▶ Lire le livre gratuitement en ligne | Entièrement gratuit | Oui c'est vrai!
  • Home
  • Tous les livres
    • Livres populaires
    • Livres tendance
  • BLOG
Recherche avancée
Sign in Sign up
  • Home
  • Tous les livres
    • Livres populaires
    • Livres tendance
  • BLOG
    Sign in Sign up
    1. Home
    2. Dans les mers du sud
    3. Chapitre 16
    Prev
    Next

    de cet art, à tel point que, quelque temps auparavant, avant qu’elle fût devenue collet monté, sa jambe était montrée comme une des curiosités de Tai-o-hae ; elle avait passé de chef en chef ; on s’était battu pour elle et on l’avait enlevée dans des combats ; peut-être étant une si grande dame, s’était-elle assise sur le haut-lieu, et avait-elle trôné là, seule de son sexe, au roulement éperdu des tambours, cependant que les prêtres élevaient les corbeilles de cochon-long ensanglantées. Et maintenant, voyez-la émergeant de ce passé de violence et de fêtes sanguinaires, vieille dame soignée, tranquille et douce, telle que vous en trouveriez chez vous (également avec des mitaines, mais rarement aussi bien élevées) dans une vingtaine de manoirs. Seulement les mitaines de Vaekehu étaient en couleur, non en soie ; et elles avaient été payées, non avec de l’argent, mais avec de la chair humaine grillée. Le désir me vint à l’esprit, comme un choc, de savoir ce qu’elle devait en penser, elle-même, et si dans le fond de son cœur, peut-être, elle ne regrettait pas, en le désirant encore, le passé émouvant et barbare ? Mais quand j’interrogeai Stanislas : « Ah ! fit-il, elle est satisfaite ; elle est dévote, et elle passe ses journées avec les religieuses. »

    Stanislas (ou plus exactement Stanislaos, mais la consonnance finale est supprimée suivant la coutume polynésienne) fut envoyé par Mgr Dordillon dans l’Amérique du Sud, et élevé là par les Pères. Son français est coulant, sa conversation sensée et brillante, et en sa qualité de brigadier en chef, il rend de grands services aux Français. Grâce au prestige de son nom et de sa famille, et avec l’aide du bâton, quand c’est nécessaire, il arrive à faire travailler les naturels, et à maintenir les routes dans un état passable. Sans Stanislas et sans les forçats, je me demande ce qu’il adviendrait du régime actuel à Nuka-Hiva ; si les grandes routes ne seraient pas impraticables, la jetée emportée, et la Résidence destinée à tomber en ruines sous les yeux des fonctionnaires impotants. Et pourtant, quoiqu’étant un ami héréditaire et l’un des principaux supports de l’autorité française, il a toujours un œil sur le passé. Il me montra où était autrefois la vieille place publique, dont les bornes de pierre semées au hasard marquaient encore l’emplacement ; me dit quelle grande et belle place c’était, avec sa ceinture de maisons populeuses, alors qu’aux jours de fête, le peuple s’y pressait en foule au son des tambours. Le roulement de tambour des Polynésiens exerce sur les nerfs une étrange et sombre influence.

    Les blancs n’y échappent pas – à ces sons précipités, leur cœur bat plus fort ; et à en croire les vieux résidents, son action sur les indigènes était énorme. Mgr Dordillon aurait eu beau supplier, Temoana lui-même ordonner et menacer, au premier son du tambour, les instincts sauvages prennent le dessus. Il pourrait, à présent, résonner sur ces ruines, qui s’y rassemblerait ?. Les maisons sont détruites, le peuple anéanti, la race éteinte ; et le rebut de la population et les fugitifs d’îles et de baies lointaines campent sur leurs tombeaux. Stanislas se plaignait tout particulièrement du déclin de la danse. « Chaque pays a ses coutumes », disait-il, mais au dire de tout gendarme, peut-être désireux de renforcer avec le nombre des délits les instruments de son propre pouvoir, les coutumes, l’une après l’autre, sont mises à l’index. « Tenez, une danse qui n’est pas permise », me disait Stanislas, « je ne sais pas pourquoi, elle est très jolie, elle va comme ça, » et, plantant son parapluie au milieu de la route, il esquissa les pas et les gestes. Toutes ses critiques du présent, tous ses regrets du passé me frappèrent par leur modération et leur bon sens. Il considérait la trop courte durée des fonctions de Résident comme un des principaux défauts de l’Administration. À peine cet officier a-t-il le temps de rendre quelques services avant d’être rappelé. Je crus comprendre aussi qu’il envisageait avec quelque frayeur le prochain remplacement du gouverneur naval par un gouverneur civil. En tout cas, je suis sûr que, pour mon compte, je l’envisageais ainsi ; car les serviteurs civils de la France ne sont jamais apparus aux étrangers comme la fine fleur de leur pays, tandis que leurs officiers de marine défient toute comparaison au monde. Au cours de sa conversation, Stanislas avait soin de parler de son pays comme d’un pays de sauvages ; et quand il émettait une opinion personnelle, c’était avec une préface en manière d’apologie, alléguant qu’il était « un sauvage qui avait voyagé ». Il y avait dans sa modestie affectée une bonne part d’honnête fierté. Pourtant, il y avait dans cette précaution quelque chose qui m’attrista : et je craignis qu’il ne fît ainsi que s’approprier une insulte trop souvent entendue.

    Je me souviens avec intérêt de deux interviews avec Stanislas. Le premier eut lieu par une certaine après-midi de pluie tropicale que nous passâmes ensemble dans la véranda du club. Tantôt causant en élevant la voix quand l’averse redoublait sur nos têtes, tantôt, passant dans la salle de billard, pour consulter dans le jour blafard et couvert, cette mappemonde qui en est le principal ornement. Il ignorait naturellement l’histoire d’Angleterre, de sorte que j’avais beaucoup de choses à lui apprendre. Je lui racontai d’un bout à l’autre l’histoire de Gordon, et de nombreux épisodes de la révolte des Indes, Lucknow, la seconde bataille de Cawnpore, la délivrance d’Arrah, la mort du pauvre Spottiswoode, et la campagne de Sir Hugh Rose. Il écoutait passionnément ; sa face brune fortement marquée de la petite vérole s’altérait et s’enflammait avec chaque vicissitude. Ses yeux brillaient du reflet des batailles ; ses questions étaient nombreuses et intelligentes et bien souvent, nous ramenaient auprès de la carte. Mais c’est de notre séparation que je garde l’impression la plus forte. Nous devions nous embarquer le lendemain et la nuit était venue, sombre, orageuse et pluvieuse, quand nous escaladâmes la colline pour prendre congé de Stanislas. Il nous avait déjà comblé de présents ; mais bien d’autres nous attendaient. Nous nous assîmes autour de la table chargée de cigares et de noix de coco vertes ; des coups de vent s’engouffraient dans la maison et éteignaient la lampe qui, chaque fois, était instantanément rallumée à l’aide d’une seule allumette ; et ces intervalles périodiques d’obscurité nous étaient un réel soulagement.

    Car il y avait quelque chose de douloureux et d’embarrassant dans l’attendrissement de cette séparation. « Ah ! vous devriez rester ici, mon cher ! disait Stanislas en pleurant ; vous êtes les gens qu’il faut pour les Canaques ; vous êtes doux, vous et votre famille ; vous seriez obéis dans toutes les îles [10]. » Nous avions été polis, mais encore pas toujours, ma conscience me le disait, et jamais rien de plus. Et toutes ces louanges étaient la mesure, non de notre considération pour eux, mais de l’absence de cette considération de la part des autres. Le reste de la soirée, en allant chez Vaekehu et en revenant à la jetée, Stanislas me suivit, son bras passé dans le mien et m’abritant sous son parapluie ; et quand le bateau eût pris le large, nous pûmes distinguer encore ses gestes d’adieu dans l’obscurité. Ses paroles, s’il en prononça, se perdirent dans la pluie et le bruit de la mer.

    J’ai mentionné les présents, question épineuse dans les mers du Sud, et qui montre bien l’habitude, commune aux ignorants, de juger les races en bloc. Dans bien des endroits, le Polynésien ne donne que pour recevoir. J’ai visité des îles où toute la population me harcela comme les chiens qui se jettent sur la pâtée des chats, et où cette fréquente proposition : « You my pleni, – ami – » ou (avec plus de passion) : « You all’e same my father », devait être accueillie par un fou rire et des exclamations. Et peut-être partout, parmi les gens cupides et rapaces, un présent est-il regardé comme un goujon destiné à amorcer une baleine. C’est la coutume, là-bas, de donner des cadeaux et d’en recevoir, et de tels caractères, se conformant aux habitudes, y regardent de près pour ne pas perdre au change ! Mais pour les personnes d’une autre trempe les choses ne se passent point ainsi. Le Polynésien mesquin est anxieux jusqu’à ce qu’il ait reçu un cadeau en retour ; celui qui est généreux est mal à l’aise jusqu’à ce qu’il ait offert le sien. Le premier est désappointé si vous ne lui avez pas donné plus qu’il n’avait fait ; le second est malheureux s’il croit avoir donné moins que vous. C’est, du moins, le résultat de mes observations. Si elles contredisent celles des autres, je regrette leur sort et m’applaudis du mien : la circonstance ne peut altérer ce que j’ai vu, ni diminuer ce que j’ai reçu. Et réellement ceux qui me contredisent partent d’un point de départ plein de présomption ; comparant le Polynésien avec un personnage idéal composé de générosité et de gratitude, et tel que je n’ai jamais eu le plaisir d’en rencontrer ; et oubliant que ce qui est presque la pauvreté pour nous représente pour eux une richesse inexprimable. J’en donnerai un exemple : je parlais, par hasard, en les admirant, de ces présents de Stanislas, avec certain homme très intelligent, plein de haine et de mépris pour les Canaques. « Eh bien quoi ! qu’étaient-ils ? une poignée de vieilles barbes ! quelle misère ! » Et le même personnage, moins d’une demi-heure après,

    Prev
    Next

    YOU MAY ALSO LIKE

    L’ile au tresor – Robert Louis Stevenson
    L’île au trésor
    August 17, 2020
    Catriona – Robert Louis Stevenson
    Catriona (Les Aventures de David Balfour 2)
    August 17, 2020
    Nouvelles Mille et une Nuits – Robert Louis Stevenson
    Nouvelles Mille et une Nuits
    August 17, 2020
    La Fleche noire – Robert Louis Stevenson
    La Flèche noire
    August 17, 2020
    Tags:
    Classique, Non Fiction
    • Privacy Policy
    • ABOUT US
    • Contact Us
    • Copyright
    • DMCA Notice

    © 2020 Copyright par l'auteur des livres. Tous les droits sont réservés.

    Sign in

    Lost your password?

    ← Back to ▶ Lire le livre gratuitement en ligne | Entièrement gratuit | Oui c'est vrai!

    Sign Up

    Register For This Site.

    Log in | Lost your password?

    ← Back to ▶ Lire le livre gratuitement en ligne | Entièrement gratuit | Oui c'est vrai!

    Lost your password?

    Please enter your username or email address. You will receive a link to create a new password via email.

    ← Back to ▶ Lire le livre gratuitement en ligne | Entièrement gratuit | Oui c'est vrai!