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    2. Dans les mers du sud
    3. Chapitre 2
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    de grâce, si gauches et, pour l’œil européen, si étranges – étaient massés sur la berge et aux flancs abrupts des monts. Des collines rudes et dénudées encadraient la passe de chaque côté et elle était fermée du côté de la terre, par un amas de montagnes déchiquetées. Dans chaque crevasse de cette barrière, les arbres étaient blottis, perchés, nichés comme les oiseaux dans les ruines ; et dans le lointain, ils dentelaient et verdissaient les crêtes effilées des sommets.

    Le long de la côte orientale, notre schooner, maintenant privé de brise, continuait cependant d’avancer lentement : belle créature qui, une fois en marche, semblait trouver en elle-même son élan. Des bêlements d’agneaux s’élevaient tout près du bord – du flanc de la colline montait un chant d’oiseau ; les senteurs du sol et de centaines de fruits et de fleurs cheminaient à notre rencontre, et, çà et là, une ou deux maisons apparaissaient, dressées au pied des collines, et l’une d’elles, entourée semblait-il, d’un jardin. Ces habitations très en vue, ces traces de culture, – que ne les connaissions-nous alors ! – nous eussent révélé le passage des blancs ; et nous aurions pu approcher d’une centaine d’îles sans rien retrouver de semblable. Longtemps après, seulement, nous découvrîmes le village indigène, situé (selon la coutume universelle) à l’abri d’une courbe du rivage et d’un bouquet de palmiers ; en face, la mer, grondant et écumant sur un arc concave de récifs. Car le cocotier et l’insulaire sont tous deux les voisins et les amants de la vague. « Le corail croit, le palmier pousse, mais l’homme s’en va », dit le triste dicton haïtien. Mais, tous trois, tant qu’ils durent, sont les communs habitués des grèves. Nous devions jeter l’ancre dans une anfractuosité, parmi les roches, près de l’angle sud-est de la baie. Répondant à nos besoins, la baie était là ; le schooner vira sur lui-même ; l’ancre plongea. Faible fut le bruit, mais l’événement immense : mon âme s’en fut, avec ces amarres, à des profondeurs d’où nul treuil ne le saurait extraire, nul plongeur la retirer ; de ce jour, quelques-uns de mes compagnons de bord et moi-même devions demeurer à jamais les esclaves des îles Vivien.

    Avant même que l’ancre eut touché le fond, un canot se détachait en pagayant du village. Il portait deux hommes : l’un blanc, l’autre brun, et le visage tatoué de traits bleus, tous deux vêtus de costumes européens d’une blancheur immaculée : le trader [1] de l’endroit, Mr. Regler et le chef des naturels, Taipi-Kikino. « Capitaine, est-il permis de venir à bord ? » Telles furent les premières paroles que nous entendîmes aux îles. Les canots succédèrent aux canots jusqu’à ce que le navire fourmillât d’hommes vigoureux, hauts de six pieds, déshabillés de toutes les façons, les uns portant une chemise, les autres un pagne ; l’un vêtu seulement d’un mouchoir à peine attaché ; le plus grand nombre couverts de la tête aux pieds des échantillons du plus grotesque tatouage. Quelques-uns, barbares et armés de couteaux. L’un d’eux, qui se dresse dans ma mémoire comme quelque chose de bestial, accroupi sur ses jarrets, au fond d’un canot, suçant une orange et la recrachant de tous côtés, avec la vivacité d’un singe ; – tous parlant à la fois – et nous ne comprenions pas un mot ! – tous essayant de trafiquer avec nous, qui n’avions aucune velléité de trafic ! – ou nous offrant des curiosités de leur île à des prix parfaitement absurdes ! Pas un mot de bienvenue, pas une marque de politesse ; aucune main tendue, sauf celles du chef et de Mr. Regler. Comme nous persistions à refuser les articles qu’on nous offrait, des récriminations s’élevèrent hautes et rudes, et l’un d’eux, le pitre de la bande, se répandit en railleries sur notre avarice, au milieu des rires et des moqueries. « Voilà un fier bateau ! » – disait-il entre autres plaisanteries irritées – qui n’a même pas d’argent à bord ! » J’éprouvai, je l’avoue, un sensible dégoût, et même certaines craintes. Le bâtiment était manifestement en leur pouvoir ; nous avions des femmes à bord ; je ne savais rien de mes hôtes, sauf que c’était des cannibales ; le guide (mon seul conseiller) se répandait en prudentes recommandations et, quant au trafiquant, sa présence partout ailleurs eût dû me rassurer : les blancs n’étaient-ils pas, dans le Pacifique, les instigateurs et les complices habituels des crimes des indigènes ? Lorsqu’il lira cette confession, Mr. Regler, notre ami si affectionné, pourra se permettre de sourire.

    Plus tard, dans la journée, comme j’étais assis, écrivant mon journal, ma cabine fut envahie d’un bout à l’autre par les Marquisans ; trois générations de peaux brunes, accroupies, les jambes repliées, sur le plancher, et me regardant en silence, avec des yeux troublants. Tous les Polynésiens ont de grands yeux, lumineux et noyés comme ceux de certains animaux et de quelques Italiens. Une sorte de détresse m’envahit à me trouver assis là, sans défense, sous le regard fixe de toutes ces prunelles, et ainsi bloqué dans un coin de ma cabine par cette foule silencieuse ; et aussi une sorte de rage de les sentir hors de la portée de toute communication articulée, comme des fauves – ou des sourds de naissance – ou encore, les habitants d’une autre planète !

    Pour un garçon de douze ans, passer la Manche, c’est changer de ciel ; pour un homme de vingt-quatre ans, traverser l’Atlantique, c’est à peine un léger changement de régime. Et cependant, j’étais loin désormais de l’ombre que projette encore l’Empire romain, dont les croulants édifices dominèrent tous nos berceaux, dont les lois et les lettres nous enveloppent de toutes parts, et n’ont pas cessé de nous contraindre et de nous dominer.

    J’allais voir maintenant ce que pouvaient être des hommes dont les pères n’avaient jamais lu Virgile et n’avaient été ni conquis par César ni gouvernés par la sagesse de Caïus ou de Papinien. J’avais du même coup franchi cette zone confortable des langues-sœurs où il est si aisé de remédier à la confusion de Babel !

    Et voici que mes nouveaux semblables demeuraient assis devant moi, muets comme des images. Je n’avais envisagé aucune relation humaine au cours de mes voyages et je pensais à mon retour (car à cette époque, je pensais encore au retour) en feuilleter les souvenirs comme un album de gravures sans texte. Mais non… et voici que j’en arrivais à me demander si les dits voyages allaient se prolonger longtemps, et si une fin rapide ne les menaçait pas ? Peut-être mon futur ami Kauanui, que je remarquais, assis en silence parmi les autres comme un homme de quelque autorité, allait-il soudain, bondir sur ses jarrets, pousser un cri de ralliement strident, le bateau être pris d’assaut, et tout l’équipage massacré pour subvenir aux frais du festin.

    Rien de plus naturel que ces appréhensions ; rien aussi de moins fondé. Dans toute l’expérience que j’ai acquise des îles, je n’ai plus jamais reçu d’accueil aussi menaçant ; si j’en recevais un semblable aujourd’hui, j’en serais plus alarmé, et dix fois plus surpris que je ne le fus alors.

    La majorité des Polynésiens sont gens d’un commerce facile, francs, aimant à se faire remarquer, avides de la moindre affection comme de bons chiens caressants ; et même, parmi ces Marquisans si récemment et si imparfaitement dégagés d’une sauvagerie sanguinaire, tous devaient devenir nos amis, et l’un d’eux, tout au moins, pleurer sincèrement notre départ.

    CHAPITRE II

    Nous devenons amis

    L’empêchement du langage est un inconvénient dont je m’étais particulièrement exagéré l’importance.

    Les idiomes polynésiens sont faciles à connaître superficiellement, mais difficiles à parler avec élégance. Ils se ressemblent extrêmement, et si l’on a une teinture de l’un ou deux d’entre eux, on peut tenter, non sans espoir, de se faire comprendre dans les autres.

    De plus, non seulement le polynésien est facile à écorcher tant bien que mal, mais les interprètes abondent. Presque dans chaque île et dans chaque village, on trouve des missionnaires, des trafiquants ou une population blanche de rebut vivant de la générosité des indigènes ; et là où ils ne peuvent vous venir en aide, souvent les naturels eux-mêmes ont ramassé, çà et là, quelques mots d’anglais, ou bien, si c’est dans la zone française (mais c’est plus rare) un amalgame de français et d’anglais, ou un efficace sabir qu’on appelle dans l’Ouest « Beach-la-mar » et que les polynésiens apprennent facilement. D’ailleurs, on l’enseigne maintenant dans les écoles de Hawaï, et grâce à la multiplicité des navires anglais, et à la proximité des Etats-Unis, d’une part, et des colonies de l’autre, il peut être appelé à devenir et deviendra presque certainement la langue du Pacifique. Je veux en donner quelques exemples.

    Je rencontrai à Majuro un jeune homme des îles Marshall qui parlait un anglais excellent. Il l’avait appris dans une maison de commerce allemande de Jaluit et était pourtant incapable de dire un mot d’allemand. J’ai entendu raconter par un gendarme, qui avait tenu une école à Rapaiti que, tandis que les enfants avaient les plus grandes difficultés et une extrême répugnance à apprendre le français, ils ramassaient des bribes d’anglais en route, et comme par hasard. Sur un des atolls les plus perdus des Carolines, mon ami, Mr. Benjamin Hird, fut stupéfait de trouver les jeunes gens jouant au cricket sur la plage et parlant anglais ; et c’est en anglais que l’équipage du Janet-Nicoll, une troupe de jeunes noirs venus de différentes îles de la Mélanésie, communiquait avec les autres naturels, au cours de notre croisière, transmettant les ordres, et parfois plaisantant

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