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    2. Catriona (Les Aventures de David Balfour 2)
    3. Chapitre 54
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    fûmes réduits, Catriona et moi, à nous mettre à table sans lui. C’était au repas du soir, et je me retirai aussitôt après avoir mangé, en lui insinuant qu’elle préférait sans doute rester seule. Elle en convint, et aussi bizarre que cela puisse paraître, je la crus entièrement. De fait, je me considérais comme un objet d’aversion pour la jeune fille, car je lui rappelais un moment de faiblesse dont elle abhorrait le souvenir. Il lui fallut donc rester toute seule dans cette chambre où elle et moi avions connu tant de joies, à contempler cet âtre dont la lueur avait éclairé tous nos moments difficiles et tendres. Il lui fallut rester seule et songer à son malheur d’avoir imprudemment offert sa tendresse qu’on avait repoussée. Et cependant je me trouvais loin d’elle à me faire des remontrances sur la fragilité humaine et la susceptibilité féminine. En somme on ne vit jamais deux pauvres fous se rendre plus malheureux par un pire malentendu.

    Quant à James, il ne faisait aucune attention à nous. Il ne voyait rien d’autre au monde que remplir sa panse et sa poche, et raconter ses hâbleries. Douze heures ne s’étaient pas écoulées qu’il m’avait déjà fait un petit emprunt ; au bout de trente, il m’en demandait un second, que je lui refusais. L’argent comme le refus, il les accueillit avec la même parfaite bonne humeur. Du reste, il avait un air d’apparente magnanimité fort bien fait pour en imposer à sa fille ; et le jour sous lequel il se présentait sans cesse dans les propos s’alliait fort harmonieusement à la belle prestance et aux nobles façons de notre homme. Quelqu’un qui n’aurait pas encore eu affaire à lui, et qui aurait été doué, soit d’une faible pénétration, soit d’une forte dose de prévention, eût pu à la rigueur s’y laisser prendre. Pour moi, après deux entretiens, je le lisais à livre ouvert : je le voyais d’un égoïsme parfait autant qu’ingénu ; et ses fanfaronnades (ce n’étaient que faits d’armes, et « un vieux soldat » et « un pauvre gentilhomme highlander » et « la force de mon pays et de mes amis ») ne retenaient pas plus mon attention que ne l’eût fait le caquet d’un perroquet.

    Le plus curieux c’était qu’il en croyait lui-même quelque chose, au moins par moments ; il était je crois si faux d’un bout à l’autre qu’il ne savait plus trop quand il mentait ; et il ne devait être d’une entière bonne foi que dans ses seuls moments d’abattement. À de certaines heures, il était l’être le plus paisible, le plus affectueux et le plus caressant que l’on pût voir ; il tenait alors la main de Catriona tel un gros bébé, et me priait de ne pas l’abandonner si j’avais la moindre affection pour lui ; sans se douter que toute celle que je possédais, loin de lui être dédiée, allait uniquement à sa fille. Il nous pressait et même nous adjurait de le distraire par nos propos, ce qui était fort malaisé vu la nature de nos relations ; puis il retombait à nouveau dans ses lamentations sur son pays et ses amis, ou bien il se mettait à chanter en gaélique.

    – Voici, disait-il, un des airs mélancoliques de ma terre natale. Vous trouvez peut-être singulier de voir pleurer un soldat ; et c’est bien fait d’ailleurs pour resserrer notre amitié. Mais j’ai dans le sang la cadence de cette chanson, et ses paroles jaillissent de mon cœur. Et lorsque je songe à mes montagnes rousses et au chant de leurs oiseaux, je n’aurais pas honte de pleurer devant mes ennemis. Puis se remettant à chanter il me traduisait des fragments de la chanson, avec beaucoup d’emphase et avec un mépris affecté de la langue anglaise. Cela veut dire, reprenait-il, que le soleil est couché, la bataille terminée, et les braves chefs vaincus. Et elle dit ici comment les étoiles les virent se réfugier en pays étranger ou rester morts sur la montagne rousse ; et plus jamais ils ne lanceront le cri de guerre, plus jamais ils ne se baigneront les pieds dans les torrents de la vallée. Ah ! si vous connaissiez un peu cette langue vous pleureriez aussi, car ses mots ne se peuvent rendre, et c’est une vraie dérision que de vous les répéter en anglais.

    Certes, je pensais bien qu’il mettait dans tout cela beaucoup d’exagération, comme à son ordinaire ; et pourtant il y mettait aussi du vrai sentiment, ce pour quoi je le détestais peut-être encore plus. Et cela me blessait au vif de voir Catriona si occupée du vieux gredin, et pleurant à chaudes larmes de le voir pleurer, alors que j’étais sûr qu’une moitié de sa tristesse à lui provenait de ses libations nocturnes dans les tavernes. Il y avait des fois où j’étais tenté de lui avancer une somme ronde afin de le voir déguerpir pour de bon ; mais c’eût été se priver de Catriona également, ce à quoi je n’étais pas aussi bien résigné ; en outre, je me faisais scrupule de prodiguer mon bon argent à un individu si peu économe.

    XXVII

    À deux

    Ce fut je crois vers le cinquième jour, et je sais du moins que James était dans un de ces accès de mélancolie, lorsque je reçus trois lettres. La première était d’Alan, et me proposait de venir me voir à Leyde ; les deux autres arrivaient d’Écosse et avaient trait à la même affaire, à savoir le décès de mon oncle et mon entière accession à mes droits. Celle de Rankeillor ne traitait bien entendu que le point de vue affaires ; celle de miss Grant était comme elle, un peu plus spirituelle que sage, pleine de reproches envers moi qui ne lui avais pas écrit, et de plaisanteries à l’égard de Catriona, qui me blessèrent d’autant plus que je les lisais en la présence de cette dernière.

    Car ce fut bien entendu dans mon appartement que je les trouvai, lorsque je rentrai pour dîner, si bien que l’on m’interrogea sur les nouvelles qu’elles m’apportaient dès le premier moment de leur lecture. Elles firent pour nous trois une diversion bien accueillie, car nul ne pouvait prévoir les tristes conséquences qui devaient en résulter. Ce fut le hasard qui m’apporta ces trois lettres le même jour, et qui me les remit entre les mains dans la pièce même où se trouvait James More ; et quant aux événements qui résultèrent de ce hasard, et que j’aurais pu empêcher en me taisant, ils étaient sans doute prédestinés dès avant qu’Agricola vînt en Écosse et qu’Abraham commençât ses pérégrinations.

    La première que j’ouvris fut naturellement celle d’Alan, et je trouvai tout aussi naturel de commenter à haute voix son projet de me rendre visite. Je vis James dresser l’oreille d’un air fort intéressé.

    – N’est-ce pas cet Alan Breck que l’on a soupçonné dans l’accident d’Appin ?

    Je lui répondis par l’affirmative, et il me retint un moment d’ouvrir mes autres lettres, en m’interrogeant sur nos relations, sur le genre de vie qu’Alan menait en France, genre de vie que je ne connaissais guère, et enfin sur sa visite projetée.

    – Tous les bannis comme nous tiennent un peu ensemble, ajouta-t-il ; et de plus je connais ce gentilhomme ; sa race n’est pas des plus pures, et il n’a en réalité pas le droit de s’appeler Stewart, mais il n’en a pas moins fait des prouesses de valeur durant la journée de Drummossie. Il s’y est conduit en soldat. Si d’autres qu’il est inutile de nommer s’y étaient conduits aussi bien, son résultat eût été d’un souvenir moins pénible. Nous avons tous deux fait de notre mieux ce jour-là, et cela crée un lien entre nous.

    J’eus peine à me retenir de lui lancer une pointe, et je regrettai qu’Alan ne fût pas là pour le pousser un peu sur le chapitre de sa naissance. Il paraît d’ailleurs que celle-ci n’était en effet pas des plus régulières.

    Cependant j’avais ouvert la lettre de miss Grant. Elle m’arracha une exclamation.

    – Catriona, m’écriai-je, oubliant pour la première fois depuis l’arrivée de son père de m’adresser à elle avec cérémonie, me voilà entré tout à fait en possession de mon royaume, je suis laird de Shaws pour de bon… mon oncle a fini par mourir.

    Elle se leva de son siège en battant des mains. Mais un instant nous suffit à tous deux pour comprendre que nous n’avions ni l’un ni l’autre aucun sujet de nous réjouir, et nous restâmes face à face, à nous considérer tristement.

    James se montra parfait hypocrite.

    – Ma fille, dit-il, est-ce donc ainsi que ma cousine vous a appris la politesse ? M. David vient de perdre un proche parent ; nous devons d’abord lui présenter nos condoléances.

    Je me tournai vers lui presque en colère.

    – Au vrai, monsieur, fis-je, je suis incapable de telles grimaces. La nouvelle de sa mort est pour moi des mieux accueillies.

    – Voilà une philosophie digne d’un bon soldat, répliqua James More. C’est le sort de la chair, nous devons tous sauter le pas. Et puisque ce gentilhomme était si éloigné de vos bonnes grâces, en ce cas, parfait ! Mais nous pouvons au moins vous féliciter sur cette entrée en possession de votre fortune.

    – Pas davantage, ripostai-je, non sans quelque vivacité. Qu’importe cette belle fortune à un homme seul, qui en a déjà assez pour vivre ? Je possédais avant cela un bon revenu dans ma frugalité ; et à part la mort de cet homme – dont je me réjouis, je l’avoue à ma honte – je ne vois personne qui doive profiter de

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