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    2. Dans les mers du sud
    3. Chapitre 13
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    l’âge des cathédrales ; et c’est en regardant l’église de Hatiheu que je commençai d’apprécier le charme secret de la sculpture médiévale : ce mélange du courage puéril de l’amateur qu’aucune entreprise n’effraye, comme l’élève avec son ardoise, avec la persévérance virile de l’artiste qui ne sait pas quand il a vaincu.

    Depuis lors, j’avais toujours eu un vif désir de connaître l’architecte, Frère Michel ; et voici qu’un jour, comme je causais avec le Résident à Tai-o-hae (le port principal de l’île), on nous montra un vieux prêtre, à moitié aveugle, usé, de l’aspect le plus ascétique, et un frère lai du type français le meilleur, bien portant, la physionomie épanouie, intelligente, honnête et joviale, l’œil large et brillant, et une constitution vigoureuse encline à l’obésité. À cela près qu’il était vêtu d’une soutane noire et soigneusement rasé, vous pouvez voir son pareil chaque jour, travaillant joyeusement dans son carré de vigne, dans une demi-douzaine de provinces françaises ; cependant j’ai toujours été hanté par sa ressemblance particulière avec un vieux et charmant ami de mon adolescence que je veux nommer ici, au cas où sa mémoire serait chère aussi à quelqu’un de mes lecteurs : le Paul, du West-Kirk. Dès le premier mot, j’eus la certitude que je tenais mon architecte, et l’instant d’après, nous étions lancés dans une discussion animée au sujet de l’église de Hatiheu. Frère Michel parlait toujours de ses œuvres avec une pointe d’ironie à travers laquelle on pouvait discerner une juste fierté, et les sautes de l’une à l’autre étaient souvent bien humaines et bien divertissantes – « Et vos gargouilles moyen âge, m’écriai-je, comme elles sont originales ! – N’est-ce pas ! Elles sont drôles [8] ! » disait-il, avec un large sourire ; et tout de suite avec une gravité subite : « Cependant il y en a une qui a une patte de cassé ; il faut que je vois cela. » – Je m’informai s’il s’était servi de modèles – un point que nous discutâmes longuement. « Non, dit-il simplement, c’est une église idéale. » Le haut relief était son œuvre favorite, et à bien juste titre. Quant aux anges du portail, il avouait qu’il aurait aimé les détruire et les remplacer. « Ils n’ont pas de vie ; ils manquent de vie. Vous devriez voir mon église à la Dominique ; j’ai là une Vierge qui est vraiment gentille. » – Ah ! m’écriai-je, ils m’ont dit que vous étiez décidé à ne plus jamais construire d’autre église, et j’ai écrit dans mon journal que je ne pouvais pas le croire. – « Oui, j’aimerais bien en faire une autre », confessa-t-il, et il sourit de son aveu. Un artiste comprendra quel attrait cette conversation avait pour moi. Il n’existe pas de lien plus étroit que cette communion dans l’intérêt désintéressé, et l’orgueil un peu effarouché, qui distingue l’homme intelligent, énamouré d’un art quelconque. Il voit les limites de ses aptitudes, les défauts de son métier ; il sourit de se voir ainsi occupé sur les rives de la mort, et voit cependant, dans sa dévotion elle-même, quelque chose qui vaut la peine d’être vécu. Si les artistes avaient le même sens de l’humour que les augures, ils souriraient comme eux en se rencontrant, mais d’un sourire plein d’indulgence.

    J’eus l’occasion de voir beaucoup cet excellent homme. Il fit avec nous la traversée de Tai-o-hae à Hiva-oa, une lutte à mort de 90 milles, avec une mer démontée. Ce fut ce qu’on appelle une bonne traversée, et une plume au bonnet du Casco. Mais ces quarante-huit heures restent parmi les plus mauvaises qu’aucun de nous ait jamais passées. Nous étions secoués et lancés les uns contre les autres, comme des balles dans un tambour, le matelot fut jeté à bas et eût la tête fendue ; le capitaine était malade sur le pont ; le cook était malade dans la cale. De toute notre compagnie, deux seulement descendirent diner. J’étais l’un de ces deux. Je me sentais fort misérable ; et ma compagne (qui se disait très à son aise) quitta la table précipitamment avant la fin du repas. C’est dans ces circonstances que nous approchâmes de la côte située sous le vent de cette île mystérieuse de Ua-pu, contemplant avec des yeux éblouis, les criques, les caps, les récifs, les forêts descendantes et les aiguilles de pierres inaccessibles qui surmontent les montagnes. Ce lieu demeure dans un recoin obscur de nos mémoires, comme un décor de cauchemar. La fin de cette pénible traversée, à laquelle furent soumis nos passagers, s’acheva avec les mêmes difficultés. Les vagues déferlaient avec fureur sur la baie de Taahauku ; le bateau échoua et chavira, et tout l’équipage fut submergé. Seul le frère, habitué à ce genre d’expérience, glissa à terre par un miracle d’agilité sans presque se faire mouiller. À partir de ce moment, durant tout le temps que nous demeurâmes à Hiva-oa, il fut notre cicérone et notre protecteur, nous présentant, nous guidant dans nos excursions, nous obligeant en mille manières et se faisant aimer chaque jour davantage.

    Michel Blank avait été un charpentier par profession ; il avait gagné de l’argent et s’était retiré, croyant sa vie active terminée ; et c’est seulement lorsqu’il s’aperçut des dangers de l’oisiveté qu’il vint mettre ses capitaux et ses connaissances au service de la mission. Il en devint le charpentier, le maçon, l’architecte et l’ingénieur ; ajouta la sculpture à tous ses talents et se rendit célèbre par sa science du jardinage. Il avait l’expression enviable d’un homme entré au port après les luttes de la vie et qui y a solidement jeté l’ancre ; il vaquait à ses occupations avec une simplicité joyeuse ; ne se plaignait pas des déboires que lui donnaient les résultats, – pensant peut-être, timidement, que ses sculptures étaient un résultat suffisant ; et il était, dans son ensemble, le modèle accompli du missionnaire.

    CHAPITRE VIII

    Le port d’entrée

    Le port – l’entrepôt, la capitale civile et religieuse de ces îles barbares – s’appelle Tai-o-hae et s’étend sur la rive d’une baie verdoyante et escarpée de Nuka-hiva. C’était le milieu de l’hiver quand nous y arrivâmes, et le temps était lourd, orageux et changeant. Tantôt le vent soufflait de terre en tempête par les brèches des précipices éboulés, tantôt, venant du large, il s’engouffrait en rafales, entre les îles gardiennes de la mer. Des nuages épais et sombres étaient suspendus sur les sommets ; la pluie faisait rage, puis cessait ; les dalots des montagnes bouillonnaient et le lendemain on pouvait voir les bords de cet amphithéâtre cernés d’une frange de blancs débris. La ville s’allonge le long de la baie, en une file étroite de maisons, généralement blanches, et toutes cachées dans le feuillage d’une avenue de verts puraos. Une jetée s’avance dans la mer par-dessus une ceinture de récifs ; à l’est, s’élève sur une colline proéminente, couverte de buissons, le vieux fort maintenant transformé en « Calaboose [9] » ou prison ; à l’est, sur la Résidence, également isolée dans un jardin, flottent les couleurs de France. La petite goélette du Gouvernement est presque toujours à l’ancre, juste en face de la colline du Carabous ; le matin elle annonce 8 heures en déployant son pavillon et le soir, elle salue d’une salve de mousquets le coucher du soleil.

    C’est là qu’habitent côte à côte, se partageant les conforts d’un club (un billard, de l’absinthe, une mappemonde « Mercator » et une des plus jolies vérandas des tropiques), une poignée de blancs de différentes nationalités ; principalement des fonctionnaires français, des employés de commerce allemands et écossais et les agents du monopole de l’opium. Il y a, de plus, trois aubergistes ; des Ecossais avisés qui possèdent des filatures de coton, deux dames blanches et quelques gens « sur le rivage » – une expression des mers du Sud pour laquelle il n’y a pas d’équivalent. C’est une société agréable et hospitalière. Mais un de ses membres qu’on voyait souvent, assis sur des troncs d’arbres au bout de la jetée, mérite quelques mots de plus pour la singularité de son aspect et de son histoire. Voici bien des années, paraît-il, il s’éprit d’une dame du pays, Grande-Chefesse à Ua-pu. Comme on la pressentait, elle déclara que jamais elle ne pourrait épouser un homme qui ne fût pas tatoué : cela avait l’air si déshabillé ! sur quoi, avec une réelle grandeur d’âme, notre héros se mit entre les mains des Tahukus, et avec un stoïcisme plus grand encore, se laissa faire jusqu’à ce que l’opération fût complètement terminée. Il dut lui en coûter une forte somme, car le Tahuku ne travaille pas pour rien, et certainement des souffrances atroces. Kooamus, tout grand chef qu’il était et de la vieille école, n’était tatoué qu’en partie ; il n’avait jamais pu, nous dit-il – avec une pantomine expressive – supporter cette torture jusqu’au bout. Notre amoureux compatriote était plus résolu ; il fut tatoué de la tête aux pieds selon toutes les règles de l’art ; et quand ce fut fait, il se présenta devant sa maîtresse, un autre homme. Mais, hélas ! cette volage beauté fut incapable de le regarder sans rire. Pour ma part, je l’ai toujours regardé avec admiration ; car de qui peut-on dire qu’il-ait aimé comme lui, non avec sagesse, mais avec trop de perfection.

    La Résidence est isolée, la colline du Carabous dissimulant le bout de la ville qui s’étend sur la baie. La maison est commode avec de spacieuses vérandas ; elle est ouverte tout le jour, de tous les côtés, et les vents alizés soufflent à

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