin, le nombre des victimes était annoncé. Je tiens ce récit d’une autorité que je crois bonne – mais je le transcris avec défiance. Les détails en sont si étranges que, s’ils étaient exacts, il me semble que je les aurais entendu citer plus souvent. Il y a un point qui semble hors de question : c’est que les éléments de la fête étaient parfois fournis par le propre clan. En temps de disette, tous ceux qui n’étaient pas protégés par leurs alliances de famille – c’est-à-dire et suivant l’expression des montagnes tous les membres du clan – avaient des raisons de trembler. Vaine était toute résistance, et la fuite inutile. Ils étaient cernés de toutes parts par les cannibales ; et le four était prêt à fumer pour eux, aussi bien à l’étranger, au pays de leurs ennemis, que chez eux, dans la vallée de leurs pères.

    À un certain tournant de la route, l’écolier, notre guide, s’enfonça sur la gauche, dans la pénombre de la forêt. Nous étions maintenant sur une ancienne route du pays, recouverte d’une épaisse voûte d’arbres et grimpions, semblait-il, au hasard par-dessus des rochers et des arbres morts ; mais l’enfant sautait et bondissait entre les uns et les autres, car ces sentiers sont aussi familiers aux naturels que le sont pour nous les grandes routes royales ; à tel point qu’aux jours de la chasse à l’homme, leur ouvrage consistait bien plus à les bloquer et à en effacer les traces qu’à les améliorer. Dans le cœur du bois, l’air était moite, chaud et froid tout ensemble ; sur nos têtes, la pluie tropicale ruisselait sur le feuillage avec un vacarme continu ; mais, çà et là, seulement comme à travers les trous d’une toiture percée, une goutte tombait, solitaire, faisant une tache sur mon mackintosh. À ce moment, le tronc énorme d’un figuier-banyan apparut, s’élevant sur ce qui ressemblait aux ruines d’un ancien fort ; et notre guide, faisant halte et allongeant le bras, annonça que nous avions atteint le paepae Tabou.

    Paepae signifie le plancher ou plateforme sur lequel s’élève la demeure des naturels, et même un tel paepae – « un paepae-hae » – peut être dit tabou, dans un sens atténué, une fois qu’il est déserté et devenu le rendez-vous des esprits ; mais le haut lieu public, tel que je le parcourais à présent, était construit sur une grande échelle. Aussi loin que mes yeux pouvaient voir dans l’obscurité du couvert, le sol de la forêt était entièrement pavé. Trois étages de terrasses s’étayaient au flanc de la colline – en avant un parapet croulant limitait l’arène principale et le pavement de celle-ci était percé et morcelé par plusieurs sources et de petites clôtures. Nulle trace ne demeurait d’aucune superstructure ; et le schéma de l’amphithéâtre se reconstituait difficilement. J’en visitai un autre à Hiva-oa, moins grand, mais plus parfait, où il était aisé de retrouver des rangées de gradins, et de distinguer des sièges d’honneur, isolés, pour les personnages éminents ; et où sur la plateforme supérieure une solive unique du temple ou de la nécropole demeurait avec ses montants richement sculptés. Dans les anciens jours, le haut lieu était soigneusement entretenu. Aucun arbre, sauf le banyan sacré, n’avait le droit d’empiéter sur les marches, aucune feuille de pourrir sur son pavement. Ses pierres étaient serties avec soin

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