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    hardiment : « Mendiant à Cheval » – un spirituel et mordant jeu de mots. En Polynésie, un sobriquet détruit jusqu’au souvenir du nom original. Si nous étions Polynésiens, à l’heure qu’il est, il ne serait plus question de Gladstone. Nous parlerions de notre Nestor et nous adresserions à lui comme au « Grand vieil homme » et c’est ainsi que lui-même signerait sa correspondance. Ce n’est pas la popularité, mais la signification du surnom qui est à considérer ici. La nouvelle autorité débuta avec peu de prestige. Il y a maintenant quelque temps que Taipi exerce ses fonctions et d’après tout ce que j’ai vu, il semble y être parfaitement adapté. Il n’est pas du tout impopulaire, et pourtant son pouvoir est nul. Les Français le traitent en chef ; il est reçu à déjeuner chez le résident ; mais pour tout ce qui concerne les fins pratiques de sa situation de chef, une poupée en chiffons aurait la même valeur.

    Nous n’étions que depuis trois jours à Anaho quand nous reçûmes la visite du chef de Hatiheu, homme important et célèbre, ancien leader d’une guerre contre les Français, ancien prisonnier à Tahiti, et le dernier mangeur de « cochon-long » de Nuka-hiva. Bien peu d’années auparavant on l’avait vu parcourant à grandes enjambées la plage d’Anaho, portant sur son épaule le bras d’un cadavre. « Ainsi fait Kooamua avec ses ennemis ! » hurlait-il à ceux qui passaient – et il dévorait une bouchée de la chair fraîche ! – Et maintenant, représentez-vous ce gentleman très judicieusement placé dans cette charge par les Français, et nous faisant une visite matinale en costume européen ! C’était le caractère le plus frappant que nous ayons encore rencontré par ses manières pleines d’aménité et de décision, sa haute taille, sa figure rude, rusée, formidable, non sans une certaine ressemblance avec Mr. Gladstone – sauf quand à la couleur brune de la peau, et le tatouage de grand chef, d’un bleu égal sur tout un côté et une partie de l’autre. Une connaissance plus approfondie accrut notre opinion sur son intelligence. Il inspecta le Casco d’une manière alors toute nouvelle pour nous, examinant ses lignes et le fonctionnement de ses machines ; il lui fallut passer dix minutes à étudier patiemment un morceau de tricot auquel travaillait un des nôtres et il ne s’en alla pas avant d’en avoir compris le principe ; son intérêt se changea en excitation à la vue de la machine à écrire dont il apprit à se servir. En partant, il emporta une liste des membres de sa famille avec son propre nom imprimé au bout, de sa propre main. Il avait, en plus, un côté humoristique très développé et hâbleur plus que de raison. Il nous raconta ainsi qu’il était d’une extrême sobriété ; – il le devait à sa haute situation – ; les gens du commun pouvaient être des brutes, mais le chef ne devait pas s’abaisser à leur niveau ! Peu de jours après nous pûmes le voir dans un état d’imbécillité souriante, ayant perdu tout équilibre, et le ruban du Casco sens dessus dessous, sur son chapeau déshonoré.

    Mais, ce qui nous occupe ici, c’est l’affaire qui, ce matin, l’amenait à Anaho. Le « devil-fish » semblait devenir rare autour des récifs ; on jugea opportun de déclarer une sorte de « fermeture ». À cette fin, il est d’usage, en Polynésie, de déclarer un « Tabou » – mais qui devait s’en charger ? Taipi l’aurait pu ; il aurait dû ; c’était un des principaux attributs de sa charge. Mais qui donc eut tenu compte de l’interdiction d’un « Mendiant à Cheval » ? Il pouvait bien planter des branches de palmier ; l’emplacement ne devenait pas sacré pour cela ! Il pouvait prononcer un charme, on savait bien que les esprits ne répondraient pas ! C’est pourquoi le vieux cannibale légitimé dut s’en venir à cheval, à travers les montagnes, pour agir à sa place ; et le respectable fonctionnaire aux blancs habits put seulement le regarder et l’envier ! – À peu près à la même époque, quoique d’une façon différente, Kooamua institua une loi forestière. Les cocotiers étaient malades, car la récolte des noix encore vertes appauvrit l’arbre et le met finalement en danger. Jusqu’ici, Kooamua avait bien pu tabouer les récifs qui étaient propriété publique, mais il ne pouvait en faire autant pour les palmiers des autres ! Il adopta un moyen assez intéressant. Il taboua ses propres arbres et son exemple fut suivi dans tout Hatiheu et Anaho. – Je crois bien que Taipi aurait pu tabouer tout ce qu’il possédait : personne n’eût songé à suivre son exemple ; ce qui prouve le peu de prestige exercé par la dignité d’un chef officiel ; un simple détail nous montrera le peu de cas qu’il en fait lui-même. Je n’en ai jamais rencontré un seul qui n’ait saisi le premier prétexte pour m’expliquer sa situation ; aussi bien, tel que je le voyais, il n’était qu’un chef officiel, mais ailleurs – peut-être sur quelque autre île – il l’était par droit héréditaire : en vertu de quelle cause, il me priait d’excuser la simplicité de ses pompes, fraîchement improvisées.

    Comme on le remarquera, sans doute, avec étonnement, ces deux tabous avaient un but tout pratique. Je dis : avec étonnement, parce que la véritable nature de cette institution est très mal comprise en Europe. Elle est généralement regardée comme une prohibition maligne et sans raison – pareille à celle qui, de nos jours, dans certains pays, interdit aux personnes de fumer et qui, hier, empêchait qui que ce soit, en Ecosse, de faire une promenade un dimanche. L’érreur est aussi naturelle qu’injuste. Les Polynésiens n’ont pas été, comme nous, formés par la tradition pratique et fortifiante de l’ancienne Rome ; pour eux l’idée de loi n’a jamais été séparée de celle de morale ou de propriété ; de sorte que le tabou doit suffire à tout et implique indifféremment qu’un acte est criminel, immoral, contraire à l’ordre public, déplacé, ou (comme nous disons) « not in good form » ; c’est pourquoi bien des tabous étaient passablement absurdes, comme, par exemple, ceux qui excluaient certains

    mots de la langue et particulièrement ceux qui se rapportaient aux femmes. Le Tabou enfermait les femmes de toutes parts. Beaucoup de choses étaient interdites aux hommes ; bien peu étaient permises aux femmes. Elles ne devaient pas s’asseoir sur le pae-pae ; elles ne devaient pas y accéder par l’escalier ; elles ne devaient pas manger de porc ; elles ne devaient pas s’approcher d’un bateau ; elles ne devaient faire la cuisine sur aucun feu allumé par un mâle. Tout dernièrement, lorsque les routes furent achevées, on remarqua qu’au lieu de les suivre, les femmes passaient à travers les taillis qui les bordent, et quand elles arrivaient à un pont, au lieu de passer dessus, préféraient traverser à gué ; routes et ponts étaient l’œuvre des hommes et tabous pour le pied des femmes. Même la selle d’un homme, si cet homme est un indigène, est une chose dont l’usage reste interdit à une femme qui se respecte. Ainsi, du côté de l’île où est situé Anaho, deux blancs en possèdent : Mr. Regler, et le gendarme, Mr. Aussel ; lorsqu’une femme a un voyage à faire il faut qu’elle emprunte la sienne à l’un ou à l’autre. On le remarquera, ces interdictions tendent, pour la plupart, à creuser la distance qui sépare les sexes. Le respect de la chasteté féminine est en général l’excuse de toutes les entraves que les hommes aiment à imposer à leurs épouses et à leurs mères. Ici, le respect n’a rien à faire ; et considérez la vie de ces femmes qui ont encore pieds et mains liés par des convenances dénuées de toute espèce de sens. Les femmes elles-mêmes qui survivent à l’ancien régime avouent qu’en ces jours, la vie ne valait pas la peine d’être vécue. Pourtant, même alors, il y avait des exceptions. Il y avait des chefs-femmes, et, de plus, – on me l’a assuré – des prêtresses ; des coutumes rigides s’inclinaient devant les grandes dames et dans l’enceinte la plus sacrée d’un haut-lieu, le Père Siméon Delmar put voir une pierre qui avait été le trône d’une dame de haute lignée. Combien tout ceci est exactement parallèle aux coutumes européennes qui donnaient aux princesses le droit de pénétrer dans les cloîtres les plus fermés, et appelaient des femmes à régner sur un pays qui leur refusait tout contrôle sur leurs propres enfants.

    Mais le tabou est, le plus souvent, l’instrument de restrictions sages et nécessaires. Nous l’avons vu, organe d’un gouvernement paternel. Il sert aussi à renforcer, dans les cas très rares où quelqu’un le désire, les droits de la propriété privée. Ainsi, un homme fatigué des allées et venues des visiteurs marquisans taboue sa porte, et jusqu’à ce jour, vous pouvez voir encore le signal de la branche de palmier comme nos aïeux voyaient la « baguette-pelée » devant une auberge des Highlands. Un autre cas. Anaho est considéré comme « le pays sans popoi ». Le mot popoi sert, en différentes îles, à désigner la principale nourriture du peuple ; ainsi, à Hawaï, c’est une préparation de Taro ; et aux Marquises, une autre préparation faite avec les fruits de l’arbre à pain. Il y a quelques années, la sécheresse détruisit tous les arbres à pain et les bananiers du district d’Anaho ; un singulier état de choses naquit de cette calamité et des coutumes généreuses de l’île. Hatiheu,

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